Général
En attendant le G7 à Charlevoix
by La Tomate noire on Août.05, 2017, under Général
La Malbaie, située dans la région de Charlevoix, recevra le sommet du G7 en 2018(1) et ce texte se veut une réflexion sur la stratégie à adopter par les militants et militantes qui se déplaceront sûrement pour l’occasion. Ce texte fait suite aux importantes manifestations qui ont eu lieu dans le cadre du sommet du G20 il y a quelques semaines à Hambourg(2). Je ne serai probablement pas très original en ramenant la question de la violence et de la non-violence sur les devants de la scène, mais les événements d’Hambourg et la tenue prochaine de ce sommet dans Charlevoix me poussent à le faire.
Je comprends tout à fait le désir de recevoir de pied ferme les dirigeant-e-s des grandes puissances de la planète et je ne remets pas en question les bonnes intentions des militants et militantes qui ont décidé à Hambourg d’affronter directement la police en ayant parfois recours à la violence. Le système dans lequel nous vivons est d’une violence inouïe et les décisions prises en notre nom derrière des portes closes sous le regard bienveillant des flics ont des conséquences désastreuses sur la vie de milliards d’individus sur Terre. Il n’est pas inutile de le rappeler.
Certains et certaines ont semblé crier bien rapidement à la victoire devant la résistance observée à Hambourg (malgré le fait que le sommet a bel et bien eu lieu comme prévu), mais je me demande si nous ne sommes pas en train de glorifier une fois de plus la destruction pour la destruction et la violence envers les flics comme une fin en soi. Bien que la position la plus répandue chez les anarchistes soit la diversité des tactiques, le milieu semble avoir choisi son camp il y a longtemps, c’est-à-dire un préjugé favorable envers des tactiques plus agressives. Le seul fait d’exprimer une préférence envers la non-violence semble suspect dans le milieu anarchiste et on crie rapidement au manque de solidarité.
Le fait est que je me questionne drôlement sur ma présence à Charlevoix. Non seulement je devrai potentiellement affronter la violence des flics, mais je risque de me retrouver avec des gens avec lesquels je me sens de moins en moins en accord d’un point de vue éthique/stratégique. Le comportement de certains et certaines fait en sorte que plusieurs citoyens et citoyennes demanderont encore plus de sécurité pour protéger les crapules de ce monde et de répression pour mâter les manifestants et manifestantes. Sommes-nous donc réellement gagnants et gagnantes?
De la même manière que les anarchistes s’organisent dès maintenant sur une base horizontale, dans la mesure où elles et ils aspirent à vivre dans un monde sans hiérarchies, pourquoi ne pas s’organiser dès maintenant sur une base non-violente, dans la mesure où les anarchistes aspirent à vivre dans un monde sans violence? Les échanges et les discussions au sein du milieu radical me semblent essentiels et il serait peut-être temps qu’on arrête d’évacuer le débat sur la violence/non-violence avec la diversité des tactiques ou en refusant toute forme de remise en question de nos choix éthiques et stratégiques comme étant non solidaires avec nos camarades de lutte.
Bakou
(1) http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1036240/justin-trudeau-sommet-g7-charlevoix
(2) http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1043760/g20-allemagne-hambourg-securite-police-manifestations-militants-black-blocs
Le premier ministre agressé! (Et qu’est-ce qu’on s’en fout)
by Umzidiu Meiktok on Juin.17, 2016, under Débats, Général
Le 16 juin dernier, le Collectif Carré Rose et Fierté Montréal ont invité Philippe Couillard et Denis Coderre à la vigile organisée en mémoire des victimes de la tuerie d’Orlando. L’évènement a attiré les politicien-ne-s comme le miel attire les mouches : Christine Saint-Pierre, Françoise David, Agnès Maltais, Martin Coiteux et Jean-François Lisée, entre autres, étaient également sur les lieux[1]. Ironiquement, malgré la présence de toute cette Cour, l’évènement prétendait être, selon sa page Facebook, « sans partisannerie ». Des discours formatés ont suivi les discours fades, et bien que je n’aime pas vraiment les minutes de silence, j’ai bien apprécié notre moment collectif de recueillement d’hier, car excluant les prises de paroles de quelques intervenant-e-s pertinent-e-s, ce fut un des rares temps de la soirée qui fut relativement exempt de récupération.
J’ai vécu la même frustration que plusieurs autres : l’impression que ma douleur et mon insécurité en tant que personne queer ont été instrumentalisées par non seulement des politicien-ne-s, mais aussi par certain-e-s membres de Fierté Montréal et du Collectif Carré Rose, qui frétillaient comme des carpes asiatiques devant leurs allié-e-s du gouvernement et qui étaient tellement content-e-s de terminer leur soirée à réseauter au National.
Cette vigile m’a aussi rappelé à quel point le Village était un endroit conservateur, où toute aspérité « fait honte » à la « communauté LGBT[2] », quoique « communauté LGGG » soit peut-être un terme plus adéquat. En réponse à l’homonormativité appréhendée, des personnes LGBTQIA+ et leurs allié-e-s, hier, ont formé un P!nk Bloc en solidarité avec les victimes du massacre d’Orlando. Ensemble, illes ont crié des slogans, hué les discours de Denis Coderre, Mélanie Joly et de Philippe Couillard. E… T…, l’un d’eux, et qui avait été invité à prendre la parole auparavant[3], a alors commis un crime de lèse-majesté presqu’aussi grave que l’attentat de Baines envers Pauline Marois (que dis-je, plus grave encore) : il a lancé une boulette de papier en pleine poitrine du Premier ministre en appelant à la révolution (en langue espagnole).
L’arrestation brutale d’E… est un deuxième cas de répression violente et politique visant une personne trans en seulement deux jours et dans le même quartier[4]. E… a été rapidement transporté à l’écart, alors que les politicien-ne-s, la panique au visage, évacuaient la scène. Quelles conséquences absurdes atterriront sur les épaules d’E…? Je ne sais pas, mais ce serait étonnant que le gouvernement veuille enterrer l’affaire : le symbole d’un geste impuni pourrait nuire à des années d’efforts en matière de terreur répressive. L’État fonctionne ainsi, il lui faut bien préserver son image.
Plus d’amour, mais pas pour tout le monde
Ce qui me déçoit le plus, ce sont cependant cette légion majoritairement formée d’hommes blancs cisgenres aisés qui noient, depuis hier soir, la page Facebook d’E… de messages de haine. Jamais je n’ai vu tant de faux-culs harceler un membre de leur propre communauté. Il faut spécifier que tout a commencé sur les lieux de la vigile elle-même, alors que Steve Foster, Président de la Chambre du Commerce LBGT du Québec, s’est mis à insulter le P!nk Bloc, arguant que celui-ci ne méritait pas d’être écouté, ni d’avoir une visibilité quelconque. Un homme se serait aussi vanté devant plusieurs témoins d’être raciste et fier de l’être. Dans ce contexte, la condamnation non seulement de l’islamophobie, mais plus spécifiquement de l’homonationalisme, voire du capitalisme rose était plus que nécessaire.
Des membres d’une organisation d’extrême-droite, la Meute, et incluant leur chef suprême autoproclamé, Éric Venne, étaient présents lors du rassemblement. Mais cela ne semble pas avoir inquiété les mêmes leaders « LGBT », dont la plupart n’ont pas soufflé mot sur le sujet. Ces gens-là ont clairement l’homonormativité à la bonne place: illes condamnent hypocritement le racisme, mais tolèrent les racistes et pleurent à la mort devant la moindre critique. Notez par ailleurs que si la page facebook d’E… est devenue un défouloir pour LGB cissexistes (et racistes), aucune page d’extrême-droite québécoise ne semble accorder la moindre importance aux hormones d’E… . La fachosphère, hier, s’est montrée bien moins pressée à lancer des insultes transphobes que beaucoup de membres de notre chère communauté.
Je suis déçu par l’ampleur de la réaction mais pas tant surpris par son existence : lors des Outgames de Montréal, en 2006, les organisateurs/trices n’avaient eu aucun scrupule à chasser les itinérant-e-s du Carré Viger afin d’installer leurs structures festives et leurs clôtures. Les groupes queers de gauche, à l’époque, n’avaient pas tellement apprécié, surtout qu’un nombre appréciable d’itinérant-e-s sont LGBTQIA+. Les organisateurs/trices de la Parade de 2007 avaient par la sutie été confronté-e-s par certains groupes queers et beaucoup avaient très mal reçu la critique. Il ne faut pas vraiment attendre de soutien de gens qui ne comprennent pas ce en quoi consiste l’intersectionalité, et dont les actes de solidarité ne ruissellent jamais jusqu’en bas de la pyramide sociale.
Couverture médiatique
À Radio-Canada, on nage en plein délire. Alain Gravel répète à plusieurs reprises : « S’il avait été armé, E… T…, ça aurait été fatal![5] » et compare l’incident avec la tentative d’assassinat de Mme Marois. François Dubé répond : « Ça aurait pu être un autre évènement, avec beaucoup de personnes blessées et décédées. […] Est-ce qu’il a été fouillé, vérifié avant son allocution? ». Les flics auraient certainement pu lui confisquer, en effet, sa dangereuse arme blanche, avec laquelle E… a passé tout près d’infliger au Premier ministre un profond paper cut juste au-dessous de l’ongle du petit doigt. Blessure mortelle, s’il en est une. La Presse et les médias de Quebecor ne sont pas en reste dans leurs analyses fumeuses : Philippe Tesceira-Lessard, en urgence, écrit un article sur E… à partir de Google : il le décrit comme un esprit « perturbé ». Gabrielle Duchaine, toujours de La Presse, le qualifie simplement de « jeune agresseur ». Les articles du Journal de Montréal, devant ces absurdités, semblent presque nuancés.
Conclusion
La plupart des leaders « crédibles » de la communauté LGBTQIA+, c’est-à-dire des hommes gays cisgenres médiatisés, ont déchiré leur chemise avec vigueur devant cet acte d’agression apparemment assimilable en puissance au génocide yazidi. Le journal Le Métro, avec qui E… a collaboré brièvement, a fait amende honorable ce matin, affirmant que c’est pour collaborer avec la police qu’il n’a pas retiré ses textes! Moi, je pense que tout ce que le P!nk bloc a fait, hier soir, a contribué à briser un peu la platitude de cette messe aseptisée. Et E…, en s’attaquant courageusement à un homme qui est en train de mettre à sac nos services sociaux, frappant notamment, et par-derrière, les plus vulnérables parmi les personnes LGBTQIA+, a fait de cette soirée une soirée mémorable. La fierté de Couillard en a pris un coup? Mais qu’est-ce que ça peut me faire. Ce n’était même pas un acte violent.
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[1] Manon Massé aussi, mais on peut certainement lui accorder une certaine légitimité dans ce contexte précis.
[2] Notez l’omission du QIA+, relevée hier par plusieurs personnes, dont Vanille Pont. Le texte en entier est à lire.
[3] Mise à jour: je cherchais la confirmation comme quoi on avait laissé parlé E.T. en raison de pressions du P!nk Bloc, et non parce que l’évènement avait réellement souhaité être inclusif. Un des organisateurs l’a finalement admis lui-même. Une inclusivité dont il se targue paradoxalement à peine trente secondes plus tard.
[4] Une femme a été brutalisée par un agent de sécurité de l’Hôtel des Gouverneurs et arrêtée pendant la manifestation de soutien à un étudiant de l’UQAM menacé d’expulsion, le 15 juin. Trois autres personnes ont été arrêtées et brutalisées lors du même évènement
[5] http://ici.radio-canada.ca/emissions/gravel_le_matin/2015-2016/, 17 juin, segment de 6h54: «Sécurité des Premiers ministres : Entrevue avec François Dubé.»
Quand la colère mène à l’action
by bakou on Fév.21, 2016, under Général
Lundi le 18 janvier 2016 avait lieu l’occupation des bureaux du député Marc Tanguay par des membres du FRAPRU, dans le cadre d’une semaine d’actions dérangeantes pour la sauvegarde du programme AccèsLogis. L’action était coordonnée par Infologis, mais plusieurs autres comités logement ont participé, dont celui de Montréal-Nord, de Rosemont, d’Ahuntsic-Cartierville et celui d’Hochelaga-Maisonneuve. Il faut savoir que le programme AccèsLogis est l’un des seuls en son genre au Québec et qu’il a été amputé de moitié. Ainsi, c’est désormais 1500 logements sociaux qui sont financés par ce programme et non plus 3000 comme c’était le cas avant les coupures du gouvernement libéral. Pourquoi avoir ciblé ce député? Disons qu’au moins deux rencontres entre Infologis et le député ont eu lieu à ce sujet auparavant et que ces rencontres n’ont pas donné de résultat concret.
C’est pourquoi il a été décidé d’occuper les bureaux du député le 18 janvier. L’ambiance était festive et des autocollants ont été apposés sur les murs par les manifestantes et manifestants qui chantaient des slogans et des chansons en cœur dans le bureau du député, dont une version modifiée d’Hélène (célèbre chanson de Roch Voisine). Marc Tanguay était absent, siégeant à Québec, mais son attaché de presse était présent sur les lieux. Un responsable d’Infologis a brièvement discuté avec le député au téléphone et disons que ce dernier n’était pas trop content de notre action. Il criait au téléphone à cause des autocollants et refusa catégoriquement de prendre un engagement quant au retour du financement de 1500 logements sociaux dans le cadre du programme Accès-Logis.
Les gens ont quitté dans le calme les bureaux du député à la suite de la lecture de l’avis d’éviction donné par son attaché de presse, promettant de revenir et de continuer le combat. L’action est un peu passée sous silence dans les médias, d’où la raison de ce billet. Alors qu’avait lieu une rencontre entre les citoyennes et citoyens de Rivière-des-Prairies puis le député Marc Tanguay, le 15 février dernier, celui-ci a profité de l’occasion pour remettre la facture de 500$ occasionné par notre action dans les mains d’un organisateur communautaire d’Infologis. La lutte se poursuit et si je me fie à ce que l’on m’a dit, cette facture ne sera pas payée par Infologis.
Pourquoi la Marche du Silence a-t-elle été bloquée?
by Umzidiu Meiktok on Oct.04, 2015, under Général
Les prémisses
Samedi le 26 septembre devaient se tenir deux manifestations d’importance mineure. Tout d’abord, la fameuse Marche du Silence, organisée par deux individus que nous allons nommer A. et B. Cette manifestation avait a priori pour seul objectif de dénoncer le projet de loi 59, qui porte sur le discours haineux et qui semblerait avoir pour seul effet de diviser la population sur cet enjeu.
Cette marche au caractère plutôt innocent et au propos assez vague pour faire la quasi-unanimité aurait passé inaperçu si les sympathisant-e-s du groupe d’extrême-droite et xénophobe Pegida Québec n’avaient pas prévu leur propre rassemblement le même jour. Quand l’heure et la date ont été finalement fixées, plusieurs sympathisant-e-s de Pegida ont déploré le choix des organisateurs/trices. Une discussion très amicale s’est alors amorcée entre la Marche du Silence et Pegida.
Sur les captures d’écran, A. est en rouge, et B. en bleu.
A. propose même à Pegida d’inclure leurs revendications dans un « document officiel »:
On peut arguer que les deux organisateurs/trices ne savaient pas à qui illes avaient à faire. Mais à l’époque, le nom de l’évènement de Pegida était toujours (avec les fautes): « manisfestation pour contrer l’imigration de masse et la loi 59 (charia) ». Difficile à manquer! Entretemps, la frange islamophobe du mouvement opposé au Projet de loi 59 prend de plus en plus de place sur la page de la Marche du Silence. Une dizaine de partisan-e-s de Pegida au moins, notamment, ont confirmé leur présence.
Plusieurs militant-e-s opposé-e-s au racisme tirent alors la sonnette d’alarme. Illes s’adressent directement à A. et B. et les informent sur la possible infiltration de fachos. Beaucoup exigent une prise de position ferme contre la haine raciale et la xénophobie. Les réponses de A. et de B. (notons que B. s’affiche avec le groupe « Vigilance laïque ») restent évasives. À d’autres moments, illes prennent leurs distances de Pegida, précisant par exemple que leurs positions ne sont pas « compatibles », et que Pegida a un « parfum d’intolérance élargi ». Mais il faut arracher ces déclarations après de longues luttes. Et de la part de A., c’est un pas devant, deux pas derrière: quelques jours après s’être distancée de Pegida, la Marche du Silence, qui n’a toujours pas agi formellement, remercie chaleureusement François Chaput et Martin « Québec Blanc » pour leur soutien. Or le premier, dans les réseaux xénophobes, semble avoir acquis un rôle de leader, au point où plusieurs parlent non pas de la « Marche du Silence » mais bien de la « manif à François ». Le second multiplie les vlogs haineux depuis plusieurs semaines. Les deux sont abonnés à divers autres groupes d’extrême-droite sur facebook, dont Pegida Québec.
A. est informée de la présence de ces deux xénophobes à plusieurs reprises, presque au même moment où le vidéo est partagé sur la page de la Marche du Silence. On souligne que François Chaput a notamment menacé de donner des « taloches » à des musulman-e-s qu’il surprendrait à prier dans la rue, même si ça lui vaut la prison. Une édition du vidéo dans lequel il l’affirme a été diffusée par le Voir (12 min 05).
A. tergiverse toujours. Elle participe à quelques échanges sur Twitter.
Il est en bref impossible de recevoir une quelconque assurance de sa part qu’elle fera son possible pour décourager leur présence. Sur la page Facebook, l’extrême-droite s’en donne à coeur joie, pendant que les sympathisant-e-s de Pegida confirment massivement leur présence aux deux évènements, dont Josée Rivard, qui est elle aussi connue pour ses vlogs xénophobes.
Quelques jours de confusion suivent, pendant lesquels les antifascistes sont appelé-e-s à perturber le rassemblement de Pegida, à 16h00. Les inquiétudes au sujet de la présence de l’extrême-droite se font de plus en plus grandes sur la page facebook de La Marche du Silence ; elles sont effacées systématiquement, pendant que les xénophobes continuent d’y sévir presque librement. Les antifascistes décident donc de se présenter à la Place Émilie-Gamelin à 13h00, soit une heure avant la Marche du Silence. Il ne semble pas y avoir alors de plan précis.
Pegida sent la pression monter. Malgré les avertissements de certains individus, qui considèrent que la Marche du Silence n’est pas particulièrement favorable à l’organisation d’extrême-droite, Pegida appelle officiellement à « soutenir » la manifestation.
A. semble, pendant ce temps, mener un double-jeu. Elle tente de convaincre les antifas que la Marche du Silence n’a rien à voir avec Pegida, tout en multipliant les encouragements à des individus connus pour leur racisme et leur propos violents. Impossible de savoir ce qui s’est dit, par ailleurs, en privé entre l’administrateur du groupe Pegida Québec et A. Mais il est vraisemblable que les deux personnes soient restées en contact jusqu’au jour de la marche.
Le 26 septembre, et après que les supporters de Raif Badawi et Julius Grey aient selon quelques personnes retiré leur soutien à A. et B. (ce qui est plus tard nié par A.), on annonce en grande pompe la participation de Djemila Benhabib à la Marche du Silence. Étrange qu’on tente toujours de nous convaincre que la manifestation n’a aucun lien avec l’Islam!
À 14h00, il y a, à la Place Émilie-Gamelin, autant de manifestant-e-s que de contre-manifestant-e-s. Et les antifas ne semblent pas s’être vraiment trompé-e-s sur leurs adversaires. Il y a certes quelques dizaines de personnes égarées, qui ignorent la controverse entourant la Marche du Silence. Mais il y a aussi des ribambelles de racistes plus ou moins modéré-e-s, dont plusieurs arborent fièrement le « X » noir sur fond blanc, un tout nouveau signe de ralliement des islamophobes « pro-liberté d’expression ». Trois militants des Insoumis, dont un membre fondateur, Sylvain Meunier, y ont été aperçus, arborant fièrement t-shirt et drapeau. Rappelons que les Insoumis ont été associés à un crime haineux commis à Sherbrooke. Sans surprise, Martin « Québec blanc » y a une visibilité accrue aussi, ainsi que Josée Rivard et François Chaput. La manifestation est noyautée par des islamophobes.
Est-ce que la Marche du silence a été censurée?
On dit souvent que « la liberté de l’un-e s’arrête ou celle de l’autre commence ». Dans ce contexte, la liberté d’expression n’est pas fondamentalement différente des autres libertés. La prise de parole ne se limite absolument pas à une diffusion de faits dans l’air. La parole est très souvent performative (comme le dirait J. L. Austin dans Quand dire, c’est faire). La notion de « propos haineux », vague par essence[1], vise justement à dépeindre cette réalité qui fait qu’une personne ou qu’un groupe entier peut voir ses libertés et sa sécurité diminuées par les paroles (souvent menaçantes) de quelqu’un d’autre. Les « propos haineux » ne sont pas défendus par le principe de liberté d’expression précisément quand ils font partie d’un système d’oppression!
La Marche du Silence a été perturbée, en effet. Et ça n’a été fait qu’après avoir tenté par tous les moyens d’éloigner ses organisateurs/trices de leurs allié-e-s xénophobes. Les organisateurs/trices SAVAIENT ce qui se passait. Les seules vraies victimes dans cette histoire, ce sont les personnes qui ont loupé le débat, qui pensaient réellement et uniquement marcher pour contrer le projet de loi 59, souhaitant (sans doute à raison) défendre ainsi un droit fondamental.
Quant à la marche de 16h00, personne n’a eu l’occasion de la perturber, puisqu’aucun rassemblement ne s’est formé. Selon l’admin de la page de Pegida Québec, elle a simplement été annulée un peu avant l’heure prévue. Les seul-e-s sympathisant-e-s qui se sont réellement présenté-e-s ont rapidement quitté les lieux.
En ce qui concerne les violences physiques : je n’ai été témoin que de deux échauffourées. L’une d’elle a été causée par un participant à la Marche du Silence, un énorme tas de muscles qui a foncé sur un groupe d’antifascistes en hurlant. Il a été calmé et écarté gentiment par un policier du SPVM. L’autre a visé un antifasciste qui a été poussé et saisi à la gorge sans avertissement et sans raison apparente par un flic. Il est tout à fait possible que d’autres affrontements aient eu lieu, mais je ne souscris pas à la version de la Marche du Silence, selon laquelle des vieillards auraient été assaillis gratuitement par des jeunes militant-e-s masqué-e-s.
Rage post-manif
Les sympathisant-e-s de Pegida et organisateurs/trices de la Marche du Silence ont vraiment perdu leur calme après l’échec du 26 septembre. Une campagne d’intimidation et de salissage a été organisée contre un des militants présents à la contre-manifestation. Après avoir tout d’abord accusé le Mouvement Étudiant Révolutionnaire, A. a en effet trouvé un meilleur bouc-émissaire: un méchant anarchiste avec des « antécédents judiciaires ». Les menaces de mort et d’agressions se multiplient donc en ligne dans le cadre d’un ultime désastre. Plusieurs de ces propos sont épargnés par la censure pourtant hyperactive de la Marche du Silence.
Quelques jours après le déluge de déclarations haineuses et souvent à caractère racial, l’admin de la page finit par expulser quelques membres gênant-e-s. Il reste néanmoins certain que les informations sur l’individu en question ont été consciemment diffusées dans l’objectif de l’intimider, soit directement, soit par personne interposée. En date du 4 octobre, la campagne d’insultes et de menaces n’est toujours pas terminée, et les racistes se concertent même afin de perturber une manifestation en faveur de l’accueil de réfugié-e-s syrien-ne-s, dans laquelle le militant en question est soupçonné d’être impliqué.
Le 29 septembre, B., qui s’est par le passé illustré par ses déclarations farfelues et sexistes (nous avons aussi été informé-e-s que B. a envoyé des messages franchement haineux et intimidants à au moins une personne qui a été pointée du doigt comme «responsable» de la perturbation), publie ce statut surréaliste:
Il est vrai que la plupart des médias ont offert une couverture complètement déficiente, et les contre-manifestant-e-s en sont partiellement responsables. Au sein de la contre-manifestation, j’ai senti qu’il existait une certaine confusion entre la Marche du Silence et le rassemblement de Pegida. Les journalistes se sont notamment informé-e-s auprès de ces militant-e-s-là. Peu d’entre eux ont pu expliquer correctement la complexité de cette histoire et se sont limité-e-s à une ou deux déclarations fracassantes et médiatiques.
Mais le pitoyable pleurnichage des fans de la Marche du Silence n’arrange rien. A. et B. ont prétendu vouloir contrer la « désinformation » dont l’évènement aurait été accablé avant de suivre des pistes hasardeuses et de se lancer dans des accusations infantiles. Le fait est: contrairement à ce qu’on semble croire, à peu près personne n’accuse A. et B. d’être xénophobes. Beaucoup leur accordent le bénéfice du doute et les défendent, même chez les antifas! Cela dit il est clair que peu de travail a été fait pour empêcher les dérapages haineux, et c’est la présence annoncée de nombreux/euses et authentiques fachos qui a forcé la main aux « terroristes d’extrême-gauche », autant qu’une naïve et idiote collaboration des organisateurs/trices avec des groupes violents et ouvertement racistes.
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[1] Un propos haineux peut tout à fait être largement diffusé sans réelles conséquences. Par exemple, quand les personnes visées sont trop privilégié-e-s et normatifs/ives pour en souffrir, ou quand le discours est hors-contexte.
Lecture : M9A – Il ne reste plus que les monstres par Bruno Massé
by pwll on Juil.27, 2015, under Général
*Spoiler Alert : Pas de gros punch, mais des indices*
-Ah! Fit l’autre femme en grimaçant. Tu penses que ça se termine ce soir? Chérie ça fait juste commencer… tu m’entends? On sera toujours là quelque part, dans votre dos, dans l’ombre, quand vous dormez. Vous avez déjà enfermé ou fusillé les meilleurs d’entre nous, ceux et celles qui se montraient au grand jour, avec de grand idéaux – ceux qui avaient encore de l’espoir.
Elle dévisagea Amélie d’un rictus béant avant d’ajouter, lèvres luisantes de pus :
– Il ne reste plus que les monstres.
Ça faisait bien longtemps que je ne m’étais pas donné le temps de lire un roman et je suis très bien tombée avec le roman M9A Il ne reste plus que les monstres. Je me suis régalée.
Montréal, dans un futur dystopique. En tant que fan de l’univers cyberpunk, j’étais déjà charmée par le cadre du roman et évidement je n’ai pas été déçue : implants cybernétiques, augmentations génétiques, technologie présente dans tous les détails de la vie quotidienne, drogues sophistiquées, forces de l’ordre à la sauce Robocop. Le tout dans un contexte d’inégalités sociales indécentes et meurtrières. C’est dans le futur, mais un futur reconnaissable dans la continuité de la logique d’accumulation de la richesse dans les mains d’une minorité de privilégié-e-s, de destruction de l’environnement et de l’escalade due à l’obsession sécuritaire. C’est un Montréal dans un Québec qu’on est bien capable d’imaginer.
Dans ce Montréal, ceux et celles qui possèdent le pouvoir et la richesse évoluent dans l’Arcologie, monstrueuse pyramide de lumière trônant au centre-ville. L’Arcologie possède tout ce qui est possible de désirer et tout y est contrôlé; climat, loisirs, médias. Les gens qui y sont n’en sortent jamais. Pourquoi sortir de toute façon? : « Leur monde, même s’il est confiné aux frontières de la pyramide, est un paradis ». Sans faire partie de cette élite, d’autres privilégié-e-s habitent dans les banlieues fortifiées, mais la majorité de la population s’entasse et survit dans des ghettos aux conditions de vie dangereuses.
Nous suivons trois personnages : William Saint-Onge, puissant possédant, à la tête de l’Arcologie, il possède sa propre armée privée et est un psychopate qui fait manger la Première ministre dans sa main. Sergente Amélie Lacroix, vétérante de l’armée, excellente flic, habitant dans la banlieue fortifiée de Beloeil, vivant des problèmes psychologiques que nous devinons dûs à ses expériences de violence armée, dans laquelle elle excelle pourtant. Et finalement Hans, anarchiste. Lui et ses camarades sont désespéré-e-s et acculé-e-s au pied du mur par leurs conditions de vie et la répression qu’illes vivent dans le ghetto de La Pointe. La trame narrative s’entrelace par des chapitres très courts où nous voyons évoluer chacun de ces personnages en rotation, jusqu’au dénouement final.
Le rythme du livre est très rapide. Pas de longueurs, pas de temps pour réfléchir, pas le temps pour réellement avoir des personnages préféré-e-s. Évidement, nous avons une équipe préférée et nous voulons qu’elle gagne, même si ce qu’elle fait n’est pas très clair tout au long de la lecture. Plutôt que de nous confondre par les manques d’information sur les personnages où les actions qu’illes posent, ces manques font plutôt deviner les contour d’une gigantesque trame de fond politico-historique où des événements traumatisants pour les personnages font partie de drames à grande échelle sur le territoire. Ça rend très curieux-se et ça nous fait deviner le contexte de fond pendant que notre attention est plutôt fixée sur les actions immédiate des personnages.
Les mystères sont entretenus jusqu’à la fin et les rebondissements sont bien réussis. L’espèce d’étrange course à la montre entre les personnages nous garde en suspend jusqu’à la fin, ce qui m’a fait pardonner une partie du dénouement final que j’ai trouvé un peu cheesy.
C’est un excellent roman d’aventure cyberpunk, dark à souhait. Dans cette ombre d’un futur qui sera peut-être, on oublie le quotidien le temps de quelques heures en espérant que les enfoiré-e-s ne gagnent pas cette fois-ci. Juste pour faire changement de la vraie vie…
M9A Il ne reste que les monstres
Bruno Massé
Éditions Sabotart, 2015, 192p.
Normes et fonction sociale de l’humour
by Umzidiu Meiktok on Juil.09, 2015, under Général
Avertissement / trigger warning: ce texte comporte de nombreuses citations brutalement sexistes.
Quand on écrit de la merde, en général c’est parce que le trou-de-cul n’est pas très loin. C’est ce que nous a fait comprendre la récente déclaration de J-F Mercier, qui comme on le sait, a fait sa carrière sur des invectives, et dont le deuxième degré est habituellement absent sinon malhabile (on se souvient de ses déclarations faussement racistes sur les Canadien-ne-s des Prairies lors d’un certain Bye Bye, qui avaient été applaudies par le public, ou du discours extrêmement méprisant et classiste envers les mauvais pauvres qui reçoivent des paniers de Noël).
L’intransigeante légion des humoristes et de leurs fans en furie a réagi violemment à l’objection des féministes, dressant encore, comme devant toute critique, un front uni. Stéphane E. Roy a par exemple écrit un texte dans lequel il ordonne aux féministes de s’attaquer à l’État Islamique plutôt qu’à J-F Mercier.
Judith Lussier a répondu à ce genre de défense absurde en rapprochant le statut facebook de Mercier de la culture du viol et du slut shaming: je n’y reviendrai donc pas.
Je me questionne davantage sur la fonction réelle – et des effets généraux – de ce genre de jokes. Notons tout d’abord la qualité assez ordinaire de la déclaration de Mercier: c’est une analogie hyperbolique assez bête et facile, on en voit quinze comme celle-là par jour. La même semaine, j’avais vu passer un meme affirmant que: « Les femmes vont se faire percer les oreilles, les joues, le nombril, le clitoris, se faire épiler à la cire, augmenter les seins… mais quand vient le temps de faire de l’anal soudainement ça fait trop mal. » Au-delà de la culture du viol véhiculée par ce genre de propos, on aurait pu s’attendre qu’un humoriste professionnel puisse nous donner quelque chose de plus intelligent ou original que ce genre de borborygmes qui pollue nos fils d’actualité. Comme je le dis souvent, la première fois qu’on a fait une joke de pelure de banane, ça a dû être vraiment hilarant.
Avant de parler des fonctions sociales de l’humour, je sens le besoin de me justifier. Plusieurs comiques disent être fatigué-e-s de se faire dire « comment faire leur job ». C’est le cas entre autres de Bill Maher, qui, piqué au vif, atteint dans un certain sketch en à peine trois minutes le Point George Carlin[1]. Prétendre qu’un-e non-humoriste ne soit pas apte à critiquer l’humour est d’une grande bouffonnerie. On pourrait simplement répondre que les humoristes, eux, ne sont pas aptes à faire de l’humour social ni même à se questionner sur leur rôle dans le monde, puisqu’illes ne sont évidemment pas sociologues. De fait, la rhétorique humoriste (typique) a cela de triste qu’elle compte sur le flamboyant, et non le cohérent, pour attaquer, se défendre et se définir, même quand elle devient sérieuse. Ces artistes qui l’utilisent systématiquement sont à l’humour ce que Donald Trump est à la politique. Et malheureusement, il y a beaucoup plus de ces artistes-là en humour que de Donald Trump en politique.
Le fait est: l’humour a des fonctions sociales très importantes. Boucar Diouf en a parlé à Médium Large en 2013. Après avoir évoqué, comme les autres personnes cool de ce monde, bonobos et chimpanzés, il finit par suggérer que peu de femmes sont en humour parce que celles-ci n’ont pas besoin d’être drôles dans le jeu de la séduction… Nous rappelant ainsi pourquoi il ne faut jamais demander à des humoristes de réfléchir.
Si vous voulez un complément d’informations et que vous ne souhaitez pas passer par les textes de mille auteur-e-s intellos, les points 2.1 (p. 36) et 2.2 (p. 47) du mémoire de maîtrise de Jérôme Cotte font un habile résumé de ce que constitue le système dominant et quel rôle occupe l’humour dans le maintien de cette domination. Voici un extrait:
« La prise de risque individuelle d’un humour subversif ou violent à l’égard des dominants est immédiatement identifiée et délégitimée dans le texte public. À l’ inverse, l’inimitié humoristique des dominants est bien à l’abri derrière la façade purement ludique et inoffensive du rire. Ce voile est efficace au point où les dominants eux-mêmes, pris dans la logique de la société humoristique, n’arrivent pas à identifier l’hostilité de leur humour. »[2]
Cette citation est parfaitement bien illustrée par l’histoire du fameux poster trouvé dans la maison de la famille Machouf-Khadir. On sait que par ailleurs, Chapleau a fait bien pire.
Forcer le respect des normes
Il est donc essentiel de se demander si notre humour sert ou pas le maintien d’une domination quelconque. Des humoristes comme Guillaume Wagner, quand ils se moquent de comportements normatifs chez les hommes et les femmes, devraient peut-être, en plus de se questionner sur une bonne partie du contenu, se demander si leurs jokes n’encouragent pas davantage la stigmatisation et les inégalités qu’elles ne contribuent à les déconstruire. Wagner se moque par exemple de la volonté de plaire de beaucoup de femmes: mais il en nie l’origine patriarcale, il suggère que ces comportements visent au contraire à nourrir la compétition entre elles. Même s’il se moque des hommes dans le même numéro, il contribue cependant à les déresponsabiliser face à la pression que ressentent les femmes de performer leur genre de manière normative, tout en mentionnant avec paternalisme que les préoccupations de celles-ci sont « cutes », que leurs petits problèmes les rendent « charmantes ». Sa manière de parler du problème de l’anorexie est également stigmatisante : il y réduit les femmes à leur simple valeur sexuelle tout en comparant les femmes maigres à des « barreaux de chaise » qu’aucun gars voudrait « fourrer ». Les hommes homosexuels sont eux aussi réduits à leur sexualité, décrite comme débridée.
Difficile de croire que ce faisant, Wagner, même s’il prétend constamment le faire, défende réellement la veuve et l’orphelin en ridiculisant certains comportements. De la même façon, la chanson de Laurent Paquin sur Stéfanie Trudeau (l’agente 728) insistait sur sa vie sexuelle, ramenant au goût du jour le stéréotype de la « femme mal baisée », et Michel Courtemanche, dans le Bye Bye qui devait suivre, l’incarnait à travers un personnage de gorille grossier, le gag résidant dans le fait que Mme Trudeau n’était pas considérée comme une vraie femme – puisqu’elle est brutale! Ce ne sont pas des exceptions: le vocabulaire qui entoure les contestations populaires est très souvent raciste ou sexiste, qu’il soit relié à une performance humoristique ou pas. Il arrive souvent qu’on ridiculise les politicien-ne-s en les traitant de putes, de rois n*****, d’enculés, tout ça sous couvert de la défense des opprimé-e-s.
En bref: l’humour des dominant-e-s sert leur domination, cela va de soi. Mais même quand on prétend défendre les dominé-e-s, l’humour peut aussi encourager d’autres types de domination à travers l’utilisation du slut shaming, du fat shaming (on l’a vu avec l’exemple des nombreuses jokes sur Gaétan Barrette), du stéréotype racial, de la folklorisation d’une population, du capacitisme (Fred Dubé, par exemple, instrumentalise avec un running gag les hydrocéphales pour dénoncer le néolibéralisme), etc. Tout ce qui finalement ne fait pas partie de nos normes et dont le mépris marque notre discours de tous les jours, tout ce que notre société juge comme marginal, anormal et repoussant est utilisé en humour pour dénoncer autre chose. Globalement donc, les classes moyennes représentées par le public et les humoristes, pour lutter contre d’autres dominant-e-s, leur accordent des attributs d’autres dominé-e-s qu’on peut considérer dès lors comme étant plus négligeables. Et quand on leur fait remarquer, illes pètent leur coche. Vivement un sketch sur l’intersectionnalité pour éduquer les cancres de l’humour (de gauche)!
L’humour et la domination renversée
Selon Christopher Boehm, l’humour chez les sociétés de chasseurs/euses-cueilleurs/euses avait un objectif précis: ridiculiser les individus qui pourraient être tentés de dominer le groupe, les humilier dans le sens de « rendre humble ». Imaginez par exemple qu’un chasseur arrive fièrement au campement avec une énorme proie et que quelqu’un lui fasse remarquer: « Étonnant qu’un si gros animal puisse tenir en équilibre sur une si petite tête. » On en oublie la réussite du premier. Ce procédé existe sous différentes formes dans les sociétés post-industrielles, ce qui fait dire à plusieurs que le Québec « méprise les gens qui réussissent ». Et en cela, la province ne diffère pourtant absolument pas du reste du monde, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire.
L’humour peut être une réelle manière non pas de se glorifier ou d’encourager la domination, mais de dénoncer les injustices, comme le fait par exemple Jessica Williams (qui est entre autres correspondante au Daily Show), et cela sans utiliser un vocabulaire oppressif. Au lieu de brailler face aux critiques en revendiquant l’héritage d’Yvon Deschamps, les humoristes du Québec auxquels on pense devraient peut-être se rappeler ce qu’il y avait, justement, dans les fameux monologues de leur soi-disant maître à penser.
______________
[1] Comme deux adversaires politiques s’approchent habituellement, au fil de la discussion, du Point Godwin, l’humoriste critiqué va généralement finir par se comparer à George Carlin. Au Québec le statut est disputé par Yvon Deschamps.
[2] Jérôme Cotte. L’humour et le rire comme outils politiques d’émancipation? UQAM, juin 2012, p. 67.
Propagande
by bakou on Mai.22, 2015, under Général
«The conscious and intelligent manipulation of the organized habits and opinions of the masses is an important element in democratic society. Those who manipulate this unseen mechanism of society constitute an invisible government which is the true ruling power of our country.
We are governed, our minds are molded, our tastes formed, our ideas suggested, largely by men we have never heard of. This is a logical result of the way in which our democratic society is organized. Vast numbers of human beings must cooperate in this manner if they are to live together as a smoothly functioning society.» Edward Bernays, Propaganda.
Décédé à l’âge de 103 ans en mars 1995, Bernays est né à Vienne et a grandi à New-York avant de s’installer à Cambridge avec sa femme et partenaire dans ses travaux, madame Doris E. Fleischman. Neveu de Sigmund Freud, il serait l’un des premiers à avoir développé l’idée de changer l’opinion et le comportement du public, à une époque où ce concept se réduisait aux agences de presse et l’effort mis en place pour modifier des politiques gouvernementales. Son œuvre principale, dont je ferai un bref résumé ici, s’intitule Propaganda.
Publié en 1928, Propaganda est considéré par Noam Chomsky comme étant le manuel principal de l’industrie des relations publiques. Bernays serait en quelque sorte le gourou des adeptes de cette sphère d’activité. Bien que le document date un peu et que les techniques de propagande ont forcément évolué depuis la publication de l’ouvrage, je pensais qu’il serait intéressant de revenir sur un des ouvrages ayant marqué la naissance des relations publiques. Le livre serait en bonne partie fondé sur les leçons apprises lors de la Première Guerre mondiale.
Bernays affirme que dans presque tous nos actes quotidiens, que ce soit en politique ou en affaire, dans notre conduite sociale ou notre pensée éthique, nous sommes dominé-e-s par un nombre relativement limité de personnes. Ce serait la minorité qui comprend les processus mentaux et les tendances sociales des masses qui gouvernerait au dépend de la majorité. Bien qu’en théorie chaque citoyen et citoyenne soit en mesure de voter librement, nous nous serions entendus pour des raisons pratiques à ce que la machine des partis réduise le nombre de candidats et de candidates en liste à deux, voir peut-être à trois ou quatre individus tout au plus.
Bernays prétend que nous avons convenu volontairement, toujours pour simplifier notre vie, de laisser un gouvernement invisible filtrer l’information pertinente et les enjeux importants pour le public afin de limiter nos choix dans des proportions jugées raisonnables. La civilisation devenant de plus en plus complexe et le besoin grandissant d’un gouvernement invisible s’accompagnent par l’arrivée de nouveaux moyens techniques pour contenir l’opinion publique. Les journaux, le téléphone et la radio permettaient désormais de répandre instantanément l’information souhaitée rapidement à travers un vaste territoire.
Le gouvernement invisible dont parle Bernays est né à partir du moment où la bourgeoisie a pris la place des rois et de l’aristocratie. Avec la mise en place du suffrage universel et de l’éducation de masse, la bourgeoisie commençait à avoir peur du pouvoir populaire, car les masses menaçaient de la détrôner éventuellement. En réaction à cette possibilité, la minorité a découvert un mécanisme puissant pour influencer la majorité. Il a été démontré qu’il était possible d’orienter la pensée de la majorité dans la direction désirée, permettant ainsi à la minorité au pouvoir de contenir l’influence grandissante des masses populaires. Que ce soit en politique, en finance, dans le domaine manufacturier, en agriculture, dans les œuvres de charité ou en éducation, la propagande est le bras armé du gouvernement invisible. Bernays défini la propagande moderne comme étant un effort consistant pour créer ou former des évènements dans le but d’influencer les relations du public par rapport à une entreprise, un groupe ou une idée.
La propagande est universelle et continuelle. Dans sa somme totale, celle-ci encadre l’opinion du public aussi bien qu’une armée contrôle le corps de ses soldats. C’est le succès retentissant de la propagande durant la guerre qui a donné l’idée à la minorité «éclairée» d’appliquer une approche similaire en temps de paix. Bernays s’attarde au monde des affaires, à la politique, aux groupes de femmes, à l’éducation, aux services sociaux, à l’art et à la science. La propagande serait l’instrument permettant de maintenir l’ordre et d’ainsi éviter le chaos.
Bernays a contribué à former les relations publiques en favorisant le recours à l’approbation des leaders d’opinion, aux célébrités, aux docteurs et autres «experts» pour renforcer les arguments que ses clients voulaient mettre de l’avant. Il a également préconisé l’utilisation de sondages ainsi que la publication des résultats d’enquêtes et d’expériences pour renforcer la position ou les produits défendus par ses clients. Bernays fut essentiel pour rendre acceptable le fait que les femmes puissent fumer en public. En effet, il a supporté des démonstrations publiques, pour le bénéfice de la American Tobacco Company et des cigarettes Lucky Strike, où des débutantes étaient invitées à «s’en allumer une» rassemblées au coin des rues. Les cigarettes étaient même appelées «torches de la liberté». Bernays considérait que c’était une façon pour les femmes de démontrer qu’elles étaient égales aux hommes et illustrait le chemin parcouru par celles-ci depuis la naissance du mouvement des suffragettes. C’est du moins de cette manière que la propagande qu’il mit de l’avant opérait. Un autre de ses exploits a été de promouvoir le savon Ivory et de rendre le fait de prendre son bain plus populaire auprès des enfants en formant un panel national de sculptures miniatures, qui pendant des années organisa des compétitions de gravures dans le savon.
Rappelons que Bernays et Walter Lippman étaient tous les deux membres du comité sur l’information publique du gouvernement américain, qui réussit à convaincre une population jusque là isolationniste à supporter l’entrée en guerre, de leur gouvernement lors de la Première Guerre mondiale. Il sera également instrumental dans la campagne pour renverser le gouvernement élu du Guatemala. Son influence s’étend bien au-delà de l’ère suivant la Deuxième Guerre mondiale. Ses écrits dans les années 1940 et 1950 devaient aider à éduquer les leaders politiques quant à l’utilisation des médias de masse, en particulier en ce qui concerne l’emploi avantageux de symboles visuels pour produire ce qu’il définissait comme étant la «production du consentement» (engineering of consent). Bernays considérait le public comme étant somme toute assez bête. Un expert en relations publiques fait partie de la minorité intelligente et son rôle est de conseiller son client pour savoir comment aborder les masses, par l’usage de la psychologie. Dans une entrevue accordée peu avant sa mort, il se désole que le public ait acquis une conscience sociale, rendant ainsi plus ardue l’exploitation des masses laborieuses.
Je n’ai fait ici qu’un bref survol de Propaganda et tracé un portait très sommaire à propos d’Edward Bernays. Ceux et celles qui voudraient en savoir davantage sont invité-e-s à consulter l’œuvre de Bernays et à poursuivre leurs propres recherches sur ce personnage peu connu du grand public, mais fascinant. J’aimerais ultérieurement revenir sur le rôle que joue aujourd’hui la propagande dans nos sociétés dites démocratiques (elles n’en portent que le nom) et donner des exemples concrets quant à son application.
http://www.historyisaweapon.com/defcon1/bernprop.html
https://www.nytimes.com/books/98/08/16/specials/bernays-obit.html
http://www.beyond-the-pale.co.uk/bernays.htm
Idées fausses sur l’action non-violente
by pwll on Mar.28, 2015, under Débats, Général
J’entends beaucoup de choses sur la violence, la non-violence, la possibilité d’amener les flics « de notre côté » ou les signes de peace dans les manifs. Je ne suis pas une experte de la question, mais je constate qu’il y a une masse de personnes qui ont envie de penser à ces enjeux. De la même manière, je pense que c’est très contre-productif de lever le nez sur des idées que les gens expriment juste parce qu’ils disent « non-violence ». J’ai donc pris la liberté de traduire et d’adapter une partie d’un livre appellé Unarmed Insurrections. People Power Movements in Nondemocracies pour élargir la discussion.
Ce texte ne s’adresse ni à des gens qui trouvent que c’est une bonne idée de faire des câlins à des flics et qui veulent les convaincre « d’être de notre côté », ni à des gens qui ne sont pas capable de voir que les tactiques utilisées par nos mouvements sont majoritairement non-violentes (grèves générales, blocages, occupations…), mais s’adresse plutôt à des gens qui constatent que la diversité des tactiques est essentielle à un mouvement social qui se veut large, inclusif et qui sait que tout mouvement social progressif et anti-oppressif est en opposition avec l’ordre établi.
Source : Kurt Schock, Unarmed Insurrections. People Power Movements in Nondemocracies, University of Minnesota Press, Minneapolis, 2005, p. 6-12.
Voici 19 des idées fausses les plus communes à propos de la non-violence :
1- L’action non-violente n’est pas l’inaction (même si ça peut inclure le refus de porter une action qui est attendue par les oppresseurs), ce n’est pas de la soumission, ce n’est pas l’évitement du conflit et ce n’est pas se résigner de manière passive. Dans les faits, l’action non-violente est un moyen direct pour poursuivre le conflit avec les opposants et est un rejet sans équivoque de l’inaction, de la soumission et de la passivité.
2- Tout ce qui est non-violent n’est pas considéré comme de l’action non-violente. L’action non-violente réfère à des actions spécifiques qui sont risquées et impliquent de la pression non-violente ou des moyens de coercition non-violents dans des interactions conflictuelles entre deux groupes opposés.
3- L’action non-violente n’est pas limitée à des activités politiques sanctionnées par l’État. L’action non-violente peut-être légale ou illégale. La désobéissance civile est une violation délibérée de la loi dans un but social ou politique et est un mode d’action non-violent fondamental.
4- L’action non-violente n’est pas composé d’actions politiques régulées ou institutionnalisées comme écrire des lettres, voter ou faire du lobbying. Contrairement au cas des gens qui s’engagent dans des actions politiques régulées et institutionnalisées, il y a toujours un élément de risque pour les gens qui choisissent l’action non-violente car elle défie les autorités.
5- L’action non-violente n’est pas une forme de négociation ou de compromis. La négociation et le compromis peuvent ou non accompagner les conflits poursuivis par l’action non-violente comme ils peuvent ou non accompagner l’action violente. En d’autres mots, l’action non-violente est un moyen de poursuivre un conflit et doit être distingué d’un moyen de résolution du conflit.
6- L’action non-violente ne dépend pas de l’autorité morale, de la honte des opposants, ou de la conversion de leur point de vue pour promouvoir un changement politique. Si la conversion du point de vue des opposants peut des fois arriver, le plus souvent l’action non-violente promeut le changement politique au travers la coercicion non-violente qui force l’opposant à faire des changements en lui sapant son pouvoir. Bien sûr, la pression morale peut être mobilisée, mais en l’absence de pressions politiques et économique il est improbable qu’un changement se produise.
7- Les gens qui utilisent l’action non-violente ne s’attendent pas à ce que l’État ne réagisse pas avec violence. La réaction violente du gouvernement n’est pas une indication de l’échec de l’action non-violente. En fait, les gouvernements répondent avec violence précisément parce que l’action non-violente est une menace pour leur pouvoir. Éliminer l’utilisation de l’action non-violente parce que des gens meurent ou sont blessés est tout aussi illogique que d’éliminer l’utilisation de résistance armée parce que des gens meurent et sont blessés. Lutte non-violente ne veut pas dire une absence de violence.
8- Ceci étant dit, la souffrance n’est pas une part essentielle de la résistance non-violente. La vision de la souffrance comme étant centrale à la résistance non-violente est basée sur la fausse assomption que l’action non-violente est de la résistance passive et qu’elle essaie de produire du changement en essayant de convaincre les oppresseurs. L’action non-violente est beaucoup plus sophistiquée que la fausse conception qui illustre l’image des activistes acceptant la violence physique des agents de leurs oppresseurs dans l’espoir que leur souffrance va convertir les opposants ou gagner la sympathie publique.
9- L’action non-violente n’est pas une méthode qui s’utilise seulement en dernier recourt, quand les moyens violents ne sont pas disponibles. Comme l’action violente peut être utilisée même quand il n’y a pas d’armes disponibles, l’action non-violente peut aussi être utilisée à la place de méthodes violentes.
10- L’action non-violente n’est pas une méthode d’action politique « bourgeoise » ou « classe moyenne ». Des actions non-violentes ont été, et peuvent être, mises en œuvre par toutes les classes, des esclaves jusqu’aux classes élevées. Pour des raisons évidentes, elles sont utilisées par les gens qui ont le moins de pouvoir, des gens qui n’ont pas accès au pouvoir, plus fréquemment que par des gens en position de pouvoir.
11- L’usage de l’action non-violente n’est pas limitée à la poursuites de but « réformistes » ou « modérés ». Il peut également être utilisé pour atteindre des buts « radicaux ». Par exemple, Anders Corr a documenté l’usage étendu de la non-violence dans les luttes pour la terre et le logement à travers le monde. Les défis au relations découlant de la propriété privée peuvent difficilement être considérées réformistes, modérés ou bourgeoises. De la même manière, le mouvement féministe a défié de manière radicale les rapports patriarcaux presque entièrement par des méthodes qui n’incluaient pas la violence. Les défis à l’ordre établi peuvent être radicaux et non-violents.
12- Si par sa nature même l’action non-violente requiert de la patience, ça ne veut pas dire que la production de changement politique sera lente en soi comparé à l’action violente. Des luttes violentes qui ont servi de modèle pour des générations de révolutionnaires ont pu prendre des décennies pour réussir.
13- Les moyens de l’action non-violente ne sont pas structurellement déterminés. Il y a des relations dans le temps et l’espace entre les contextes politiques et l’usage d’une stratégie, mais les méthodes utilisées pour défier des rapports politiques oppressifs ne sont pas déterminés par le contexte politique. Des processus d’apprentissage, de diffusion et de changements sociaux peuvent conduire à l’instauration d’actions non-violentes dans des contextes ou situations qui ont historiquement été caractérisés par des conflits violents. Certainement, le contexte des conflits et les enjeux influencent les stratégies de résistance, mais pas d’une manière déterministe.
14- L’efficacité de l’action non-violente n’est pas liée à l’idéologie des oppresseurs. Les croyances des oppresseurs peuvent influencer les dynamiques du conflit, mais elles ne sont pas uniquement ce qui détermine les aboutissants des luttes menées au travers de méthodes d’actions non-violentes.
15- De manière similaire, l’efficacité de l’action non-violente n’est pas en fonction de la répression des oppresseurs. Des campagnes d’action non-violente ont été efficaces dans des contextes répressifs brutaux et inefficaces dans des contexte de démocratie plus ouverte. La répression, bien sûr, contraint l’habilité à s’organiser, à communiquer, à mobiliser et à s’engager dans l’action collective et élargit les risques à participer à des actions collectives. Néanmoins, la répression est seulement un des facteurs qui influencent les trajectoires des luttes basées sur l’action non-violente.
16- La mobilisation de masse de gens dans des campagnes d’actions non-violentes dans des contextes dit «non-démocratiques » ne dépend pas de l’obligation qu’ont les gens à y participer. Si des campagnes d’actions non-violentes ont inclus la coercition pour mobiliser, la coercition n’est pas une caractéristique des mobilisations de masse. Des exemples démontrent que quand les communautés étaient vivement divisées ou que les campagnes n’étaient pas assez publicisées la coercition avait plus de risques d’être utilisé. Au contraire, quand des solidarités étaient construites entre les communautés et que les gens étaient bien au courant des campagnes, la coercition avait le moins de chance d’arriver.
17- Contrairement aux idées populaires et universitaires, les personnes qui décident de s’engager dans l’action non-violente sont rarement des pacifistes. Les personnes qui s’engagent dans l’action non-violente ont différentes idées, dont le pacifisme peut faire partie, mais le pacifisme n’est pas ce qui ressort chez les gens qui font le choix de l’action non-violente.
18- De manière similaire, les gens qui s’engagent dans l’action non-violente n’ont pas à savoir que c’est ce qu’ils font. Ainsi, l’implantation de méthodes non-violentes ne sont pas nécessairement reconnues comme « non-violentes » par les gens qui les pratiquent et ces personnes n’ont certainement pas à adhérer à une théorie de la non-violence ou à un code moral pour réussir et diffuser leurs stratégies.
19- Les campagnes d’actions non-violentes n’ont pas besoin d’un leader charismatique pour réussir même si certaines en ont eu. En fait, elles n’ont pas besoin du tout de leaders.
Austerity and Social Strike in Quebec
by La Tomate noire on Mar.26, 2015, under Général
What is Austerity? Austerity is the new buzz word, mostly because it is used as a mobilization tool in the preparation of Quebec’s next student strike that is also calling for a larger social strike. What is happening now, where is this new crisis is coming from, and what can we expect from it? These are some questions I will try to briefly address in this presentation.
So really, what is Austerity?
The neoliberal ideology in Quebec’s state and public services was implanted in the early 1990s. Recently, the rate at which these transformations have been introduced has greatly accelerated : cuts in education, cuts in the health sector, cuts in public sector employees pensions (Bill 3), etc. The Government of Quebec presented austerity measures as inevitable for the collective good: everyone had to do their part and take responsibility. However, austerity can be better understood as a set of measures that are enacted locally according to neoliberal philosophy, as well as a political choice from a specific social class. Therefore, austerity will not affect everyone in the same way. Its objective can be understood as an attempt to sabotage social infrastructures in order to progressively privatize the state and its subsidiaries.
Neoliberalism is a widely discussed topic. However, I will just define it as a political philosophy that slowly imposed itself as a new hegemony, rooted in an economic and managerial rationality, in which everything is to be understood and managed as a private company or a market. While the thinkers of neoliberalism are calling for a more “responsabilized citizen”, Wendy Brown (2006) argues that it creates rather a “depoliticized citizen”, by transforming political problems into personal problems with market solutions and by producing a consumer-citizen available to a heavy degree of governance and authority. David Harvey (2010) also argued that we have entered a new phase of capital accumulation which he called “accumulation by depossession”. According to Harvey, this accumulation (gaining plus-value) does not come from lands or work force, but from the upper classes that take back what social movements had won in previous struggles, whether it be welfare, labour regulations or other social protection. Hence, “austerity” can’t be understood without a class struggle paradigm.
Student strike and social strike
Quebec has a long and very rich history of social movements organizing against government decisions, starting with the labour movements in the 19th century, and the organization of a student movement somewhere in between the end of the fifties. To understand the particularity of social movements in Quebec, one has to understand the concept of “syndicalisme de combat”, a term that has no official English translation. I will therefore use “combative unionism”, a term coined by Jean-Marc Piotte in 1977 (Piotte, 1977). Combative unionism is a mix between orthodox Marxism and anarcho-syndicalism and is in opposition to corporate unionism and business unionism. I will not enter into details, but the major differences are in the ideology, objectives and means used by those different kinds of unions. Whereas the corporate and business unions want to protect the corporate and individual rights of the worker and are organized in a top-down hierarchy, combative unionism inserts itself in a logic of class struggle and works towards the creation of a “power relation” against the bosses who exploit their workers. This kind of organization requires direct democracy and a bottom-up organization, and uses strikes and direct actions as legitimate political means to fight back.
However, in Quebec, the labour movement is not talking about combative unionism anymore. Only a certain fringe of the student and community worker’s movement does. This is largely due to the fact that since the 1980’s, there has been a major weakening of syndicalism. To survive, unions have had to transition towards a syndicalism of consultation, that works hand in hand with the government and the management (Rouillard, 2004). This transition was caused by the major economic recession of the 1980s, the creation of the Law on essential measures and the transformation of the Labour Code in 1999, which regulated the right to strike. Direct democracy doesn’t really exist anymore and struggles are bracketed by the cycle of collective labour agreements.
The stronger political movement is the student movement, because students have the power to organize political strikes in the realm of education, but also in solidarity with other struggles, based on a strong combative union structure. This is possible because the “right to strike” is not legislated in the student context. Students say they are legitimate to strike because they are intellectual workers (a concept that comes from May 68 in France) and are inside the society, not outside, so they can act in it. This spring, students organized a general strike against the government’s austerity measures, not only against cuts in education, but also against cuts in the health and public sector, and against hydrocarbure extraction projects. The momentum was chosen because the public sector workers’ collective labour agreements are ending on the 1st of April, which means a social strike is more possible than ever. A large coalition in favor of a one day social strike on May 1st (the traditional day against capitalism), has also been organized by the Industrial Workers of the World (IWW), gathering students, labour unions and community groups. Presently, the student movement is quite divided, because there is a wide variety of student federations. On the one side, there are the reformist and corporate student federations (FECQ and FEUQ). On the other, there is ASSÉ, a direct democracy national student union using combative unionism, and then there is the new Printemps 2015 group. Printemps 2015 started as an anti-austerity UQAM informal mobilization squad. The group was composed of, amongst others, former ASSÉ activists who didn’t recognized themselves in the post-strike 2012 ASSÉ, which became larger, more centralized and media oriented. It called for the creation of various autonomous and informal “printemps 2015 committees” everywhere, to start mobilizing for the strike autonomously.
What is happening at Concordia and in our department?
Francophones and anglophones have very different cultures and traditions of organization that have most of the time evolved separately because of the language barrier. While French associations developed a student unionism with a strong culture of general assemblies and direct democracy, anglophone student activism related less on their material conditions as students and more on identity struggles and affinity groups. For example, they have focused more on queer, intersectional, anti-oppression and anti-racist struggles. The structure of the student association in Concordia for example, is very similar to the Student Government in the United States. It is also historically situated and reflects the aftermath of the Netanyahou riots at Concordia in 2002 (see the movie Discordia for more info). There may be less of a strike or GA culture at Concordia, but it is not as if it was easy or taken for granted in francophone association either. In 2012, we started doing mobilization in favour of a strike 2 years before. It is a collective and transformative process.
Since a few years, we saw many exchanges happening (from both sides). In 2012, Concordia joined the student strike and multiple associations affiliated to ASSÉ. Since the fall, an inter-departmental group “Solidarity Concordia” joined to raise awareness against austerity measures and in favour of a strike. At this date, at least 5 student association voted for a strike (either March the 23rd and/or April 2nd), summing about 4000 students. Another 10 000 will be voting soon. In Québec so far, approximately 80 000 students will be on strike across the province, including renewable general strike mandates or punctual strikes.
Role of the student strike
This is what leads us to the impact or importance of a student strike in Quebec. Even if I believe that strikes and direct action are the only way that we can have any real impact in relation to government decisions, I don’t think that the major force of a strike lies in its potential “gain”. It is more about the opening of possibilities that it creates, the gathering of people that exchange on the world and politicize themselves. It changes how we relate to and behave in the world. This leads us to another important question that is whether or not we should have demands. The development of the rhetoric of “social rights” comes from 19th century social movements and is linked to the creation of a “civil society”, which is defined by the domain of social life organized independently from the state. That implies a definition of society as a functioning whole, but is that really the case? Eric Wolf (2001) warned us about this use of an all-encompassing concept. Society is not a functioning whole. It is rather crossed by structural and hierarchical relations of power. The function of “demands” are then to create a compromise and to obtain and stabilize our privileges given by the state and “social peace”. However, as multiple subaltern studies scholars such as Chakrabarty have shown, the “we are all born equal” liberal citizen concept doesn’t exist. Hence, recognition, as Povinelli puts it (2011), is bracketed inside the structure of “late liberalism” and its lines of (in) tolerance and its social division and hierarchies. That means that it is always linked to the liberal dynamics of making live, making die and letting die, which unfolds dynamics of endurance and survival. So what if we didn’t want to contribute to the liberal society anymore? Could there be other ways of imagining our role and responsibilities towards others and other ways of conceptualizing the dynamics of reproduction of power and solidarities? The idea of “the commons” (Federici, 2011) seems to be a very insightful way of rethinking our relations to each other and to the state, rather than the “social” whose role in the end is to contribute to the reproduction of the liberal capitalist system.
Role of the intellectual and the anthropologist
So what is the role of intellectuals, anthropologists and sociologists? Should we contribute to society? A common answer would be yes: we want to have an impact, and we believe that the production of knowledge could enlighten people and change the world for the better, even in small bits. In anthropology, we like to put an emphasis on what people do rather than what people say they do. So I would like to turn back the focus and to “objectify the objectivator”, as Bourdieu (1984) would put it.
We are not born scholars, we become scholars (in a very painful process) hence the scholar we are is rooted in who we were (and still are) and our social position in the field, but also desires, aspiration, fears, and angers. Our political rationality or scientific interest are not merely rational and individual choices. Some say; “I am a scholar, I do my job, I do scholarly things”. This might be true, but we are not outside the world, we never were. Hence, we are not just scholars or students. We are horrified by extractivism, work conditions, structural oppression like sexism, racism (name it!), and this is what brought us to school in the first place, to understand. And then what, what are we doing, what is our role? The problem is that whatever knowledge or critique we can produce as academics and scholars, it’s going to be used to make the system more efficient (Boltanski & Chiapello, 1999). Capitalism is well-known for absorbing critiques in an utilitarist way. Just as it is engaged in a process of endless and exponential accumulation, it is engaged in a process of continuous amelioration. The thing is that time is not linear nor evolutionary, and that resources are not unlimited.
Juliah Oparah (2014), a scholar and one of Angela Davis’s comrades, tells us that we have to materially help and engage with activists and insurgents, and not just build ourselves careers on the back of those who puts their bodies at risk. The spectacle of violence and conflict is another kind of exoticism. Let’s take the example of Alain Bertho (2009) , a French sociologist who studies riots around the world through the internet, from the comfort of his office. That fascination for the end of the world and riots, that other called “réalisme catastrophile”, has risen up with the augmentation of discontent and uprisings in the 90s, in reaction with the increase of neoliberal policies. Are we voyeurs? Which side are we on? Are we going to be taking part in the action or are we just going to write about it? Riots do convey a message though with their symbolism, but they are not performances, they are an appeal.
Then yes, academics have a specific role and there is a value to the production of knowledge, and this takes time and care. But in the end, who are we benefitting? Who are we useful to? Who are we relating to? My intent here is not to make a call for a programmatic activist anthropology. I do suggest that scholars will have to put their hands in the dirt, and not just when and how they choose it, with carefully framed relations inscribed in their research design. The field is never ending, there are no boundaries in reality. Both what we consider “going on the field” and our “day to day” life informs and shapes the way we understand reality and what’s out there. And we will probably be more useful in our own communities if we decide to take an active role in it. That requires going out there, meeting people, making friends, entering in difficult social processes and sometimes making mistakes, but this is what we would do in the field anyway. That’s fascinating, because I am part of two communities that are constantly worried about being “outside of the world” and to be invisible to the ‘common mortals’. When did you ever stop being a common mortal? There is a movement of back and forth between theory and practice and theory is not always symbolic violence, when it is embodied it can be emancipatory. That means making time for this, because it is an impossible task if we stay in the “budget-time” (Bourdieu, 1984) structure defined for young graduate scholar and students. This time can be liberated by striking, but on a day to day basis, it could also be obtained by “slowing down” or even by leaving academia. However, we don’t need super-activists: those people are often more damageable than helpful because it doesn’t contribute to the creation of inclusive spaces. While struggling against capitalism and its effects, we should also try to deconstruct the capitalist socialization that forces us to be always more performant selves.
Conclusion: What can we hope for? Why are we doing this?
Povinelli (2011) says that hope is dangerous, and instead of hoping for a better future, we should get into the material world, with care, and try to do something. This is not something that can be thought, it is something that has to be lived. Strikes are not always easy, nor fun. They can be pretty dangerous: there are physical, affective and legal consequences. However, there are those small moments where you understand that you are not just a ‘ressource’ or a number, and that when joining with others, you can have a real political power. Whether it’s when you spend hours deciding on a motion in a general assembly and that you make it happen by picketing the classes so that you can go to a demonstration, or when you successfully unarrest-bizarre- a comrade at a demo… You leave the discursive realm of ideas and you realize that collectively you have an impact in the material world. This experience is life-changing, and I invite you to take part in this process in the weeks to come.
For more infos: grevesociale.info
– written by MT.
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REFERENCES
Bertho, A. (2009). Le temps des émeutes. Montrouge: Bayard.
Boltanski, L., & Chiapello, E. (1999). Le nouvel esprit du capitalisme. Paris: Gallimard.
Federici, S. (2011). Feminism and the Politics of the Commons. na. Retrieved from http://www.andandand.org/pdf/federici_feminism_politics_commons.pdf
Harvey, D. (2010). A companion to Marx’s Capital (Vol. 1). Verso Books.
Pierre Bourdieu. (1984). Homo Academicus. Paris: Éditions de Minuit.
Piotte, J.-M. (1977). Un syndicalisme de combat. Montréal: Editions A. St-Martin.
Piya Chatterjee, S. M. (Ed.). (2014). The Imperial University: Academic Repression and Scholarly Dissent. Minneapolis: University of Minnesota Press.
Povinelli, E. A. (2011). Economies of abandonment: social belonging and endurance in late liberalism. Duke University Press Durham, NC.
Rouillard, J. (2004). Le Syndicalisme Québécois. Montréal: Les Éditions du Boréal.
Wolf, E. R., & Silverman, S. (2001). Pathways of power building an anthropology of the modern world. Berkeley: University of California Press. Retrieved from http://site.ebrary.com/id/10057112
PEGIDA : racisme islamophobe et sexisme
by pwll on Mar.25, 2015, under féminisme, Général
Le samedi 28 mars PEGIDA Québec se réunira pour sa « Première action » à Montréal, en plein « Petit Maghreb ». PEGIDA est un mouvement d’origine allemande (Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes – Patriotes européens contre l’islamisation de l’occident) qui a inspiré un pendant québécois qui pue autant. Des deux côtés de l’océan, PEGIDA se nourrit au racisme et encourage la stigmatisation et l’exclusion des personnes musulmanes en utilisant un discours alarmiste qui oppose une civilisation occidentale supposément laïque, moderne et progressive contre l’imaginaire du musulman barbare dont les femmes sont toujours captives et violentées. Le mouvement PEGIDA est aussi porteur d’idées fascisantes. Par ces appels à l’imaginaire identitaire de la nation accompagnés d’un discours qui rejette et stigmatise les musulman-e-s, PEGIDA encourage le découpage de la société en différentes communautés qui ne devraient pas avoir les même droits.
Au niveau global, ces idées s’inscrivent dans une période où le militarisme occidental légitimise une guerre invisible contre le « terrorisme ». Guerre invisible pour nous, mais qui tue de manière impitoyable des milliers de personnes dont la majorité écrasante sont des civil-e-s. Guerre qui contribue également à la stigmatisation des personnes musulmanes qui vivent en occident. Ces idées se placent aussi dans un contexte de crise sociale et de politiques d’austérité ce qui augmente l’insécurité sociale et les tensions. Au Québec, le gouvernement libéral alimente les inégalités sociales déjà existantes pendant que certains partis politiques profitent du repli nationaliste identitaire pour lancer des appels populistes et irresponsables en participant activement à l’idée que les musulman-e-s sont dangereux. Ainsi, l’État participe à la construction du racisme et du sexisme ambiant en ciblant particulièrement les femmes dans la sphère publique (tout en prétendant « les aider à se libérer ») et en faisant des séparations constantes entre « eux » et « nous ».
L’islamophobie est le racisme qui vise les personnes de religion musulmane (où même des personnes « ayant l’air » musulmanes). Sous le couvert d’un attachement à l’égalité, à la liberté d’expression et à la laïcité, PEGIDA Québec, comme les autres mouvements PEGIDA en Europe, est un repère d’idées islamophobes qui ont des conséquences réelles graves pour les conditions de vie, l’autonomie, l’accès aux services, et la sécurité des musulman-e-s.
Quelques chiffres :
De janvier 2013 à octobre 2013 le Collectif Québécois Contre l’Islamophobie (CQCI) a reçu 142 plaintes pour des actes et des propos islamophobes au Québec. Sur ces 142 cas au moins 114 des victimes étaient de femmes.
Les femmes musulmanes représentent 84,4% des victimes d’actes islamophobes et les femmes portant le foulard représentent 77% des victimes d’agressions physiques ou verbales selon le rapport annuel de 2013 du Collectif contre l’islamophobie en France.
Une des conséquences très concrète de la montée de l’islamophobie sont ces agressions de femmes. Elles sont agressées pour deux raisons indissociables : parce qu’elles sont musulmanes et parce qu’elles sont des femmes. La montée de l’islamophobie banalise les violences vécues par les personnes de religion musulmane et banalise leur exclusion.
En tant que féministe, je pense qu’un outil important pour l’émancipation des femmes est la capacité à faire des choix et je crois que donner des choix aux femmes en misant sur l’égalité des chances dans la société (éducation accessible, emplois accessibles, logements accessibles, le choix d’avoir ou non des enfants, le choix de comment s’habiller, le choix d’avec qui on veut partager de l’intimité…) et beaucoup plus porteur d’une égalité que la pseudo laïcité violente que les islamophobes réclament.
Je refuse de toutes mes forces que des femmes subissent de la violence parce qu’elles sont des femmes et parce qu’elles sont musulmanes. Je suis en solidarité avec elles, avec leurs familles et leurs proches. Je refuse également que le féminisme serve à faire valoir des pensées fascisantes basées sur l’exclusion et la violence.
NON À PEGIDA, AU QUÉBEC ET PARTOUT AUTOUR DU MONDE! NON À L’ISLAMOPHOBIE!
À samedi tout le monde!
Rassemblement contre le racisme et l’islamophobie
Samedi 28 mars 15:30
Coin pie IX/Bélair