La Tomate noire

Les choses ne vont pas si mal

by on Avr.12, 2014, under Général

Par Umzidiu Meiktok, alias Mouton Marron.

Nous en avons encore pour au minimum quatre années et demie de copinage libéral, d’absence de débat, de lois agressives, de privatisations par la bande, de renforcement policier et surtout, surtout d’une floppée de projets polluants imposés par la force. Dans les faits, il y a peu de différences idéologiques entre le Parti Québécois et le Parti Libéral, mais je ne suis pas de ceux qui pensent que rien ne change après des élections, même si cela n’a rien à voir avec les individus qui composent le conseil des ministres. Si on peut se permettre d’espérer que la marche du néolibéralisme policier (« ou les vraies affaires »)  ne s’accélère pas considérablement sous Couillard, la situation n’est pas totalement désespérée. Voilà pourquoi.

Des gens qui favorisent le PQ vont retourner dans la rue

Si le PQ et le PLQ s’équivalent, il n’en va pas de même pour leur base partisane. On a souvent sous-évalué le poids des péquistes dans les manifestations de la grève étudiante. Et si une bonne partie des militant-e-s les plus conformistes appelaient souvent à voter et à cesser toute action politique pendant les élections de 2012, une bonne partie ont tout de même grossi les foules insoumises.

Avec le PQ au pouvoir, illes sont retourné-e-s chez eux. Beaucoup pourront témoigner de l’agressivité parfois intimidante avec laquelle les péquistes ont défendu le pouvoir au cours de l’année 2013. Il existait une réelle pression pour se la fermer, une pression telle que je n’en ai jamais sentie auparavant d’ailleurs, et qui provenait de militant-e-s qui se disaient progressistes. J’espère profondément que ce ne seront pas eux et elles qui rejoindront à nouveau la contestation[1]. Mais il est possible que ceux et celles, parmi les progressistes, qui ont cédé à la pression de ne pas critiquer le pouvoir voient celle-ci relâchée subitement.

Avec un gouvernement libéral, notre rapport de force pourrait grandir.

Les enjeux qui divisent

Le PQ et le PLQ ont tous deux alimenté la division afin de gagner en popularité, déclenchant sans scrupules des flambées de violence, policière dans le cas du PLQ, et xénophobe dans le cas du PQ. Avec eux, la fin justifie toujours les moyens. Et leur fin, c’est de réussir leur carrière politique. Les nationalistes ont cependant réussi ce que les libéraux n’ont pas été en mesure de faire: diviser la gauche. Alors que beaucoup ont décidé de ne pas s’impliquer dans les enjeux identitaires, d’autres se sont rangé-e-s d’un côté ou de l’autre.

Et plusieurs progressistes sincères et authentiques – même des féministes anars, vous en connaissez peut-être, moi deux – se sont laissé tenter par la Charte et l’ont défendue. Ce n’était pas nécessairement par xénophobie.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l’admiration dont étaient l’objet Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin, non seulement chez plusieurs jeunes, mais aussi et surtout chez les progressistes modéré-e-s des autres générations. Le PQ a réussi à coopter des leaders étudiant-e-s et à les faire adopter une position qui est fondamentalement opposée aux revendications de 2012. Entre eux et nous, le fossé s’est creusé. Mais d’autres ont suivi.

Le PLQ et les politicien-ne-s sont affaibli-e-s

Cette cooptation des leaders des fédérations étudiantes est sans doute un des seuls gains politiques réels du PQ dans un climat post-grève. Une victoire d’autant plus faible que le gouvernement qui les a récupéré-e-s était minoritaire, et que, c’est un secret de polichinelle, les fédés ont toujours été acquises au PQ.

Les élections de l’automne 2012 mettaient aux prises un gouvernement autoritaire, discrédité et épuisé, un nouveau parti vaguement populiste et un PQ qui essayait tant bien que mal de récupérer à la fois le vote contestataire et celui des frustré-e-s pogné-e-s dans le trafic[2].

La situation s’est dégradée depuis pour les politicien-ne-s. Charest était un leader fort et aguerri. Et il était très bien entouré.

Mais au fil du temps, son équipe s’est transformée. Réagissait-il trop mal à la critique et à la division au sein de son parti[3]? Avait-il choisi des ministres trop âgé-e-s? La grève étudiante a achevé de péter la yeule de ce gouvernement encore étonnamment rempli de ressources. Rappelons qu’à la fin, trois grandes figures du PLQ ont dû quitter: Line Beauchamp, Michèle Courchesne et Jean Charest, laissant le parti édenté[4] et psychologiquement épuisé. Et inutile de dire que les militant-e-s du PLQ, qui sont pour la plupart d’une servilité abrupte, font grand cas de leurs leaders. On peut s’attendre à bien des coups bas et des manigances au cours des prochaines années, mais chose certaine, on ne fera pas face à la même dynamique.

Le PQ était uni par la force sous Marois, qui a réussi à faire taire les récalcitrant-e-s après des années de travail acharné, marqué par la mise au pas et l’exil. Maintenant qu’elle est partie, des hommes à l’ambition infinie dansent sur les cadavres. La chicane va repogner.

Quant à la CAQ, elle ne s’appuie que sur la popularité de François Legault. Derrière, il n’y a que du vent et quelques écervelé-e-s, quoique confortables. Si Legault tombe – et on peut compter là-dessus, il FINIRA par faire une erreur plus grave que les autres – le parti redeviendra une version famélique de l’Union Nationale. Qui pourrait remplacer le chef efficacement? La vieille garde de l’ADQ?

Et en ce qui concerne QS, eh bien il ne formera pas le prochain gouvernement, ni le suivant.

Une défaite du nationalisme conservateur

Quelques médias ont parlé de l’influence extraordinaire d’intellectuels nationalistes, surtout des historien-ne-s et sociologues, pendant le mandat du PQ. Sur mon ancien blog, j’ai parlé à quelques reprises de la Coalition pour l’Histoire et de l’Institut Lionel-Groulx. Devinez qui était sur le C.A. du dernier organisme en 2013: eh oui, PKP.

Les intellectuel-le-s admis-es dans ce cercle n’étaient dangereux/euses que parce que le Parti Québécois était au pouvoir. Plusieurs les soupçonnent même d’avoir été à l’origine du projet de cours d’histoire obligatoire au cégep et, ce qui est un peu moins probable, de la Charte. Ce serait fantaisiste de croire que ces gens-là pourront trouver une oreille attentive au PLQ, étant donné surtout qu’ils n’ont pas les finances des lobbyistes du milieu des affaires.

Dans tous les cas, maintenant que leur pari est perdu, il ne leur reste que leur tribune – assez imposante quand même – au Devoir et quelques chroniques dans d’autres quotidiens.

À quoi ça nous sert, tout ça?

Résumons: les politicien-ne-s sont affaiblis. Les intellectuel-le-s nationalistes ne peuvent plus influencer le gouvernement. La gauche est à cours de sujet pour se diviser. Les militant-e-s progressistes votant traditionnellement pour le PQ n’ont plus que la rue pour s’exprimer. Et tout ça au beau milieu d’une crise de légitimité[5] qui atteint tout le monde!

Il est possible de rétablir un rapport de force vis-à-vis des politicien-ne-s et de profiter de leur situation de faiblesse et/ou de division. Les partis ont beau se ressembler et s’adonner à des courses assez futiles, mais ils sont tout de même en compétition. Toutes les stratégies qui ont été utilisées contre la population peuvent donc servir également contre ce pouvoir. Oui, nous sommes aussi épuisé-e-s, mais beaucoup d’entre nous sont jeunes: et la jeunesse se renouvelle à chaque année.

Il faut cependant se dépêcher de profiter de la situation. Il y a d’autres pouvoirs qui font compétition au pouvoir parlementaire provincial: la police, la justice des tribunaux, les grands capitalistes, les corporations syndicales, les autres paliers de gouvernement, etc. Et tous ne sont pas aussi faibles.


[1] Parce que je veux plus jamais leur parler.

[2] Étonnamment, les pelleteux/euses de nuages de Québec Solidaire semblaient avoir la stratégie la plus cohérente: foncer droit devant. Cela ne s’est toutefois pas traduit par un succès phénoménal, mais à long terme, ça pourrait payer.

[3] Plus personne ne se souvient d’Yves Séguin en tant que ministre.

[4] Il reste une couple de dents seulement, dont Jean-Marc Fournier, qui reste derrière.

[5] La légitimité, on n’en parle jamais suffisamment.

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