Archive for juillet, 2015
Lecture : M9A – Il ne reste plus que les monstres par Bruno Massé
by pwll on Juil.27, 2015, under Général
*Spoiler Alert : Pas de gros punch, mais des indices*
-Ah! Fit l’autre femme en grimaçant. Tu penses que ça se termine ce soir? Chérie ça fait juste commencer… tu m’entends? On sera toujours là quelque part, dans votre dos, dans l’ombre, quand vous dormez. Vous avez déjà enfermé ou fusillé les meilleurs d’entre nous, ceux et celles qui se montraient au grand jour, avec de grand idéaux – ceux qui avaient encore de l’espoir.
Elle dévisagea Amélie d’un rictus béant avant d’ajouter, lèvres luisantes de pus :
– Il ne reste plus que les monstres.
Ça faisait bien longtemps que je ne m’étais pas donné le temps de lire un roman et je suis très bien tombée avec le roman M9A Il ne reste plus que les monstres. Je me suis régalée.
Montréal, dans un futur dystopique. En tant que fan de l’univers cyberpunk, j’étais déjà charmée par le cadre du roman et évidement je n’ai pas été déçue : implants cybernétiques, augmentations génétiques, technologie présente dans tous les détails de la vie quotidienne, drogues sophistiquées, forces de l’ordre à la sauce Robocop. Le tout dans un contexte d’inégalités sociales indécentes et meurtrières. C’est dans le futur, mais un futur reconnaissable dans la continuité de la logique d’accumulation de la richesse dans les mains d’une minorité de privilégié-e-s, de destruction de l’environnement et de l’escalade due à l’obsession sécuritaire. C’est un Montréal dans un Québec qu’on est bien capable d’imaginer.
Dans ce Montréal, ceux et celles qui possèdent le pouvoir et la richesse évoluent dans l’Arcologie, monstrueuse pyramide de lumière trônant au centre-ville. L’Arcologie possède tout ce qui est possible de désirer et tout y est contrôlé; climat, loisirs, médias. Les gens qui y sont n’en sortent jamais. Pourquoi sortir de toute façon? : « Leur monde, même s’il est confiné aux frontières de la pyramide, est un paradis ». Sans faire partie de cette élite, d’autres privilégié-e-s habitent dans les banlieues fortifiées, mais la majorité de la population s’entasse et survit dans des ghettos aux conditions de vie dangereuses.
Nous suivons trois personnages : William Saint-Onge, puissant possédant, à la tête de l’Arcologie, il possède sa propre armée privée et est un psychopate qui fait manger la Première ministre dans sa main. Sergente Amélie Lacroix, vétérante de l’armée, excellente flic, habitant dans la banlieue fortifiée de Beloeil, vivant des problèmes psychologiques que nous devinons dûs à ses expériences de violence armée, dans laquelle elle excelle pourtant. Et finalement Hans, anarchiste. Lui et ses camarades sont désespéré-e-s et acculé-e-s au pied du mur par leurs conditions de vie et la répression qu’illes vivent dans le ghetto de La Pointe. La trame narrative s’entrelace par des chapitres très courts où nous voyons évoluer chacun de ces personnages en rotation, jusqu’au dénouement final.
Le rythme du livre est très rapide. Pas de longueurs, pas de temps pour réfléchir, pas le temps pour réellement avoir des personnages préféré-e-s. Évidement, nous avons une équipe préférée et nous voulons qu’elle gagne, même si ce qu’elle fait n’est pas très clair tout au long de la lecture. Plutôt que de nous confondre par les manques d’information sur les personnages où les actions qu’illes posent, ces manques font plutôt deviner les contour d’une gigantesque trame de fond politico-historique où des événements traumatisants pour les personnages font partie de drames à grande échelle sur le territoire. Ça rend très curieux-se et ça nous fait deviner le contexte de fond pendant que notre attention est plutôt fixée sur les actions immédiate des personnages.
Les mystères sont entretenus jusqu’à la fin et les rebondissements sont bien réussis. L’espèce d’étrange course à la montre entre les personnages nous garde en suspend jusqu’à la fin, ce qui m’a fait pardonner une partie du dénouement final que j’ai trouvé un peu cheesy.
C’est un excellent roman d’aventure cyberpunk, dark à souhait. Dans cette ombre d’un futur qui sera peut-être, on oublie le quotidien le temps de quelques heures en espérant que les enfoiré-e-s ne gagnent pas cette fois-ci. Juste pour faire changement de la vraie vie…
M9A Il ne reste que les monstres
Bruno Massé
Éditions Sabotart, 2015, 192p.
Coup d’oeil sur le côté légal de l’industrie du sexe: danser à Montréal
by pwll on Juil.12, 2015, under féminisme
Merci beaucoup à Karell pour sa générosité dans le partage de son expérience
Questions : pwll et Karell
1- Dans l’industrie du sexe, quel est votre pratique ?
Je suis une danseuse nue ou danseuse exotique. Dans l’industrie de sexe, il existe des établissements conçus pour autoriser des filles à exécuter des danses à la fois aux tables et contacts.
2- Cela fait combien de temps que vous êtes danseuse et dans combien de différents clubs avez-vous travaillé à Montréal?
Depuis 2005, je suis danseuse nue. J’ai travaillé dans plus de 10 clubs différents à Montréal et les environs.
3- Combien de danseuses différentes croyez-vous que vous avez rencontré, d’où venaient-elles?
Je dirais que j’ai rencontré environ 5 000 danseuses différentes. Elles viennent de partout dans le monde (i.e. Du Brésil à Granby, De République Dominicaine au Saguenay, De la Roumanie à Victoriaville, etc…)
4- Êtes-vous une consommatrice, allez-vous dans des clubs de danseuses, danseurs, nu-es pour le plaisir?
Je suis consommatrice dans les clubs de danseurs et de danseuses nues pour le plaisir. D’une part, je suis danseuse nue et il y a une certaine zone de confort à être dans ces établissements, car je connais le fonctionnement et les rudiments. Je m’explique. J’amène toujours un certain budget pour contribuer à l’économie de cette industrie. La manière que je le dépense dépend des femmes ou des hommes qui y travaillent, car je sais pertinemment que nous n’aimons pas ou plus que les gens viennent seulement pour nous voir sans rien faire d’autre. Donc, je choisis une femme ou un homme. Par la suite, je donne un montant d’argent en lien avec sa performance sur le stage, sa beauté ou le plaisir érotique et de séduction. D’autre part, le fait que je suis consommatrice, les hommes ne viennent pas m’achaler ou me harceler, car ils y vont pour voir les filles et leurs amis. Au contraire, ils trouvent cela particulier et tentent, tant bien que de mal, de contribuer. D’ailleurs, je les incite à contribuer à l’économie de cette industrie. Je tente tout simplement être un exemple à suivre lorsque nous sommes consommateurs. Est-ce que j’encourage le commerce du sexe ? Je suis contre le commerce du sexe et la traite des femmes, par contre, lorsque les personnes devraient au moins participer par des applaudissements et apprécier toutes les performances dans ces établissements. En effet, mes propos sont à la fois contradictoires et/ou paradoxaux.
5- Quel âge avez-vous? 37 ans, d’origine haïtienne.
Le travail : Danseuse nue
6- Avez-vous besoin de dépenser pour travailler? De quelle manière et combien pensez-vous dépenser mensuellement?
De toute évidence, je dois dépenser pour travailler, car vous comprendrez que l’apparence physique et matérielle sont des moyens de séductions et de fantaisies pour attirer les consommateurs. Certaines dépenses sont utilisées pour mon bien-être personnel et pour travailler, par exemple, le maquillage, les bijoux, les coiffures, les ensembles (vêtements de travail) le conditionnement physique et nutrition. En ce qui a trait aux dépenses en lien avec le travail, je dirais en premier lieu, le service bar c’est-à-dire, le tarif pour travailler dans l’établissement érotique, en deuxième lieu le taxi et troisième lieu, l’alcool. Maintenant, je dois avouer que je dépense en moyenne 800$ pour le service bar par mois et 1000$ pour les vêtements de travail par année.
7- Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’est un service bar et si c’est une pratique courante? Combien croyez-vous qu’un club peut gagner par les services bar des danseuses mensuellement ou dans une année?
Le service bar est le tarif pour travailler dans l’établissement. Il varie avec l’heure d’arrivé (être prête sur le plancher) pour travailler. Je tiens à souligner que cette pratique est courante et augmente avec les années. Il est particulier, car il fut un temps où les gérants de ces établissements payaient les filles qui travaillaient de manière régulières et à raison de 4 à 5 fois semaine. Où est cette tradition de récompenser les filles qui sont soucieuses de travailler et de déclarer leurs revenus ? Dans une approximation, je dirais que les clubs gagnent par mois 50 000$ par mois, pour une moyenne de 40 femmes qui travaillent sur le plancher, soit 537 600$ par année. Ce calcul comprend seulement les filles qui travaillent seulement durant le soir.
8- Avez-vous été, ou êtes-vous présentement, dans un emploi en dehors de l’industrie du sexe? Avez-vous à faire des dépenses pour cet emploi? Comment trouvez-vous la conciliation entre les deux?
Depuis 2005, je suis étudiante universitaire. J’ai des frais scolaires d’environ 1 200$ par session, soit 3 600$ par année. Depuis 2011, je travaille dans un centre médical dans la fonction publique. J’ai des dépenses relatives aux études scolaires (i.e. clé USB, livres, abonnements, etc.) et de ma pratique dans l’industrie du sexe (i.e. vêtements de travail). Je tiens à souligner que j’ai toujours fait ma déclaration de revenu à la fois comme danseuse et mon emploi régulier. En ce qui concerne la conciliation entre le travail régulier et le travail atypique (danser), il est parfois difficile, car les horaires ne correspondent pas. Prenons par exemple, le travail de nuit implique un manque de sommeil, si je dois me présenter à mon cours à 8h30 am. Aujourd’hui, il est plus difficile de concilier, et cela par choix et expérience, en jumelant mon horaire scolaire qui est fixe en fonction de mon horaire de travail atypique qui est variable.
9- Avez-vous déjà vu ou vécu des situations de violence dans votre milieu de travail, soit dans l’industrie du sexe?
En effet, j’ai déjà vécu et je vis des situations de violence verbale dans mon milieu de travail en tant que danseuse nue. Elle se manifeste au niveau des gérants des établissements en exerçant leur droit de gérance. De toute évidence, il n’a pas de syndicat ou d’association, la Commission des normes du travail, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Charte des droits et de la liberté de la personne, la Chambre de la jeunesse, une ligne-ressource sans frais pour les victimes d’agression sexuelle, et bien d’autres, qui défendent et protègent les danseuses nues de ces derniers de manière adéquate et équitable. Donc, les gérants peuvent faire du harcèlement psychologique et sexuel auprès des filles par rapport à leur éthique de travail, leur horaire de travail, mais aussi, à leurs origines ethniques. La violence s’exprime au niveau des clients qui fréquentent ces établissements en exerçant leur droit de consommateur. On entend par consommation que les personnes, en général, s’estiment en droit de faire ou de dire des choses qu’on n’entendrait pas en dehors de l’industrie du sexe. Prenons par exemple, un client qui se dit qu’il paye pour avoir des danses contacts. Celui-ci s’attribue le droit de donner des claques sur les fesses ou sur le visage, sous prétexte, qu’il peut tout faire, car il a payé, et cela, arrive bien souvent à un montant médiocre, soit 15$ en raison de 4 minutes. Il se donne aussi le droit de dire des choses qu’en temps normal, on n’entendrait pas en dehors de l’industrie du sexe. Par exemple, un client se dit qu’il peut exprimer ses fantasmes ou de demander les positions sexuelles que la fille aiment, sous prétexte, qu’il voudrait joindre ses fantasmes et ses positions sexuelles avec cette dernière.
10- Dirigez-vous vos clients dans la manière de vous toucher? Quelle est leur réaction?
Depuis 2009, la majorité des établissements érotiques à Montréal offrent aux clients des danses contacts. Il y a seulement le Club Wanda’s qui ne s’est pas transformé. Il y a deux raisons où je dirige les clients dans la manière de me toucher. La première est en raison de mes chirurgies mammaires et la deuxième est dans ma période prémenstruelle, mes seins sont ultras sensibles. Il est évident que tout se dit, mais c’est de la manière qu’on le dit. Donc, je réussis à me faire respecter parce que je ne suis pas agressive et impulsive lorsque je donne mes explications.
11- Vous sentez-vous en sécurité à l’intérieur du club? Avez-vous l’impression que des employés(es) sont là pour assurer votre sécurité?
En théorie, ces établissements érotiques engagent des hommes qui doivent assurer la sécurité et veiller à ce que l’ambiance dans les clubs ne soit pas interrompue par les clients, par exemple, les batailles. En pratique, il arrive que les clients tentent de prendre avantage des femmes concernant le nombre de chansons et les montants. Dans ces situations, les clients n’ont pas nécessairement l’argent sur eux ou ne veulent pas ou plus dépenser, même après avoir caressé, touché, palpé etc. Certains agents de sécurité accuseront rapidement et brusquement la femme, sous prétexte, qu’elle nuit à la réputation du club et fait atteinte à la dignité du client. À mon avis, lorsqu’on explique clairement et précisément, nous évitons ce genre de situation. Dans tous les cas, j’assure moi-même ma propre sécurité.
* Il est important que cette explication ne s’applique pas à tous les agents de sécurité. Tout dépend de la considération et du respect que les gérants accordent à l’égard des filles. Dans la même veine, les agents de sécurité assureront la sécurité en fonction du gérant.
12- Est-ce que vous avez déjà vu ou vécu des situations de discrimination, d’inégalité ou d’injustice face aux danseuses ou entre elles?
J’ai déjà vécu des situations de discrimination, d’inégalité ou d’injustice face aux danseuses. J’appellerais une discrimination systématique en raison de mon origine ethnique. La première discrimination se situe lorsque je tente de travailler dans les établissements érotiques, les gérants me disent systématiquement que je peux travailler, mais tout dépend du quota des filles de la même origine ethnique qui travaillent ce soir-là, par exemple. La deuxième discrimination se manifeste lorsque les gérants me demandent si je suis pimpée. En d’autres termes, ils désirent savoir si j’ai des liens avec certains des personnes d’origine ethniques, et plus majoritairement, noires qui peuvent faire le recrutement pour de la prostitution dans l’établissement.
13- Avez-vous, ou connaissez-vous des danseuses, qui ont cotisé à du chômage, qui ont fait des demandes de congé de maternité ou qui ont fait des réclamations à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) après une blessure?
Non, ces mécanismes de sécurité d’emploi n’existent pas dans l’industrie du sexe. Donc, les femmes assurent les dépenses de leurs temps d’arrêt de travail (i.e. congé de maternité ou blessure physique).
Le senti
15- Avez-vous déjà arrêté ou pensé à arrêter ou à prendre une pause, pour quelles raisons?
J’ai arrêté pour 2 ans et demi en raison d’une maladie inflammatoire touchant la peau. De toute évidence, j’utilise mon corps pour solliciter les clients. Donc, il m’était inconcevable de poursuivre dans l’industrie du sexe. J’ai recommencé à travailler, seulement, en juin 2013. Je ne prévois pas arrêter de danser, mais lorsque je prends une pause, c’est durant la période de mes études ou examens.
16- Avez-vous remarqué des changements au travers le temps dans les pratiques et la clientèle des clubs?
En 10 ans, j’ai remarqué divers changements au travers le temps dans la pratique incluant la clientèle dans les clubs.
Tout d’abord, il fut un temps où travailler dans un club était un privilège et une exclusivité, pour les femmes. En aucun temps, les gérants des clubs ne devaient les retrouver dans un autre club. Voilà la clause de l’exclusivité. Dans le même ordre d’idées, les femmes étaient recrutées non seulement pour leurs charmes et leurs attributs physiques, mais pour leur intelligence et leurs compétences (savoir-être, savoir-faire et surtout savoir-relationnel). À l’époque, la moyenne d’âge des femmes était de 25-30 ans. Les femmes s’assuraient que les conversations, l’ambiance et le divertissement soient à la hauteur de la réputation du club et à la noblesse de la femme. À l’intérieur du club, il y avait un code d’éthique au niveau de l’apparence, soit par des robes élégantes jusqu’aux chevilles, bijoux, manucure et pédicure, etc… Nulle femme ne devait danser devant les clients avec des positions explicites. Gare à celles qui voulaient bifurquer des lois non écrites. Dans un autre ordre d’idées, l’image de la femme était dans la distinction, la séduction, l’élégance, et surtout, la beauté. Autrefois, les femmes n’avaient pas à quémander ou à solliciter les clients pour faire des danses non-contacts. Dans le même ordre d’esprit, les danses non-contacts étaient 8$ et/ou 10$ dollars. Saviez-vous qu’à l’époque les danses non-contacts étaient avec un petit banc où les hommes pouvaient admirer les femmes comme si elles étaient sur un piédestal? De plus sur la scène, les femmes faisaient des spectacles incroyables, voire à couper le souffle. Bref, c’était du vrai divertissement !
En ce qui a trait aux changements au travers le temps auprès de la clientèle des clubs, ils se retrouvent au niveau des attitudes et des comportements ainsi que dans le code vestimentaire. Auparavant, les attitudes des clients étaient plus respectueuses, raffinées, et surtout, courtoises. Étant donné que la sollicitation était interdite auprès des hommes, ces derniers prenaient le temps de se présenter et de nous séduire afin de nous faire faire des prestations à la table. Ensuite, les comportements des clients se qualifiaient en termes de la fidélisation. Les hommes venaient en grand nombre pour voir leurs effeuilleuses préférées et défrayaient des sommes faramineuses à titre d’appréciation. De plus, ils étaient attentionnés, complaisants et compréhensifs. En guise de reconnaissance, lorsque les clients venaient au club c’était un événement, car ils applaudissaient, ils ovationnaient les prestations des filles sur le stage et dépensaient largement. Je tiens à souligner que la situation économique de l’époque favorisait l’utilisation des cartes de crédit et les client déclaraient le tout sur les dépenses de leurs compagnies de travail. Évidemment, l’ambiance du club était plus festive et agréable. Enfin, les clients étaient soumis à un code vestimentaire dans le club. Ils étaient habillés en costard (veston et cravate) et la majorité étaient des hommes d’affaires. Il y a 10 ans, les hommes d’affaires venaient manger à l’heure du midi afin de conclure des opportunités d’affaires. D’ailleurs, c’est de cette façon que les clubs de Montréal ont bâti leur réputation et leur notoriété. Ces rencontres entre hommes d’affaires supportaient l’économie de l’industrie du sexe.
Ensuite, le service bar est le mécanisme pour les femmes de travailler et pour les gérants de clubs de s’assurer de la ponctualité des femmes sur le plancher. Donc, cette pratique a toujours été une pratique courante, mais moins dispendieuse, voire une cotisation de 5$ de jour, par exemple en 2005. Auparavant, les gérants de club géraient l’administration de paye à raison de 4 à 5 jours de travail par semaine. Selon une source sûre, les payes ont arrêté en 2002, Chez Parée et en 2004, au Super Sex. C’est terminé, ce beau temps-là ! En somme, cette transformation me porte à réfléchir sur la reconnaissance aux conditions de travail des femmes à travailler pour le club. Auparavant, les gérants de club s’assuraient de l’exclusivité des femmes dans leurs clubs. Cela était le principal moyen de rétention du personnel. En plus, les femmes n’avaient pas à solliciter les clients, car elles avaient une contribution financière à la semaine par le club. En conséquence, la compétition entre les femmes était moindre et l’ambiance était à son paroxysme. N’est-il pas particulier de constater que l’argent conduit la majorité des consommateurs à être avare en face des femmes qui exercent leurs pratiques ? Parce qu’il faut le dire, sans elles, les clubs n’existeraient pas !
À l’heure actuelle, les femmes travaillent dans divers club en raison de la baisse de l’économie dans l’industrie du sexe. Ce qui conduit les femmes à ne plus considérer le club comme un endroit privilégié. L’exclusivité est devenue inexistante dans les clubs en lien avec divers facteurs tels que le taux de roulement des femmes dans les clubs, le faible rétention du recrutement, la moyenne d’âge des filles de 18-25 ans. À mon avis, le fait que les gérants des clubs ne paient plus les femmes à travailler ce qui conduit à la précarisation du travail. En conséquence, les gérants de clubs abusent de leur droit de gérance en menaçant les femmes à travailler dans des horaires insensées, des conditions de travail exécrables et surtout, en leur demandant un service bar hors de prix. Ces derniers servent un mauvais traitement aux femmes sous prétexte qu’il aura toujours des femmes qui se plieront à leurs exigences en raison de la notoriété du club. Force est de constater qu’ils entretiennent cette logique et qu’ils ont raison.
Actuellement, les femmes ne soucient plus des longues conversations, de l’ambiance et du divertissement. De toute évidence, l’apparence demeure la source la plus importante pour la pratiquante et le consommateur. Serait-ce les effets pervers de notre société de consommation ? À mon humble avis, l’avènement, en 2008-2009, des danses contacts dans la majorité dans les établissements érotiques sur l’Île-de-Montréal a amené les femmes à ne pas ou plus se soucier des lois non écrites, car tout ce qui compte est la consommation pour le client (i.e. faire danser les filles et de leur demander plus d’option à la danse) et pour les danseuses (i.e. faire le plus de danses contacts afin de faire plus d’argent). Il n’y a plus de contrôle, dans le sens commun, du sens classique du mot morale. De plus, les danses contacts mènent à la fois une compétition entre les filles et à la sollicitation. En général, cela suggère aux consommateurs de faire des propositions alléchantes afin que les femmes acceptent de se prostituer. Acceptent-elles en raison du manque d’argent amassé durant son quart de travail ou acceptent-elles parce qu’elles sont forcées de recueillir un certain montant tous les soirs ? Il est particulier de comparer que les femmes qui faisaient des danses non-contacts avant, faisaient plus d’argent que celles qui font des danses contacts d’aujourd’hui.
En ce qui a trait aux attitudes et aux comportements ainsi que dans le code vestimentaire des clients, on y remarque que ces derniers parcourent des distances incroyables (i.e. Boston, New York, Washington DC, Miami, etc…) sur la route afin de découvrir le night life de la ville de Montréal. Les clubs de danseuses sont des attractions incontournables pour ceux-ci. En réalité, lorsqu’ils sont dans le club, ils manquent de respect ou de tact. Par exemple, je me présente à un groupe de Boston. Ces derniers viennent célébrer le bachelor de leurs amis. Le bachelor a l’autorisation d’avoir des danses à 15$, mais les autres qui occupent l’espace dans le club s’abstiennent, sous prétexte, qu’ils sont extrêmement fatigués en raison de la distance parcourue pour venir à Montréal. J’ai un autre exemple qui me vient à l’esprit. Il arrive que les hommes se rencontrent dans les bars de danseuses pour célébrer leur amitié ou pour souligner l’anniversaire d’un d’entre eux. Lorsque j’arrive à leur table pour me présenter, ils me disent immédiatement : « excuse-nous nous parlons ou bien hein, ça fait longtemps que nous nous ne sommes pas parlés [rencontrés], peux-tu revenir dans dix minutes ? » De toute évidence, ça m’emmerde de voir qu’ils nous manquent de respect.
La fidélisation des clients s’est transformée, au fil des années et/ou des soirées, en termes de prostitution. Sans même se présenter ou nous séduire, aujourd’hui, les hommes ne se contentent plus des prestations des filles. À l’intérieur d’une brève conversation, il arrive fréquemment que les hommes nous demandent si nous serions prêtes à participer à des partys privés dans leur chambre d’hôtel. Peut-on dire que la normalisation de la pratique amène le consommateur à éliminer le plaisir du divertissement aux dépens de la consommation immédiate ? Sommes-nous dans une restauration rapide du corps de la femme? Autant on exigeait de la femme d’avoir une apparence sophistiquée (i.e. robes élégante jusqu’aux chevilles, bijoux, manucure et pédicure) et on exigeait aux hommes de se vêtir de vestons et cravates. Ce code vestimentaire amenait, selon moi, un prestige et un standard de fréquenter ce genre d’institutions érotiques. Aujourd’hui, les hommes sont habillés en jeans, t-shirt et casquette de baseball. Les femmes se contentent de faire des chirurgies esthétiques, sans prendre le temps de prendre soin de leurs corps (i.e. conditionnement physique et nutrition), du moins, c’est mon opinion de la nouvelle génération. Y a-t-il un laisser-aller de la part de tous en ce qui concerne la fierté de se réunir dans un bar de danseuses? Aujourd’hui, la raison principale de visiter les établissements érotiques se cristallise dans une banalisation. Les clubs de danseuses sont-ils devenus les tavernes de notre société moderne ?
17- Comment choisissez-vous le club où travailler, quels sont vos critères? Est-ce que toutes les danseuses ont accès à tous les clubs?
Je choisis le club où je veux travailler en lien avec l’achalandage, l’ambiance et la réputation du club.
18- Comment croyez-vous qu’un client moyen décrirait une danseuse parfaite?
Actuellement, le client moyen décrirait la danseuse parfaite comme étant prête à exhausser tous ses caprices, ses fantaisies, voire la sollicitation à la prostitution.
19- Comment croyez-vous qu’un patron moyen décrirait une danseuse parfaite?
Actuellement, un patron moyen décrirait une danseuse parfaite en termes qu’elle respecte son horaire, qu’elle paye son service bar, mais surtout, qu’elle n’ait jamais de problèmes auprès des clients.
20- Comment décririez-vous votre travail idéal en tant que danseuse?
Actuellement, la danseuse décrirait son travail idéal : d’avoir fait plus de 500$ par chaque quart de travail, d’avoir une prestation financière hebdomadaire offerte par les gérants des clubs, d’avoir des clients qui ont de l’argent à dépenser et qui ont envie d’avoir du plaisir avec les femmes, d’avoir des clients qui ont le potentiel d’assurer plus d’une heure et plus de travail aux femmes quand ils les choisissent, d’avoir des clients réguliers afin de combler les soirées où l’achalandage est moindre. Tels sont mes fantasmes en tant qu’effeuilleuse.
Arrière-plan
23- Que pensez-vous de l’expression « travail du sexe »?
Dans le cas qui nous occupe, les danseuses aux danses contacts exercent des relations sexuelles en termes de préliminaires (i.e. toucher des parties du corps intimes, les seins). Les consommateurs ont des relations sexuelles en termes de réactions physiques en touchant les parties intimes du corps de la femme. Premièrement, on associe le terme « travail », car il permet la reproduction des biens (i.e. matériels) et la production des services (i.e. services tertiaires). Deuxièmement, on confond le terme « travail », car il fournit un salaire. Troisièmement, dans son ensemble, le travail se caractérise par l’offre et la demande sur le marché du travail. En premier lieu, à ces énoncés, je répondrai que le terme « travail » porte à confusion, car il comprend le terme « service ». Certains diront que les femmes servent au divertissement dans l’industrie du sexe. Pour ce faire, les consommateurs donnent une rémunération. En second lieu, les danseuses nues doivent se soumettre à la pratique courante du bar service. Il y a bien longtemps que les femmes ne reçoivent plus de salaire des gérants des clubs. En plus de participer obligatoirement à cette pratique, on ne mentionne jamais à quel point les femmes doivent rester dans le club, même s’il y a aucun client qui s’y présente. Non seulement, elles paient pour exercer leur pratique, mais elles passent des longues heures avant de faire, parfois, 30$. Donc, le salaire n’est pas systématique et automatique, mais il varie selon l’achalandage et la générosité de clients. En troisième lieu, le terme « travail » se définit par le processus d’entrée et de sortie de l’emploi se faisant par le marché du travail. Pour une danseuse, il est facile d’entrer dans la pratique, mais énormément difficile d’en sortir. Admettons que nous parlons du marché du travail, pourriez-vous m’expliquer que danser dans les bars de danseuses nues mène directement à une discrimination, une exclusion et une stigmatisation à l’égard de la femme ? Une chance que ce n’est pas socialement accepté par la société civile ! Pouvons-nous arrêter dire que c’est un « travail comme les autres ». Je ne connais aucun autre travail qui implique une forme d’exploitation ou d’aliénation sexuelle auprès des femmes et des enfants. De plus, il y a aucun club de danseuses qui assure un programme d’aide aux employés et à leurs familles (P.A.E.) afin veiller à mon capital humain par les moyens suivants : interventions en situation de crise ou post-traumatique, coaching de gestion, soutien et accompagnement lors de problèmes de dépendances, accompagnement en cas de plaintes pour harcèlement, médiation et résolution de conflits, consolidation d’équipes, diagnostics organisationnels, conférences et formations sur mesure, etc…Voilà ce que je réponds à ceux et celles qui disent que c’est un travail.
24- Quel est le portrait que vous aimeriez laisser de vous et/ou de l’industrie du sexe avec cette entrevue?
Mon ambition ou mon rêve serait de contribuer aux sciences sociales en écrivant un mémoire ou un recueil sur mon expérience de 10 ans dans l’industrie du sexe.
Normes et fonction sociale de l’humour
by Umzidiu Meiktok on Juil.09, 2015, under Général
Avertissement / trigger warning: ce texte comporte de nombreuses citations brutalement sexistes.
Quand on écrit de la merde, en général c’est parce que le trou-de-cul n’est pas très loin. C’est ce que nous a fait comprendre la récente déclaration de J-F Mercier, qui comme on le sait, a fait sa carrière sur des invectives, et dont le deuxième degré est habituellement absent sinon malhabile (on se souvient de ses déclarations faussement racistes sur les Canadien-ne-s des Prairies lors d’un certain Bye Bye, qui avaient été applaudies par le public, ou du discours extrêmement méprisant et classiste envers les mauvais pauvres qui reçoivent des paniers de Noël).
L’intransigeante légion des humoristes et de leurs fans en furie a réagi violemment à l’objection des féministes, dressant encore, comme devant toute critique, un front uni. Stéphane E. Roy a par exemple écrit un texte dans lequel il ordonne aux féministes de s’attaquer à l’État Islamique plutôt qu’à J-F Mercier.
Judith Lussier a répondu à ce genre de défense absurde en rapprochant le statut facebook de Mercier de la culture du viol et du slut shaming: je n’y reviendrai donc pas.
Je me questionne davantage sur la fonction réelle – et des effets généraux – de ce genre de jokes. Notons tout d’abord la qualité assez ordinaire de la déclaration de Mercier: c’est une analogie hyperbolique assez bête et facile, on en voit quinze comme celle-là par jour. La même semaine, j’avais vu passer un meme affirmant que: « Les femmes vont se faire percer les oreilles, les joues, le nombril, le clitoris, se faire épiler à la cire, augmenter les seins… mais quand vient le temps de faire de l’anal soudainement ça fait trop mal. » Au-delà de la culture du viol véhiculée par ce genre de propos, on aurait pu s’attendre qu’un humoriste professionnel puisse nous donner quelque chose de plus intelligent ou original que ce genre de borborygmes qui pollue nos fils d’actualité. Comme je le dis souvent, la première fois qu’on a fait une joke de pelure de banane, ça a dû être vraiment hilarant.
Avant de parler des fonctions sociales de l’humour, je sens le besoin de me justifier. Plusieurs comiques disent être fatigué-e-s de se faire dire « comment faire leur job ». C’est le cas entre autres de Bill Maher, qui, piqué au vif, atteint dans un certain sketch en à peine trois minutes le Point George Carlin[1]. Prétendre qu’un-e non-humoriste ne soit pas apte à critiquer l’humour est d’une grande bouffonnerie. On pourrait simplement répondre que les humoristes, eux, ne sont pas aptes à faire de l’humour social ni même à se questionner sur leur rôle dans le monde, puisqu’illes ne sont évidemment pas sociologues. De fait, la rhétorique humoriste (typique) a cela de triste qu’elle compte sur le flamboyant, et non le cohérent, pour attaquer, se défendre et se définir, même quand elle devient sérieuse. Ces artistes qui l’utilisent systématiquement sont à l’humour ce que Donald Trump est à la politique. Et malheureusement, il y a beaucoup plus de ces artistes-là en humour que de Donald Trump en politique.
Le fait est: l’humour a des fonctions sociales très importantes. Boucar Diouf en a parlé à Médium Large en 2013. Après avoir évoqué, comme les autres personnes cool de ce monde, bonobos et chimpanzés, il finit par suggérer que peu de femmes sont en humour parce que celles-ci n’ont pas besoin d’être drôles dans le jeu de la séduction… Nous rappelant ainsi pourquoi il ne faut jamais demander à des humoristes de réfléchir.
Si vous voulez un complément d’informations et que vous ne souhaitez pas passer par les textes de mille auteur-e-s intellos, les points 2.1 (p. 36) et 2.2 (p. 47) du mémoire de maîtrise de Jérôme Cotte font un habile résumé de ce que constitue le système dominant et quel rôle occupe l’humour dans le maintien de cette domination. Voici un extrait:
« La prise de risque individuelle d’un humour subversif ou violent à l’égard des dominants est immédiatement identifiée et délégitimée dans le texte public. À l’ inverse, l’inimitié humoristique des dominants est bien à l’abri derrière la façade purement ludique et inoffensive du rire. Ce voile est efficace au point où les dominants eux-mêmes, pris dans la logique de la société humoristique, n’arrivent pas à identifier l’hostilité de leur humour. »[2]
Cette citation est parfaitement bien illustrée par l’histoire du fameux poster trouvé dans la maison de la famille Machouf-Khadir. On sait que par ailleurs, Chapleau a fait bien pire.
Forcer le respect des normes
Il est donc essentiel de se demander si notre humour sert ou pas le maintien d’une domination quelconque. Des humoristes comme Guillaume Wagner, quand ils se moquent de comportements normatifs chez les hommes et les femmes, devraient peut-être, en plus de se questionner sur une bonne partie du contenu, se demander si leurs jokes n’encouragent pas davantage la stigmatisation et les inégalités qu’elles ne contribuent à les déconstruire. Wagner se moque par exemple de la volonté de plaire de beaucoup de femmes: mais il en nie l’origine patriarcale, il suggère que ces comportements visent au contraire à nourrir la compétition entre elles. Même s’il se moque des hommes dans le même numéro, il contribue cependant à les déresponsabiliser face à la pression que ressentent les femmes de performer leur genre de manière normative, tout en mentionnant avec paternalisme que les préoccupations de celles-ci sont « cutes », que leurs petits problèmes les rendent « charmantes ». Sa manière de parler du problème de l’anorexie est également stigmatisante : il y réduit les femmes à leur simple valeur sexuelle tout en comparant les femmes maigres à des « barreaux de chaise » qu’aucun gars voudrait « fourrer ». Les hommes homosexuels sont eux aussi réduits à leur sexualité, décrite comme débridée.
Difficile de croire que ce faisant, Wagner, même s’il prétend constamment le faire, défende réellement la veuve et l’orphelin en ridiculisant certains comportements. De la même façon, la chanson de Laurent Paquin sur Stéfanie Trudeau (l’agente 728) insistait sur sa vie sexuelle, ramenant au goût du jour le stéréotype de la « femme mal baisée », et Michel Courtemanche, dans le Bye Bye qui devait suivre, l’incarnait à travers un personnage de gorille grossier, le gag résidant dans le fait que Mme Trudeau n’était pas considérée comme une vraie femme – puisqu’elle est brutale! Ce ne sont pas des exceptions: le vocabulaire qui entoure les contestations populaires est très souvent raciste ou sexiste, qu’il soit relié à une performance humoristique ou pas. Il arrive souvent qu’on ridiculise les politicien-ne-s en les traitant de putes, de rois n*****, d’enculés, tout ça sous couvert de la défense des opprimé-e-s.
En bref: l’humour des dominant-e-s sert leur domination, cela va de soi. Mais même quand on prétend défendre les dominé-e-s, l’humour peut aussi encourager d’autres types de domination à travers l’utilisation du slut shaming, du fat shaming (on l’a vu avec l’exemple des nombreuses jokes sur Gaétan Barrette), du stéréotype racial, de la folklorisation d’une population, du capacitisme (Fred Dubé, par exemple, instrumentalise avec un running gag les hydrocéphales pour dénoncer le néolibéralisme), etc. Tout ce qui finalement ne fait pas partie de nos normes et dont le mépris marque notre discours de tous les jours, tout ce que notre société juge comme marginal, anormal et repoussant est utilisé en humour pour dénoncer autre chose. Globalement donc, les classes moyennes représentées par le public et les humoristes, pour lutter contre d’autres dominant-e-s, leur accordent des attributs d’autres dominé-e-s qu’on peut considérer dès lors comme étant plus négligeables. Et quand on leur fait remarquer, illes pètent leur coche. Vivement un sketch sur l’intersectionnalité pour éduquer les cancres de l’humour (de gauche)!
L’humour et la domination renversée
Selon Christopher Boehm, l’humour chez les sociétés de chasseurs/euses-cueilleurs/euses avait un objectif précis: ridiculiser les individus qui pourraient être tentés de dominer le groupe, les humilier dans le sens de « rendre humble ». Imaginez par exemple qu’un chasseur arrive fièrement au campement avec une énorme proie et que quelqu’un lui fasse remarquer: « Étonnant qu’un si gros animal puisse tenir en équilibre sur une si petite tête. » On en oublie la réussite du premier. Ce procédé existe sous différentes formes dans les sociétés post-industrielles, ce qui fait dire à plusieurs que le Québec « méprise les gens qui réussissent ». Et en cela, la province ne diffère pourtant absolument pas du reste du monde, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire.
L’humour peut être une réelle manière non pas de se glorifier ou d’encourager la domination, mais de dénoncer les injustices, comme le fait par exemple Jessica Williams (qui est entre autres correspondante au Daily Show), et cela sans utiliser un vocabulaire oppressif. Au lieu de brailler face aux critiques en revendiquant l’héritage d’Yvon Deschamps, les humoristes du Québec auxquels on pense devraient peut-être se rappeler ce qu’il y avait, justement, dans les fameux monologues de leur soi-disant maître à penser.
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[1] Comme deux adversaires politiques s’approchent habituellement, au fil de la discussion, du Point Godwin, l’humoriste critiqué va généralement finir par se comparer à George Carlin. Au Québec le statut est disputé par Yvon Deschamps.
[2] Jérôme Cotte. L’humour et le rire comme outils politiques d’émancipation? UQAM, juin 2012, p. 67.