La Tomate noire

La police au service des flics et de la police

by on Juin.21, 2014, under Général

J’ai parlé il y a un peu plus d’un an de ce que je perçois comme un délabrement de pouvoir civil au profit du pouvoir policier. Dans ce cadre, la police – et en particulier le SPVM – ne se comporte plus comme une police politique classique, dont le rôle serait de soutenir le régime en place. Au contraire, elle se soutient elle-même, en tant que l’incarnation d’un levier de pouvoir qui s’oppose à celui des élu-e-s. Deux séries d’évènements parallèles ont peut-être encouragé ce pouvoir: la grève étudiante de 2012, qui a donné à la flicaille toute la latitude dont elle avait besoin pour devenir plus brutale et surtout agir en toute impunité; puis les divers scandales de collusion. Mais il peut tout aussi bien s’agir d’un mouvement global d’investissements monstrueux dans les institutions répressives et la sécurité, et de ce phénomène qu’on désigne souvent (et pas depuis peu) par le terme de militarisation de la police, sans que les agissements de la population aient réellement quelque chose à voir là-dedans.

La désobéissance civile et la collusion pourraient donc simplement servir d’arguments coïncidant par un malheureux hasard avec un contexte plus large de renforcement de la police. Des relations publiques, nécessairement, mais pas nécessairement de lien de causalité!

La manifestation syndicale (et également corporatiste, jusqu’à un certain point) de mardi dernier et la réaction du pouvoir civil sont une preuve de plus de l’augmentation du rapport de force de la police face aux élu-e-s. D’une part, Montréal a totalement perdu le contrôle déjà assez faible qu’elle avait sur le SPVM. Que des policiers/ères, à l’extérieur de leur shift, participent à des actions de perturbation, ça se peut, avec ou sans feu de poubelles. Mais qu’illes participent au même évènement en uniforme, avec leurs armes, c’est autre chose. On a parlé énormément de l’importance de la « neutralité de l’État », au cours du dernier mandat du PQ. L’État ne perd pas sa « neutralité » quand un-e de ses représentant-e-s prend position avec le port d’un signe religieux quelconque. Il la perd quand ses représentant-e-s et figures d’autorité utilisent leurs privilèges pour servir leurs propres intérêts, ou dans ce cas-ci les intérêts de leur corporation.

Le pouvoir civil, dont la légitimité et la force sont de plus en plus boiteuses, peine à se faire respecter. Est-ce que les objections et enquêtes de Denis Coderre vont réellement mener à quelque chose? Peu probable. Si c’est le cas, du moins, il est fort peu probable que des flics soient blâmé-e-s au point de mettre des individus en réelle difficulté, ou bien qu’un règlement vienne empêcher la même chose de se reproduire plus tard.

Rappelons aussi qu’alors que se déroulait ce rassemblement, un policier déjà poursuivi au civil arrêtait la demanderesse impliquée dans cette même poursuite, Jennifer (Bobette) Paquette, qui était présente au Palais de Justice de Montréal pour une autre cause (le règlement P-6). Cette activiste avait été ciblée, puis brutalisée sauvagement lors de la marche du 1er mai dernier. Elle avait subi des blessures graves. Assez abusif, vous trouvez pas?

Volontairement ou non, la journée du 17 juin 2014 fut donc une démonstration de force de la part des forces policières montréalaises. Quand sa corporation perd des privilèges, elle est prête à participer à des actes de perturbation (assez insignifiants, quand même, c’était pas super dangereux comme feu) que dans un autre contexte, elle punirait sévèrement. De plus, quand un de ses membres doit subir une poursuite judiciaire et donc en théorie répondre de ses actes (et je dis bien: en théorie[1]), il est en droit de mettre sa victime en état d’arrestation et de la détenir pour n’importe quelle broutille.

Cela montre bien que la police est devenue incontrôlable. Et lentement, elle s’éloigne du modèle Gestapo – la police du régime – pour se rapprocher d’un service d’ordre dont les actions sont moins contrôlées, comme les SA (les chemises brunes), ou même n’importe quel gang criminalisé, et dont les desseins sont plus autonomes.

 

La crétinerie arrogante des flics, l’idiotie manipulatrice des policitien-ne-s.

Les flics ne sont pas des lumières. S’illes avaient été intelligent-e-s, illes n’auraient pas paradé en uniforme et en véhicule, avec les autres syndiqué-e-s de la ville. Illes auraient employé plus de discrétion, de subtilité. Mais les flics n’ont pas besoin de faire preuve de finesse pour tromper des tas ahuris de citoyen-ne-s crédules. La sélection naturelle et les luttes de pouvoir n’avantagent pas nécessairement un QI élevé. Disons donc que leurs mensonges et exactions sont manifestes, sans toutefois nuire considérablement à leur position. Pourquoi? Sans doute parce que l’arme de prédilection des flics, c’est leur brutalité, pas l’intelligence. Et que la brutalité savamment appliquée est efficace.

En revanche, l’idiotie des politicien-ne-s finira par leur être fatale. Ce sont les politicien-ne-s qui ont accordé ce pouvoir aux flics. En 2012, mais aussi bien avant, illes ont lâché les chiens sur nous. La classe politique croyait sincèrement que les flics resteraient leurs ami-e-s fidèles et obéissant-e-s, qu’illes reviendraient s’asseoir dès qu’on leur crierait: au pied! Mais lâchée lousse, la police en a profité et se retourne maintenant contre elle (on se souvient entre autres de la querelle entre Hébert et Parent, encore une fois je vous réfère à mon texte de 2013), se servant du prétexte de la corruption[2] ou sincèrement préoccupée par le fond de pension de ses membres. Et les politicien-ne-s, profondément abruti-e-s, continuent de leur accorder de l’équipement neuf, des budgets élargis, et d’appuyer des règlements liberticides[3]. Normal, d’un certain point de vue: étant non-armé-e-s et ne possédant pas le monopole d’une violence physique directe, les élu-e-s ont profondément besoin des flics, beaucoup plus que l’inverse. Qu’aurait fait le maire de Mascouche si sa police avait refusé d’évacuer les dissident-e-s lors de ses conseils, jugeant qu’illes ne commettaient pas d’infraction?

 

Conclusion

Si le pouvoir civil était clairvoyant et dynamique, il chercherait ailleurs que chez la police le moyen de se faire respecter par la population, et lui retirerait une série de privilèges (par exemple, le règlement P-6!) tout en coupant son budget – et pas ses fonds de pension. Mais ceci n’arrivera pas. On ne peut pas compter sur les politicien-ne-s pour nous sauver de l’État policier, que celui-ci leur nuise ou pas. L’État est junkie de flics. Il augmente les doses petit à petit pour encore avoir son buzz. Et il y aura pas de désintox; juste une surdose, juste la mort.

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[1] Si les flics étaient jugé-e-s au criminel avec une cruauté équivalente à celle que subissent les activistes de gauche, il y en aurait eu des dizaines, voire des centaines en prison. Mais je ne la leur souhaiterai pas, parce que je suis contre la prison.

[2] Et en terme de corruption et de mafia, la police n’est pas en reste. Souvenons-nous du cas de Benoît Roberge, mais aussi de Philippe Paul. Deux grosses pointures. Et il y a aussi l’histoire trouble de Peter de Castris, (SQ), qui avait intimidé (et fait tabasser?) un fonctionnaire de Beaconsfield pour obtenir un permis. Ce ne sont que des exemples.

[3] Et que dire du choix de Poëti au sein du conseil des ministres? Ayant minimisé les gestes des flics du SPVM mardi dernier, il prend bien soin de rester fidèle à son ancienne carrière de casseur de gueules.

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