Quelle non-mixité?
by pwll on Fév.01, 2015, under féminisme
Pendant longtemps, j’ai pensé qu’écrire « sont inclues comme femmes toutes celles qui s’identifient comme femmes* » était suffisant pour que la non-mixité soit inclusive, mais maintenant je dois me rendre à l’évidence : cette petite phrase a ses limites. Je vois des réunions s’éterniser sur le sujet de ce qui est inclus à l’intérieur de « femmes* », je vois des groupes fb se perdre dans des conversations où tout le monde danse bien inconfortablement entre des définitions parce que dans le fond aucune de nous ne veut (et ne devrait) définir monolithiquement ce qu’est une femme*.
Avant d’aller plus loin, explorons notre propre histoire féministe: la non-mixité femmes est un leg des premières féministes radicales parce que dans leur vision politique les femmes sont une classe en soi, une classe qui est en lutte contre la classe des hommes, la classe des hommes ayant ses propres intérêts et sa propre violence à défendre. Les femmes avaient donc besoin de safe spaces non-mixtes non seulement pour s’organiser politiquement afin de lutter contre leur oppression spécifique, mais parce qu’elles voulaient échanger sur le sujet de leurs corps. C’est à ce moment qu’elles ont fait toutes sortes d’expériences en lien avec leurs corps, comme regarder attentivement leurs vulves à l’aide de miroirs ou goûter à leur sang menstruel. La relation entre non-mixité et leur propre biologie était intrinsèque pour elles parce qu’elles vivaient dans un monde où on ne parlait jamais du corps des femmes, qui était perçu comme un truc sale, impur et plus proche de l’animal que de l’humain. La non-mixité était un espace où elles pouvaient explorer, s’informer et échanger a propos de ces corps. Un espace où les hommes n’allaient pas exiger, avec une moue dégoûtée, de changer de sujet « parce que ce sont des choses de femmes ». C’est sur cette base d’affinité politique, mais aussi biologique qu’a été créée l’idée de la non-mixité femme.
Aujourd’hui, dans nos cercles féministes, j’ai l’impression que nous essayons de prendre ce concept apparu dans un contexte politico-historique particulier et que nous essayons de le bricoler pour en garder l’essence (le safer space entre gens qui se rassemblent pour lutter sous les mêmes affinités politiques) tout en tenant mordicus à affirmer une affinité de l’expérience d’être une femme*. Pourtant les féministes queers nous ont appris qu’être une femme* n’est pas nécessairement vécu comme une binarité d’une classe opposée à celle des hommes*. Les féministes queers considèrent qu’être femme* est une identité de genre qui ne fait absolument pas partie d’une binarité, mais d’une multiplicité, et travaillent activement pour déconstruire cette idée de binarité. Nous savons maintenant que les femmes* n’ont pas toutes une vulve, un vagin, des menstruations ou un utérus. Nous comprenons que des femmes* ne se reconnaissent pas et se sentent exclues dans des espaces non-mixtes femmes* qui s’engagent dans des sujets biologisants.
Les deux visions politiques (radicale et queer) ont des implications importantes et je ne crois pas du tout que les deux soient irréconciliables, mais je pense qu’en tant que féministes il faut arrêter de se mentir et de penser que nous pouvons être une grande sororité: nous n’en sommes pas une, même si nous pouvons être des alliées les unes des autres tout dépendant de la lutte. Il y a trop de différences entre les femmes*. Les femmes des Premières nations ont des intérêts en opposition directe avec les femmes blanches, les femmes vivant avec des handicaps ont à lutter contre les intérêts des femmes qui ne vivent pas de handicaps et les femmes des classes défavorisées ont à lutter contre les intérêts des femmes bourgeoises. Écrire dans nos réunions politiques « sont inclues toutes celles qui s’identifient comme femmes* » est un mensonge. Nous ne voulons pas que les Jeunes libérales, des femmes catho anti-choix ou les femmes du CA de la corporation des propriétaires immobiliers se pointent à nos réunions féministes ouvertes. Et nous ne le voulons pas pour d’excellentes raisons : parce qu’elles ne sont pas nos alliées dans les luttes politiques (contre le capitalisme, le racisme, le patriarcat, le capacitisme…) que nous menons au jour le jour.
Il y aurait peut-être alors lieu de s’interroger sur quel genre de non-mixité nous visons. Je n’ai pas la panacée qui va miraculeusement nous sortir de cette impasse où nous nous acculons nous-même joyeusement, je tente seulement de lancer des pistes de réflexion sur une réactualisation de la non-mixité dans un contexte féministe. Je pense qu’il faut se demander pourquoi nous voulons nous organiser en non-mixité. Est-ce que c’est pour se réunir sous la base de notre oppression commune en tant que femmes*? Est-ce qu’on est vraiment en train de se faire croire que l’expérience de sexisme d’une femme cis hétérosexuelle ayant à vivre en fauteuil roulant est exactement la même que celle d’une femme trans lesbienne possédant l’usage de ses deux jambes? Ne sommes-nous pas dans un romantisme de sororité?
Comme je le disais, je n’ai pas la baguette magique qui répond à toutes ces questions, mais je pense pouvoir avancer quelques idées à débattre. Quand nous voulons ratisser large et être générales, pourquoi pas une « non-mixité féministe »? Il y aurait à craindre que des hommes* voudraient se pointer mais nous pourrions êtres claires sur le fait qu’ils n’auraient pas la parole pendant la réunion. Quand nous voulons parler de sujets spécifiques pourquoi ne pas annoncer une non-mixité qui mettrait l’accent entre le lien qu’il peut y avoir entre les femmes* et ce sujet? Par exemple, un atelier où il est clairement exprimé que la non-mixité féministe se fait sur la base d’intérêt du sujet des plantes médicinales et des corps de femmes cis aura beaucoup moins tendance à être polémique qu’un vague « c’est une activité non-mixte où sont invitées toutes celles qui s’identifient comme femmes* » où la tentative d’inclusion peut être blessante à cause du sujet même. De la même manière, si un collectif féministe anti-spéciste organise un party cupcake vegan féministe non-mixte sur la base d’affinités anti-spécistes et qu’elles l’annoncent comme ça, elles n’auront pas à définir les identités qui sont inclues. La non-mixité se ferait ainsi sur une base affinitaire et non identitaire, parce que si les identités sont fluctuantes et multiples, nous ne devrions pas essayer de les mettre dans une petit boîte. Les femmes* connaissent leur identité, c’est un fait que nous sommes toutes capables de répéter et de respecter, alors pourquoi encore vouloir embarquer dans ces définitions? Évidement, cela peut marcher seulement si nous continuons à nous autogérer par le respect. Personne ne devrait, comme personne ne l’est présentement, être la gardienne de la non-mixité. Les femmes* connaissent leur identité et leurs intérêts, si elles considèrent qu’elles ont leur place dans un événement non-mixte où l’intérêt principal a été clairement nommé, personne ne devrait questionner ça.
Dans mes deux exemples d’activités c’est une non-mixité féministe où les femmes* sont spécifiquement invitées. Mais ce ne sont pas les mêmes qui se sentiront interpellées par chacune de ces non-mixités. Et c’est correct. Ce n’est pas parce que nous sommes des femmes* que nous avons universellement les mêmes expériences, intérêts ou choix de luttes. Je pense que nous devons assumer la diversité, les tensions et les contradictions à l’intérieur du grand Nous femmes* sinon nous allons reproduire des exclusions. Sinon, certains sujets ou approches féministes ne seront jamais explorés, présentés et débattus quand d’autres vont majoritairement l’être et vont aller de soi comme « naturellement féministes ». Si nous n’assumons pas notre diversité féministe et nos contradictions, certaines personnes ne se sentiront jamais inclues et d’autres vont se sentir universellement inclues quelle que soit l’activité.
Ce qui m’amène, pour terminer, à l’automatisme de la non-mixité femmes*. Je ne sais pas si c’est parce que nous évoluons dans un milieu très blanc et très francophone mais j’ai des fois l’impression que c’est la seule non-mixité que nous sommes en mesure de revendiquer et la seule que nous tenons absolument à appliquer. Pourtant, chacun/e d’entre nous possède plein de facettes d’identités, plein d’expériences d’oppressions de différentes structures violentes, plein d’intérêts politiques différents. Si je suis d’accord que la non-mixité est essentielle au féminisme, en tant qu’espace politique elle est aussi essentielle à d’autres luttes. Peut-être que des fois, organiser des non-mixités sous d’autres bases que seulement celle du sexe/genre pourrait aussi nous aider à connecter ailleurs que dans nos cercles blancs/franco/anarcho-mouvement étudiant. Peut-être qu’on serait plus à même de mieux comprendre cette intersectionnalité que nous connaissons tant en théorie mais que nous peinons beaucoup à mettre en pratique.
Qu’en pensez-vous?
Note : Je ne pense pas maîtriser encore bien l’utilisation de l’étoile (*) quand j’écris. Je suis désolée si j’ai pu heurter des personnes par une mauvaise utilisation. N’hésitez pas à m’en faire part.
février 11th, 2015 on 12:05
J’admets avoir fait une lecture rapide de ton texte ci-haut, Pwll, avant de poster une réponse qui n’est que secondairement en lien avec le texte, plus sur le fond.
Faudrait faire attention de pas lire des propos que j’ai pas écrit. Je vais juste répondre à tes questions car si je m’embarque à contre-commenter au sujet de la vieille controverse de la participation d’anarchistes à des luttes citoyennistes et réformistes je risque d’écrire autre libel inflammatoire sans fin, aussi désagréable à écrire qu’à lire, et après tout t’es libre de croire en la trame et l’identité qui te conviens…
Pour clarifier le passage dont tu parles, je tentais de faire une mise en garde; que la lutte de façade -au niveau du langage, de l’«univers des symboles»- protège pas contre ni n’empêche par les rapports matériels abusifs ou de domination. C’est l’idée des « manarchistes » en jupons. L’exemple du mec qui se monte une façade queer, anarchiste, radicale pour ensuite exercer sa phallocratie sur des femmes est grossier, certes, mais reflète bel et bien une réalité. Parce que comme dans tout le reste des pattenrs d’exploitation et de soumission en société, on se fait toujours baiser par le langage, en premier lieu (le langage incluant aussi tout l’aspect du non-verbal, y compris les signes visuels… tu verras que les faits anodins du quotidien sont incroyablement complexes dans leurs construits, en fait). Donc ici, je vois pas en quoi l’idée que la façade identitaire des rapports fonctionne à partir d’une machine sociale sous-jacente, ce soit une si importante contradiction avec l’idée que les luttes identitaires soient fondées sur des conditions matérielles. En fait je me demande si ce sont deux analyses différentes, ou bien une seule avec deux façons de les formuler.
Je comprends bien que ce à quoi s’opposent les féministes radicales et queers radicales c’est des rapports de violence et de domination sexuels bien concrets et matériels. Ce que je disais est que pour contrer, abolir ou empêcher cette violence je crois pas que c’est suffisant que de s’attaquer au système de représentations sexuelles dominant, soit dans le langage, qui est en fait un tactique libérale, surtout la rectitude politique- vielle d’une vingtaine d’années en Amérique du Nord , et qui a toujours été réformiste et entriste. Juste que de chercher à abolir les rapports patriarcaux par l’entremise de ça est comme d’essayer d’abattre un arbre en coupant les feuilles.
C’est le même vieux problème autour de qu’est-ce qui est symbolique. Tel que vu à la télé dans le fameux quiz « Trouvez la manif pas symbolique! ». Et c’est assez difficile à démêler, je suis d’accord. Quand je parles de « symbolique », ça inclut aussi le référant, pas juste le signe. Ça inclut la domination matérielle, en effet, car le symbole requiert des dispositifs de domination physique pour entretenir le rapport de domination. La domination est matérielle, mais fondée sur un ensemble de représentations et de signes (la dimension symbolique). En fait je crois qu’on se contredit pas du tout, en fait.
Moi aussi ça me fait chier de tomber sur des formulaire qui me forcent à être un mâle ou une femelle (qui est un symbole sur un formulaire, mais aussi EN SOI une forme de propagande sexiste ordinaire). Je me sens plutôt mal pour les personnes qui sont dans le flou entre les deux, et je considère cocher entre les deux cases à l’avenir justement. Mais je fais face aussi à la réalité que la plupart des gens ont un organe sexuel et pas deux, de sexes différents, même si ce rapport majoritaire fait PAS que les personnes ayant les deux organes (ou bien ayant un équilibre hormonal correspondant pas trop à un genre conventionnel) devraient être forcées dans un ou l’autre. C’est mon plus gros problème avec ces deux cases sur les formulaires. Ça, c’est l’ombre de la démocratie. De la majorité qui l’emporte sur la perspective minoritaire, de la masse sur l’individu, de la grosse manif à la con leur l’action clandestine d’un petit groupe de gens, ou une personne seule. Le problème de comment l’individu est écrasé, même étouffé dans cette société. C’est le rapport majoritaire qu’il faut abolir, notamment avec la solidarité autour des perspectives minoritaires, des groupes opprimés jusqu’aux personnes isolées.
La contre-culture est aussi une culture, donc y a toujours ce potentiel uniformisant qui écrase l’existence et l’expérience individuelle, ou juste ce qui fitte pas dans le moule du jour. La conformité cherche à s’imposer de partout, car c’est un rapport de groupe!
Mais je sais que les queers radicauxales en sont plus que juste conscient-es.
Autre exemple… une route ou autoroute est un autre symbole implicite de domination de la civilisation sur un espace naturel colonisé, c’est une infrastructure concrète qui dépends de signes permettant à la fois une séparation mentale avec le domaine naturel autour, mais aussi une réification de l’ordre social dominat (la sacro-sainte Loi). Ces signes sont des lignes, blanches et jaunes… les lignes de l’ordre établi.
Cette séparation symbolique, qui exprime un rapport de domination foutrement froid et mécanique, bien il permet que des tonnes de conducteurs tuent insensiblement une quantité innombrable d’êtres vivants sur les routes, leurs voitures se transformant littéralement en outils de répression directe du vivant, et ce, simplement parce que ces êtres (1) sont non-humains et (2) font fi de la Loi régissant le rapport de domination. Selon C. Wright Mills, l’autoroute serait en fait une des matérialisations d’une « machine » sociale plus profonde et vaste.
QUOIQUE… Si des mesures Vertes bien gentilles et spectaculaires seraient mises en application pour donner l’impression que l’État se préoccupe de la faune, et que les conducteurs aussi, bien ici on se trouverait à camoufler, pas à briser ce rapport de domination bien matériel. Ce qu’ils font surtout dans les campagnes c’est quelque chose d’en fait hypocritement anthropomorphique, de mettre des signes sur le bord des routes pour sensibiliser les conducteurs à faire attention aux enfants. Bien sympa, et peut-être ça aide vraiment à sauver des vies, mais probablement des vies non-humaines.
« Si j’ai bien compris c’est plutôt en lien avec les “allié-es insitutionnalisés” genre ONG, mais j’ai reconnu énormément de points dans ce texte que où je reconnais facilemement les super-militant-es-allié-es. »
Si tu lis bien au tout début de ce texte, je crois que ça inclut assez clairement les allié-es non-institutionnel-les. Bien entendu que le rapport d’allié, tout comme les rapports patriarcaux, autoritaires ou de classes se déroulent en grande partie dans la dimension informelle. De toute façon tous les rapports ont une dimension informelle, institutionnalisés ou non.
« Dans le texte ça parle d’autochtones et d’anticolonialisme mais je pense que c’est inexact de penser qu’une personne de la majorité colonialiste peut être complice d’une personne autochtone dans sa lutte. »
Pourquoi pas? Tu trouves pas que ça nous ramène assez abruptement à une logique déterministe qui frôle le conservatisme? Qu’il y ait pas de complicité possible de la part de mecs avec des femmes en situation d’oppression, ou bien des « Blancs » avec des autochtones qui résistent contre un projet de développement sur leurs terres ancestrales? Donc la solution serait quoi… l’apathie? Bravo, c’est pas mal ce qu’on fait déjà massivement! (lol, ou snif)
Aussi, ça en revient toujours au même pattern de « culpabilité par association » que la Gauche identitaire reproduit… Que je suis PAS la majorité coloniale Blanche qui est pas en prison, même si j’admets (et je me fous de comment ça puisse contribuer à mon profilage policier) provenir de ce monde de merde. Je cherche plutôt à être un-e individu, une personne, pas une unité statistique dans une catégorie sociale. Que même si c’est probable de dans mes rapports avec des personnes d’une certaine minorité je puisse reproduire certains rapports pourris de dominatrix, surtout du « gentil-le colon victorien-ne » issus de ce monde, je peux aussi apprendre ou adopter d’autres sortes de rapports. Ou mieux encore, de fucking passer à l’attaque contre cette civlisation (ce que, en passant, pas trop de gens semblent s’occupper à faire par ici depuis un petit bout, ou du moins j’en ai pas au vent beaucoup).
Voici une représentation visuelle de ce concept pas très académique: http://en.squat.net/wp-content/uploads/en/2015/02/140122897086511.jpg
Je crois que la ligne qui sépare le plus l’alliance de la complicité est le pragmatisme et la notion de solidarité, comment elle est définie. Au sens que c’est de la complicité lorsque les actions sont posées pour défaire le rapport d’abus, sans pour autant se faire le « Sauveur », « Batman », le « Papa » ou le « Bon Maître ». Je crois qu’il y a une distinction assez facile à réaliser entre l’entraide et puis créer une relation d’aide. Aussi entre complicité dans l’action et la prétension passive d’être « de ton côté ». Comme dans le texte, y a pas trop de flous autour de la définiton du-de la complice… tout le monde sait assez bien que ça renvoie au domaine de l’action, du complot actif. T’es complice parce que t’as fait ci ou ça avec quelqu’un-e, pas vraiment parce que t’es en faveur de l’idée X ou Y, ou que t’en fais même la promotion.
Comme toujours, y a Francis Dupuis-Déry, et y a Marco Camenish. Un est en prison depuis longtemps, et un est prof permanent à l’UQAM. Ou bien t’as aussi Nikki Kish, comparée à (insère un équivalent féminin de Dupuis-Déry… j’ai du mal à en trouver).
Donc c’est vraiment simplement de poser des action réellement libératrices, plutôt que de donner l’impression ou se prétendre, selon ce que j’en comprends, sans pour toutefois devenir le nouveau gestionnaire des opprimé-es. C’est certain qu’il existe pas de position sociale neutre suspendue dans le vide.
février 8th, 2015 on 13:42
Je ne sais pas si j’ai bien saisi le début du commentaire, mais je ne suis définitivement pas d’accord avec cette partie: « Derrière les facades de l’identitaire (les construits symboliques que sont les genres) y a aussi une mécanique, une vielle machine merdique, qui continue de tourner et que malheureusement nombreuses féministes et pro-féministes entretiennent, surtout inconsciemment, dans leur entourage. » Ce n’est pas la première fois que je lis de quoi du genre et je ne peux pas être d’accord tout d’abord parce que les luttes identitaires sont basé dans ce qui est iminément matériel. Les luttes identitaires du genre ont un lien direct avec leurs conditions matérielles d’existance (que je ne comprend pas seulement comme économiques, mais aussi de sécurité physique par exemple, d’accès aux ressources, etc.). Ce n’est pas « l’aspect symbolique des rapports de domination patriarcaux », mais plutôt une autre manière de les appréhender et de lutter contre la domination patriarcale. Ce texte se veut une tentative de trouver des ponts entre féminisme radical et queer dans une praxis de groupes militants. Dans la théorisation ces ponts existent déjà, mais il me semble que nous devons collectivement réfléchir à comment les mettre en pratique plutôt que de renvoyer le féminisme radical et le féminisme queer chacun dans leur coin.
Dans la vraie vie, les différentes féministes ont énormément de points de liaisons dans leur praxis, les alliances ponctuelles contre les projets de lois anti-avortement qui reviennent une fois de temps en temps sont la preuve que nous pouvont même nous unir avec des féministes libérales en tailleur channel. Les points de liaisons existent et sont nombreux… essayer de tourner le dos aux féministes queers en renvoyant leur militantisme à du « symbolisme » ne passe certainement pas l’épreuve des faits en plus d’être contre-productif. C’est pas ce qui se passe sur le terrain.
C’est pourquoi je suis à la recherche de solutions dans la praxis. Et la solution me semble plus simple à aller chercher d’un point de vue affinitaire. Dernièrement je lisais une conversation sur le même sujet et une personne à amené l’idée de laisser tomber femmes* pour « Les opprimé.e.s dans le genre uni.e.s contre [ajoutez ici le sujet choisi] ». J’ai trouvé ça pas mal génial. On ne devrait pas avoir à définir notre identité pour savoir que nous vivons de l’oppression.
À propos du lien et du texte, merci. Si j’ai bien compris c’est plutôt en lien avec les « allié-es insitutionnalisés » genre ONG, mais j’ai reconnu énormément de points dans ce texte que où je reconnais facilemement les super-militant-es-allié-es. Ceux et celles qui ordonnent à tout le monde « comment être un-e bon-ne allié-e » (parce qu’il semble n’y avoir qu’une seule façon quand on les écoute) et qui ont l’air de compter leur étoiles de mérite quand illes disent « notre activité a attiré plein de femmes/POC/[entrez ici le nom d’un groupe oppressé] ». Je ne sais pas quoi penser parce que visiblement c’est dans un but d’inclusion et je suis all for l’inclusion, mais ça me dérange dans la formulation. Je ne sais pas quoi penser.
J’aime bien l’idée de « complice » qu’amène le texte parce que ça amène l’idée des responsabilités et des risques partagés, mais je trouve que dans le contexte où une personne à plus à perdre que l’autre, ou plus à défendre je trouve que le mot « complice » cache cette réalité. Dans le texte ça parle d’autochtones et d’anticolonialisme mais je pense que c’est inexact de penser qu’une personne de la majorité colonialiste peut être complice d’une personne autochtone dans sa lutte. Les deux n’ont pas les mêmes choses à défendres ni les mêmes risques à prendres. Par contre, ce que j’aime, c’est que la notion de « complice » amène l’idée que la personne privilégiée prenne la décision de se servir de ses privilèges dans sa complicité pour partager un peu plus les risques et les responsabilités de la lutte. C’est intéressant.
Et finalement, merci de m’avoir rappelé cette quote de Lilla Watson:‘Si vous venez ici pour m’aider, vous perdez votre temps. Si vous venez parce que votre libération est liée à la mienne, alors travaillons ensemble’. Je pense que tout est là.
février 5th, 2015 on 22:06
Bonne critique. Y a longtemps aussi que je vois cette vision ultra-subjective des genres comme laissant trop de place au hijacking de réus entre femmes par des « manarchistes » ou des pseudo-Queers qui jouent le jeu de l’Allié-e. Comme s’il suffisait de cacher ses grosses couilles sous une jupe pour que phallocratie cesse d’être reproduite!
Y a cette conception contre-essentialiste dans une certaine mouvance féministe -peut-être pas si radicale- qui semble se limiter qu’à l’aspect symbolique des rapports de domination patriarcaux, pour éviter de vraiment comment ses rapports prennent place et sont maintenus par les parties impliquées. Derrière les facades de l’identitaire (les construits symboliques que sont les genres) y a aussi une mécanique, une vielle machine merdique, qui continue de tourner et que malheureusement nombreuses féministes et pro-féministes entretiennent, surtout inconsciemment, dans leur entourage. Pas que je sois d’accord avec l’essentialisme (tant qu’à moi tout n’a qu’à vor avec cette maudite objectification de nos rapports, même en l’abscence de rapports interpersonnels), juste que je dis qu’il faudrait bien observer et analyser les rapports sur plusieurs dimensions.
Aussi… justement au sujet de ces fameux « Alliés » on a publié ça récemment:
https://antidev.wordpress.com/2015/01/25/des-complices-pas-des-allies/