La Tomate noire

Archive for août, 2014

Actions non-violentes et glorification machiste

by on Août.27, 2014, under anarchie

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Pizzeria Anarchia et résistance non-violente

À Vienne, Pizzeria Anarchia, un squat qui coopérait avec des habitantEs du même immeuble pour résister aux deux enfoirés de spéculateurs qui se servaient (et se servent encore) de toutes sortes de méchancetés pour se débarrasser des locataires qui possédaient des baux, dans le but de rénover l’immeuble au complet et de louer les appartements beaucoup plus cher, s’est fait évincer à la fin juillet. Je vous passe les détails de cette lutte locale qui touche aux écrasants problèmes de logements abordables à Vienne pour plutôt vous parler d’un aspect qui m’a particulièrement frappée en tant que Montréalaise nourrie au grain de la-non-violence-c-est-dont-ben-pas-radical-ta-yeule-toé-pis-tes-signes-de-peace.

Pendant l’éviction, une personne a crié par la fenêtre que le groupe avait un consensus de résister de manière non-violente, et illes l’ont répété en entrevue après les événements. Les gens ont résisté pendant toute la journée, mais ça faisait longtemps qu’illes se préparaient, de manière aussi courageuse qu’ingénieuse (soudures et béton inclus), pour finalement se faire sortir de force. Illes étaient 19 à l’intérieur et ça a pris plus de 1500 flics, un canon a eau, les forces spéciales de la police, leur petit tank, un complet blocage de 3 coins de rues de chaque côté de la bâtisse et toute la journée pour les sortir. Ce qui a paru dans les médias mainstream à été des questionnements sur la compétence de la police ainsi que d’autres questionnements sur qui étaient ces enfoirés de propriétaires et comment une telle escalade avait pu arriver.

Je pense que personne ne peut ici nier que les gens qui squattaient étaient non seulement super bien organiséEs, mais que leurs méthodes d’action directe sont on ne peut plus radicales. Une fois la poussière des émotions retombée, la petite montréalaise que je suis est restée avec une question : pourquoi avoir souligné, de manière insistante, le consensus sur la non-violence de leur action ?

Dans notre contexte montréalais, on a un problème de définition. Les paciflics sont dangereuxSES pour notre sécurité parce que la violence symbolique de péter des fenêtre leur fait plus de peine que d’essayer de casser la gueule des gens qui pètent des vitrines, les imagistes sont plus intéresséEs à bien paraître qu’à faire des gains ou à se défendre, et certaines personnes pensent que protéger les voitures de flics en cas d’émeute est plus important que de faire front commun. À cause de toutes ces expériences nous avons tendance à placer toute la non-violence dans le même panier de la passivité ou de la collaboration avec les flics.

Nous nous trompons, comme le montrent les camarades de Vienne. L’action directe non-violence n’est pas passive, ou sans confrontation, et aucune lutte anti-oppressive qui utilise l’action directe ne peut jamais collaborer avec les autorités. À mon avis il faut faire une différence entre les actions qui collaborent avec les autorités et celles qui restent dans un mode confrontationnel, ça me semble beaucoup plus porteur que d’affirmer que toute action qui refuse de tirer des roches sur des gens lourdement équipés est niaiseuse. Dans ma tête, une action non-violente n’est pas nécessairement pacifiste: Pacifism is hugely influenced by conflict aversion. It really shows its middle classness in that way. There is a tremendous level of yearning for harmony because many pacifists see conflict itself as the problem. On the other hand, nonviolent revolutionaries welcome conflict, depend on it, and see polarization as absolutely essential. Whereas most pacifists hate polarization, we welcome it as long as polarization happens in such way that we’re on the winning side ! And then, of course, lots of pacifists are OK with capitalism, and nonviolent revolutionaries are not. They are strongly anticapitalist, and often antistate.*

Grève de 2012 et actions non violentes

Rendue là, j’en profite pour vous rappeler notre grève de 2012. J’en parle parce que c’est notre expérience la plus intense et la plus longue d’organisation et de coordination d’actions. J’en profite donc pour rappeler que toutes les actions imaginées ont été non-violentes, et je ne parle pas des flash mobs, des créations artistiques ou des Ma-nue-festations. Je parle des blocages de ponts et du port. Je parle de trashage de réunion d’actionnaires de banques, d’occupation du bureau d’une ministre et même de floodage de sites web de la police et du gouvernement, mais je parle aussi des manifs de soir qui n’arrêtaient pas malgré les attaques des flics. Je parle de tous ces matins à se rejoindre à 6h sans trop savoir ce qui allait se passer, comme je parle aussi de l’arrêt du métro et des blocages de cégeps et d’universités pour faire respecter les votes de grève. Ce qui a été imaginé, planifié, organisé n’a pas été imaginé dans le but d’affronter physiquement les flics et leurs bébelles meurtrières, même si c’était toujours dans un esprit de confrontation. Ce n’est pas parce que c’est non violent que ce choix d’action directe évite le conflit, au contraire il y participe activement. De la même manière, ces actions n’étaient pas passives, faciles, ou sans risques. Elles demandaient beaucoup de courage, et demandaient au gens de se mettre en danger physique et/ou de courir le risque de se faire arrêter. J’en profite aussi pour vous rappeler le gear que nous avions sur nous en partant de la maison chaque jour : un casque, des lunettes protectrices, une solution de Maalox, et notre foulard rouge. C’est un gear de protection. On protégeait notre tête et nos yeux. On se protégeait des gaz et du poivre, et quand quelqu’unE en avait besoin, on partageait, souvent avec des gens qu’on avait jamais vu de notre vie. Ce n’était pas de l’équipement d’attaque, c’était de l’équipement de défense.

Bien sûr, il y a aussi eu des moment où les gens, tannéEs de se faire casser la gueule, ont voulu répliquer à la violence de l’État et de ses goons armés pour nous tuer et ayant l’impunité pour le faire. Nous avons constaté les mini feux d’artifices en direction des flics dans certaines manifs, mais nous avons surtout constaté les balles de neige molles sur les flics, et leurs mensonges éhontés qui voulaient faire croire aux gens qui n’étaient pas là que nous lancions des briques d’en haut pour atteindre les voitures qui passaient sur l’autoroute Ville-marie. Je ne veux pas vous faire croire que j’ai plein d’empathie envers des flics en uniforme. Si les flics se font lancer des morceaux de pavé, des roches, de la glace, ou de la haine parce qu’ils répriment des gens non arméEs juste parce qu’ils le peuvent, mon niveau d’empathie est… non. Mais les épisodes de Victoriaville et du Plan nord me font aussi dire que bien que je comprenne complètement le sentiment des gens qui décident de lancer des roches et que jamais je ne vais les arrêter, la violence physique envers les goons de l’État n’est pas ce que nous faisons de mieux. Ce n’est pas là où nous avons été efficaces, même si je comprends tout à fait que ces pitchages de roches ont aussi une autre utilité que l’efficacité tactique. Rendu là je crois qu’une discussion s’impose sur le quand et comment utiliser chacune des tactiques plutôt que de continuer à faire une dichotomie : affrontements directs avec les flics vs collaboration avec les flics. Cette dichotomie n’existe pas dans la vraie vie parce que la collaboration avec les flics et l’État est contraire à ce pourquoi nous luttons et résistons, et parce que en dehors de l’affrontement direct avec les flics il y a de très nombreuses formes d’actions directes qui existent. Qui plus est, l’affrontement direct peut avoir plein d’utilités symboliques, de catharsis, ou d’expérimentation, mais de la manière dont il est mené ici, il n’est pas de taille à faire plier pour plus que quelques minutes les forces de l’ordre équipées et entraînées.

Le héros romantique qui lance du pavé : un homme d’action et du moment présent

Ce qui m’amène à la romantisation machiste de la violence physique que je croise des fois dans la gauche radicale montréalaise. Je répète que nous avons une expérience de mois d’actions non-violentes qui ont assez perturbés pour que la classe économique québécoise démontre son inquiétude et son exaspération au gouvernement. Une expérience de plusieurs mois à imaginer et à concrétiser des actions directes pour tous les goûts, où tout le monde, à un moment donné, pouvait participer. Plein de gens pouvaient participer, c’était plutôt inclusif, et ça ne demandait pas nécessairement des action heroes (bien que pouvoir courir était le plus souvent nécessaire). Alors elle vient de où cette espèce de glorification de la violence physique et du super-héros (je ne féminise pas, c’est comme pour les flics, c’est voulu) militant-sans-peur-qui-pitche-vaillament-des-roches ? Pourquoi je lis ou j’entends des amalgames douteux entre protéger des chars de flics et faire des actions non-violentes ?

Faire arrêter le métro vous trouvez que c’est collaborer avec l’ordre établi ?

Bloquer des cégeps et des universités en faisant face à la SQ en antiémeute vous trouvez que c’est passif?

Bloquer le pont Champlain vous trouvez que c’est non-confrontationnel?

Et d’un point de vue militant plus global, les gens qui sabotent du matériel militaire, qui font des grèves générales, qui s’enchaînent à des arbres ou bloquent des pipelines, qui pètent les pneus de voitures de flics dans un parking pendant que ceux-ci avancent vers une manif, qui hackent des sites web de gouvernements ou de militaires, ou bien qui font face, en masse tranquille non armée, à des flics/militaires armés et dangereux, vous ne trouvez pas ça organisé ? Créer et imprimer des tracts avec des idées qui sont punies par de la prison dans le régime où vous habitez vous ne trouvez pas que c’est une prise de risque ? Vous trouvez que c’est de la collaboration comme les paciflics ? Vous trouvez que ça manque de courage ? Vous trouvez que c’est comme voter social-démocrate ou comme faire une flash-mob dans un centre d’achat ?

Les critiques, dont les critiques féministes, par rapport à cette idéalisation du héros militant dont-ben-cool-parce-qu’il-lance-du-pavé sont déjà bien connues. Ce n’est pas juste macho dans son idéalisation d’une certaine masculinité, c’est aussi sexiste dans le sens où ça ne valorise absolument pas les tâches invisibles, qui sont pourtant partie prenante du militantisme, et ça fait preuve d’exclusion parce que dans ce modèle il ne faut pas être judiciarisé, il faut être capable d’être dans une certaine forme physique, il ne faut pas avoir d’enfants pour qui rentrer à la maison, et il ne faut pas avoir peur de perdre son statut légal par rapport à l’État. Ça romantise et ça met sous les projecteur une seule occupation, celle de la violence physique contre les goons de l’État, pour complètement dévaloriser d’autres actions qui peuvent être tout aussi risquées, ou non, et qui trouvent leur place dans un mouvement diversifié, inclusif, et horizontal.

Un jour, une femme militante, qui est allée en prison, parlait de ses réflexions en disant : « tsé les gens, les gars, disent souvent « feu au prisons ! » mais y pensent pas à après. Après avoir mit le feu et détruit la prison on fait quoi avec tous les gens et les problèmes bien réels qu’ils et elles vivent? ». Je trouve que ça représente bien ce fétichisme de la violence physique contre les goons de l’État : l’important pour les héros c’est le moment présent, le moment où ils se donnent le privilège de sortir leur rage et leur colère pendant qu’ils brillent sous les projecteurs, pendant que le reste de nous, gang d’invisibles, on pense au avant et au après. On imprime des tracts, on envoie des emails, on call des réunions, on call les avocatEs, on forme des groupes de soutien et on quête de l’argent.

Je ne suis pas une adepte de la non-violence à tout prix, et je ne pense pas que les action-heroes ne font rien d’autre que d’attendre la prochaine « manif qui pète » sans jamais participer à d’autre chose. Par contre, je pense que pour le bien de l’horizontalité de la manière dont on s’organise ainsi que pour la pratique de l’antisexisme qui est supposé être tellement importante, on mérite d’arrêter de coller sur la non-violence les étiquettes de collaboration avec les flics, de passivité, et de manque de courage. Il y a plein de manières de créer et de participer à des actions, nous l’avons déjà prouvé. Et tous les gens, leur créativité, et leur choix politiques méritent d’être pris en compte. Jasons plutôt de comment et quand utiliser nos tactiques plutôt que de les hiérarchiser pour créer des héros.

*George Lakey, interviewé par Andrew Cornell dans Oppose and Propose!, 2011, AK Press, p.64

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Ce n’est pas illogique d’espérer

by on Août.20, 2014, under Général

Les problèmes que l’humanité doit  affronter  s’accumulent et la montage qui se trouve devant nous peut parfois nous sembler insurmontable. Il n’est pas surprenant dans ce cas qu’il soit si difficile pour ceux et celles qui rêvent d’un monde meilleur de garder espoir. Que l’on pense à l’occupation israélienne de la Palestine, aux politicien-ne-s corrompu-e-s (c’est presque un pléonasme), à l’appauvrissement généralisé de l’ensemble de la population, aux nombreux viols qui surviennent chaque jour dans le monde et aux nombreux problèmes environnementaux qui menacent sérieusement la survie de l’espèce humaine sur cette Terre, ce ne sont pas les raisons de broyer du noir qui manquent à l’individu conscient. Pourtant, il est nécessaire de poursuivre la lutte et de ne pas abandonner devant l’adversité. Autrement, la vie perdrait son sens et les raisons de quitter le navire en emporteraient plus d’unE. Plusieurs nous ont quitté déjà, ne faisant ainsi qu’ajouter leur propre démission à la misère globale du monde.

 

Garder espoir est donc nécessaire, si ceux et celles voulant transformer radicalement cette société malade aspirent à la victoire. Les échecs et les défaites se comptent par milliers dans notre camp, mais le passé n’est pas toujours garant de l’avenir. Déjà, l’information circule de plus en plus librement dans notre société et ce grâce à l’arrivée puis au développement d’Internet. Les gens se mobilisent un peu partout dans le monde et prennent conscience de leur exploitation. On peut penser ici au printemps arabe, aux mouvements occupons ou plus près de nous, à la grève étudiante que nous avons connu au Québec en 2012. Certes, ces mouvements de protestation ne sont pas sans reproche et les gains obtenus peuvent sembler très minces, voir inexistants. Toutefois, ils témoignent d’un éveil politique chez la population et ils constituent une base à partir de laquelle nous pouvons fonder l’espoir d’un avenir meilleur pour les prochaines générations.

 

Voir les choses de manière positive n’est pas chose aisée en ce début de XXIe siècle, mais le pouvoir qui nous oppresse ne tient pas toutes les meilleures cartes dans ses mains. Nous avons le nombre de notre côté et plus nous le réaliserons, plus notre victoire sera non seulement possible, elle sera inévitable. Et ça, nos dirigeants le savent très bien. Ce n’est pas pour rien que l’État militarise sa police à une vitesse aussi vertigineuse. La classe dirigeante voit bien que les gens se réveillent peu à peu et sa seule option est d’écraser le soulèvement du peuple avant qu’elle ait complètement perdu son emprise. Pensez-y bien. Plus de 99% de la population subit l’exploitation et le contrôle venant de moins d’1% des habitants et des habitantes de la planète. Lorsqu’un nombre significatif de gens en auront pris conscience et qu’ils cesseront de coopérer avec la construction de leur propre prison, la partie sera terminée pour les exploiteurs de ce monde.

 

Personne n’a dit que changer le monde était chose facile. Il ne faudrait pas non plus tomber dans la naïveté et les romans à l’eau de rose. Le portrait que je dresse de la société est assez sombre en général et me semble aussi assez réaliste. Mais si la route vers la victoire est parsemée d’embûches et que le chemin à parcourir s’annonce pénible, je suis sincère quand j’écris que je pense réellement que nous pouvons gagner notre combat historique envers nos tortionnaires. Ils ne sont après tout qu’une poignée de parasites. C’est parce que nous oublions facilement tout cela que nous songeons à jeter l’éponge. Et franchement, si moi je peux en arriver à voir les choses de cette façon, envisager des jours meilleurs est quelque chose qui devrait être accessible à tous et toutes.

 

Ce n’est pas du délire et ce n’est pas une fausse promesse. Tout part d’une attitude. Et de cette attitude, le reste suivra. Ensuite, chacun et chacune est libre de contribuer à notre future victoire à sa façon. Mais une chose est sûre : nous verrons la lumière au bout du tunnel. Ensemble, nous abattrons ces maîtres qui nous tordent le cou et nous reprendrons le contrôle de ce navire qui vogue à la dérive.

 

Ensemble.

 

 

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