La Tomate noire

Le débat sur l’industrie du sexe : cette discussion qui fait fermer sa gueule

by on Jan.23, 2015, under Débats

T’aimerais ça que les filles s’organisent entre elles pour faire un poids sur le patron par rapport au service bar que tu dois payer pour travailler là, aux horaires de marde ou à propos de l’esti de bouncer cave qui taponne toutes les filles qui passent proche de lui. T’aimerais ça, mais depuis le temps, tu sais très bien ce que les filles vont te répondre : « Ben c’est ça la job bé, pis tsé on est mieux de pas faire de marde, c’est une bonne place ici quand même, on fait beaucoup d’argent ». Tu sais qu’elles vont alors commencer à raconter des histoires d’horreur sur d’autres places; où on leur a demandé ci ou ça pour rentrer, ou bien qu’elles ont dû débourser encore plus d’argent parce que «  le fils du boss a décidé que ». Tu sais qu’elles vont en rire et se fâcher, mais aussi se conseiller mutuellement sur « les meilleures places où travailler ». Tu sais aussi qu’à ces autres places ils ne manquent jamais de filles. Tu te dis donc que ces événements doivent arriver souvent. Dans ton club, les problèmes sont réglés par le patron de manière individuelle. Il est gentil le patron, il écoute les filles et des fois il leur donne même des drinks. Mais les conditions de travail ne changent jamais. Pis le criss de bouncer cave qui dit ben fort que les filles sont « des plottes » quand elles ne sont pas friendly avec lui, ben tu le sais qu’il va rester là et va rester aussi intimidant. C’est pas grave, passe de l’autre côté du bar.

T’as un jour pensé que s’il y a des groupes pro-TDS ça devait être les bonnes personnes pour t’informer à savoir quels sont tes droits par rapport au travail. Tu rêvais à des campagnes sur le volet santé et sécurité de ce travail spécifique, des campagnes pour que les filles aient accès à des assurances au travail et à des congés de maternité. Et là t’es déçue. T’es déçue parce que tu te rends compte que ce travail n’intéresse pas les groupes pro-TDS. Est-ce que c’est parce qu’il est légal? Mais c’est quand même du travail du sexe, ça fait quand même partie de l’industrie du sexe non? Pro-TDS ne veut-il pas dire « pro-travailleuse/travailleur du sexe »? Tu ne comprends pas pourquoi ce désintérêt envers un travail du sexe auquel participent tellement de filles. Tu pensais que, justement, parce que c’est légal il y aurait moyen de se servir du code du travail pour mener des luttes pour défendre les droits des travailleuses. Pourtant, tu constates que de s’occuper des conditions de travail des filles qui sont légalement dans l’industrie ne fait pas partie des intérêts des groupes pro-TDS qui veulent pourtant te faire comprendre que la légalisation de la prostitution est la clé de l’amélioration des conditions de travail de celles et ceux qui en vivent. C’est là que tu as commencé à lire « pro-travail du sexe » à la place de « pro-travailleuse/travailleur du sexe » quand tu lis pro-TDS et ta petite voix sarcastique dans ta tête te dit qu’elles devraient changer de nom parce qu’il y a des pans entier de l’industrie du sexe, juste sous leur nez, dans la même ville dont on ne se soucie pas. Des filles qui sont à la fois invisibles et actives. Tu ne leur en veux pas trop parce que tu sais que la mobilisation doit commencer à l’interne. Toutefois, tu leur en veux parce qu’elles ont presque complètement monopolisé le discours de « ce qu’est la réalité d’une personne dans l’industrie ». Tu leur en veux parce qu’elles invisibilisent ta réalité. Les expériences des filles qui sont déjà dans la légalité ne les intéressent pas et la légitimité qu’elles bâtissent, elles la bâtissent aussi sur ton dos. Leur légitimité, qu’elles ne veulent pas partager, mais avec laquelle elles te dominent complètement, te forcent au silence. Tu trouves ça très particulier que des « pro-TDS » (que tu mets entre parenthèse maintenant parce que tu sais qu’elles ne t’incluent pas) puissent publiquement se plaindre qu’elles sont incomprises et se faire publiquement remonter le moral pendant que toi tu ne peux même pas raconter ton vécu en public comme ça.

Tu fermes ta gueule, tu baisses la tête et tu te sens seule.

Tu penses que ton milieu serait dur à mobiliser parce que les filles sont plutôt nomades et parce que pour beaucoup d’entre elles, il n’est pas question de faire savoir publiquement qu’elles font ce travail. Tu te rappelles bien quand ton club est devenu contact, quand les filles en parlaient en se changeant, abattues et déprimées, une d’entre elles a dit : « on devrait faire de quoi! On devrait faire une manifestation! ». Elle s’est fait répondre avec un sourire découragé « ce n’est pas les manifestations qui vont payer mon hypothèque, pis on n’est pas obligées de travailler contact, on peut changer de place. Mais si ce n’est pas toi qui le fait ça va être une autre, pis c’est une autre qui va faire l’argent que t’aurais pu faire ». Une autre fille rit et du fond du vestiaire dit : « come on bé! Tu veux qu’on fasse des manifestations anonymes? ». Toi t’as rien dit, t’étais occupée à être en tabarnak parce que le bouncer cave a osé ajouter « ben si vous aviez été plus gentilles avec les clients le boss aurait pas été obligé de mettre ça contact ». T’étais occupée à écouter l’amie en état de choc qui disait « ça fait 10 ans que je suis ici pis y’ont même pas assez de considération pour nous le dire plus que 2 semaines à l’avance?! Criss quessé que je suis supposée faire?! ».

Au jour le jour, il y a rarement des drames. Les filles sont habituées de prendre soin d’elles seules. Elles se conseillent entre elles « moi je fais pu d’acrobaties sur le stage, comment je gagne mon argent si je me pète une jambe?  – Ah, tu vois moi c’est pour ça que je porte juste des bottes comme ça ma cheville tient pis bonus, je ne suis même pas obligée de me raser tous les jours! », Elles s’échangent des trucs et des rires. Tu sais que c’est une « bonne place » pour travailler parce que celles qui sont le plus nomades te le disent en ajoutant qu’ « ici c’est des filles qui ont de la classe, pas des filles pimpées qui font de la gaffe dans les isoloirs ». Tu les crois parce que toi t’es jamais vraiment allée ailleurs et tu notes la hiérarchie dans les mots. Une hiérarchie qui ne te plaît pas. Tu sais très bien que pour que toi tu aies le privilège de travailler « dans une bonne place », c’est parce que d’autres filles ailleurs n’ont pas ce privilège. Tu sais que tu es en haut d’une pyramide où les échelons les plus bas se font pas mal plus chier que toi.

Ici t’as des hauts et des bas, mais tu connais tout le staff et le patron qui sont gentils avec toi. Pourtant, le patron, tu l’as déjà vu donner un coup de pied à un itinérant pendant que tu fumais dehors. Alors qu’il est agréable et poli avec toi, tu sais que tu ne dois jamais mentionner ça. Ici, les filles sont gentilles avec toi et tu t’es fait des amies. Assurément, toutes tes amies sont différentes. Certaines vont à l’école ou d’autres ont un travail dans la journée, « une vraie job ». D’autres, sont des mères célibataires qui se disent très contentes d’avoir un travail qui leur permet de s’occuper de leurs enfants de tous âges. Tu constates que certaines d’entre elles ne veulent pas qu’on les associe à ce travail, si on peut le qualifier ainsi, même si les chums, les blondes, les parents ou les enfants savent ce qu’elles font dans les nuits torrides de Montréal. Il est évident qu’elles ne veulent pas que leur expérience, dans l’industrie du sexe, soit connue dans une autre « vraie job » ou à l’école. Pouvons-nous les blâmer ? Elles sont entièrement conscientes de la stigmatisation et des préjugés qui les caractérisent, à l’extérieur du club ou dans leur ou dans la société en général. N’ont-elles pas raison de se protéger, car aucun droit ne leur y est attribué et reconnu ? Seuls leurs « vrais » noms les protègent et encore. Tu trouves ça triste et aberrant.

D’autres amies sont contentes que leur job soit complètement liée à leur mode de vie. Elles font de la promo pour le club, sont dans les rues quand c’est le temps du Grand Prix et disent ouvertement que c’est leur travail dans la vie de tous les jours. Elles te font vivre beaucoup d’émotions avec leurs histoires folles d’amoureux riches qui les font voyager partout dans le monde dans des grands hôtels de luxe en les couvrant de bijoux, pour les flusher trois mois plus tard parce que dans le fond, ils ont une blonde et elle vient d’accoucher.

Il y a aussi d’autres amies qui sont privilégiées de travailler dans ce club, mais dont la couleur de peau devient un obstacle dans ce contexte. On pourrait croire que l’industrie du sexe utilise une palette de filles pour le goût et le choix des clients, mais c’est tout à fait le contraire. Ta meilleure amie est noire et ne s’arrête pas à ça. C’est plus une problématique pour la majorité des patrons. Pourquoi ? Parce qu’ils disent que « les clients aiment pas quand y’a trop de noires ». Parce qu’ils se disent qu’ils connaissent le choix des clients et aussi que certaines filles noires dans le club pourraient se plaindre du nombre. C’est-à-dire qu’il y a un « nombre juste » de filles de couleur dans un univers où ton horaire ne dépend pas juste de tes disponibilités, mais de « ça serait mieux que tu rentres jeudi y’a pas de noires ». Dans le même ordre d’idées, dans certaines agences de placement (i.e. escortes ou danseuses), les agents disent de certains clubs qu’« ils n’engagent pas de noires à cette place-là ». En vérité, on ne limite jamais le stéréotype de la fille blanche, aux yeux bleus et au cheveux blonds, et surtout, très mince. En un mot, c’est du racisme.

Tu le vis comme un travail parce que pour une partie du temps que tu passes à cet endroit tu reviens avec de l’argent. C’est comme un travail, il y a des hauts et des bas. Un patron, d’autres gens qui travaillent, un espace physique connu, t’as même une petite case où mettre tes choses. T’as des collègues : tes amies, des bonnes connaissances, celles avec lesquelles tu n’as que de maladroites tentatives de conversations et celles que tu n’aimes pas. Tu le vis comme un travail.

C’est à des moments particuliers que tu ne te sens plus dans un travail. Comme quand le patron dit que les clients n’aiment pas quand il y « a trop de noires ». Ça cloche parce que tu sais que dans n’importe quel autre travail dire ça aurait été impensable, mais ici, parce que c’est le corps de la fille qui est loué, il devient compréhensible que le patron parle des « goûts » des clients, même s’il y ajoute un racisme crasse. Comme quand tu jases avec une collègue et qu’elle dit, de manière très sincère et empathique, en montrant une autre fille : « Une chance que cette job-là existe pour des filles comme elle. Elle pourrait rien faire d’autre, là au moins elle peut travailler » et que les gens autour hochent unanimement la tête en signe d’accord. Comme quand des clients rechignent à te payer en te disant que les filles à d’autres places font des prix ou qu’ils pensent faire leurs big shots en disant « pour ce prix-là j’aurais eu une Dominicaine pour une semaine! ». Comme quand tu te retrouves face à une table de jeune filles mineures qui « sortent en ville » et, toutes émerveillées, te disent qu’elles aimeraient bien faire ça plus tard, tout en se moquant de la seule qui semble réticente à l’imaginer dans son plan de carrière. Ce sont de petites choses, de petits moments qui te laissent un goût amer en revenant de travailler. Des choses graves arrivent aussi. De la violence physique et des insultes. À chaque fois qu’un truc brasse beaucoup une fille, le patron l’écoute ventiler dans son bureau, lui offre même un drink, ou la laisse repartir à la maison. Mais étrangement, ce ne sont pas les trucs graves qui te font le plus voir que quelque chose cloche dans ce travail. Ce sont ces petits moments, ces petits riens qui sont supposés faire partie de la job.

Les trucs graves ne sont pas supposés arriver. Quand ça arrive les gens sont empathiques et les filles considèrent l’événement comme un incident. Par contre, la copine qui est obligée de dire au téléphone qu’elle est noire en appelant dans une nouvelle place pour se faire booker, ça fait partie de la job. Entendre des gens penser que c’est la seule job que certaines filles peuvent avoir, ça fait partie de la job. Entendre des clients faires des jokes d’inceste quand tu leur dis que tu as une fille ado, ça fait partie de la job. Savoir que d’autres filles, ailleurs, font ben plus en faisant ben moins d’argent, juste parce que toi t’as le privilège d’être à une bonne place, ça fait partie de la job. Endurer le staff masculin « taquiner les filles » en disant qu’elles sont « jalouses parce qu’elles s’en viennent vieilles » juste parce qu’elles sont dérangées par le fait que la dernière à être rentrée a le physique d’une jeune fille pré-pubère, ça fait partie de la job. Être obligée de payer des montants considérables juste pour pouvoir essayer de faire de l’argent, ça fait partie de la job. Se faire chier par l’escouade de la moralité de la police qui vient au club une fois de temps en temps pour « s’assurer qu’il n’y a pas de mineures », c’est-à-dire noter les identités des filles et parler d’elles à la troisième personne en faisant des commentaires déplaisants pendant qu’elles sont dans leur face, ça fait partie de la job.

Quand tu te fais frapper, humilier, lancer ton argent par terre en te faisant traiter de bitch, quand tu te fais voler de l’argent ou que tu te fais droguer, ce n’est pas supposé faire partie de la job. Ça arrive quand même. Tu sais que ça doit vous arriver aux amies et à toi bien plus souvent qu’aux caissières du Super C, mais ça reste des incidents isolés. Personne ne trouve ça normal ou correct, même le bouncer cave. Se remettre de ce qui n’est pas supposé arriver te semble beaucoup plus facile que d’effacer le sentiment que te donne tout ce qui fait partie de la job. Quand le client te vole de l’argent en ne te payant pas, tout le monde est gentil avec toi, te console et t’écoute. Quand le client admet qu’il est un peu mal à l’aise avec le concept de payer une fille qui ne l’a pas choisi, en plus d’avoir à dire à d’autres filles qu’il ne les veut pas, qu’il se fait répondre « c’est comme des légumes à l’épicerie, les tomates ne vont pas chialer si t’aimes mieux les concombres » et que ça te dérange, personne ne te console et ne t’écoute.

Tu sens que l’expérience de travail est différente de toutes les autres jobs que t’as faites, même si t’as un horaire stable, un gentil patron et des super collègues. Tu as envie de nouer des liens avec des groupes qui eux aussi trouvent que cette industrie n’est pas émancipatrice, même si l’argent que tu fais de manière autonome peut t’émanciper. Tu regardes les groupes abolitionnistes réglementaristes et tu comprends leur existence. Tu comprends leur existence et tu la trouves importante parce qu’en tant que privilégiée dans l’industrie tu en vois des poquées, des filles qui n’ont pas le choix, qui ont peur, qui consomment trop « parce que sinon chu pas capable d’endurer les esti de clients! ». Tu sais que des filles doivent donner leur argent à la fin de la nuit et tu ne sais pas trop quoi leur dire quand elles pleurent dans le vestiaire en panique parce que « shit j’ai déchiré mon costume neuf, mon chum va capoter il ne voudra pas m’en acheter un autre! », quand tu sais très bien qu’elles font plusieurs centaines de dollars à chaque nuit. Mais ces filles-là ne sont pas tes amies, tu ne sais jamais trop quoi leur dire et de toute façon elles ne restent jamais longtemps. Toi, tu es privilégiée. Toi, le patron trouve que t’es une bonne fille et tes amies aussi sont considérées comme des bonnes filles. Toi, ton argent il t’émancipe, il ne t’enchaîne pas. C’est pour ça que même si tu n’as pas envie de rejoindre les groupes abolitionnistes réglementaristes, tu penses qu’ils sont essentiels. Ils pointent le truc qui cloche dans ce que tu constates de ton expérience. Ils font les liens entre tout ce qui cloche et montrent un tableau d’ensemble. Tu es d’accord avec ces groupes, mais tu ne t’y sens pas à ta place. Tu es contente qu’ils existent mais tu n’es pas d’accord avec la voie légaliste. D’ailleurs, pro-TDS réglementaristes ou abolo réglementaristes, tu en as plein le cul qu’on te dise que la réponse est dans les lois. Toi tu penses que la réponse est dans la solidarité des travailleuses/travailleurs de l’industrie l’un/e envers les autres. Toi tu penses que la réponse est dans l’acceptation de la diversité des expériences et le fait d’ouvrir les yeux sur la pyramide des privilèges des gens qui y sont. Toi tu penses que l’amélioration des conditions de travail de ce milieu-là passe par le rapport de force contre les patrons, pas en devenant des patrons.

Avec les gens de gauche tu te sens seule parce que sur le sujet de l’industrie du sexe, il n’y a qu’un seul mantra qui est accepté « les pro-TDS savent de quoi elles parlent! C’est leur job!». Tu fermes donc ta gueule en buvant ta dernière bière. C’est ta dernière bière parce que t’as pu envie d’être là. Tu trouves ça excessivement violent que des gens te disent, en se servant d’expériences d’autres personnes, que ton expérience est invalide, que tes observations sont de la marde. Tu sais que tu n’as aucune légitimité parce que toi tu ne peux pas t’afficher publiquement. Tu es déçue de voir des gens d’habitude critiques, faire un amalgame grossier entre sexe-positif et industrie du sexe. Tu ravales, tu fermes ta gueule et tu quittes ces espaces.

Avec les féministes tu te sens seule pour les mêmes raisons. En plus ça te fait doublement mal parce que tu penses toujours que les espaces féministes vont te laisser respirer un peu. Tu penses toujours que les espaces féministes vont être plus sensibles au fait qu’une majorité écrasante de filles dans l’industrie, du côté réglementé ou non, ne peuvent pas s’afficher publiquement. Tu penses que les féministes d’une grande ville comme la tienne, où l’industrie du sexe est florissante, vont être capables d’avoir la sensibilité de penser que statistiquement, si une travailleuse pro-TDS se trouve dans leur espace, d’autres qui ne peuvent pas s’afficher sont aussi présentes.

Mais ça n’arrive pas. Ça n’arrive jamais.
Tu ravales donc, tu baisses la tête et tu fermes ta gueule.
Et tu te trouves dont niaiseuse de leur avoir fait confiance à ces féministes.

Puis, tu prends sur toi. Tu relèves la tête et tu trouves la force de réaffirmer (à toi-même vu que ça n’intéresse personne d’autre) que NON, personne ne te forcera à t’afficher publiquement avec ton expérience, tu ne céderas pas à cette violence. OUI ton expérience et ton vécu sont quand même valides même si tu ne peux pas les afficher dans l’espace public. NON tu ne te laisseras pas mener par cette fausse idée de la réglementation comme celle d’une recette magique. NON te ne feras pas partie de ces gens qui pensent que t’es « avec ou contre eux ». OUI tu vas continuer à parler de l’expérience de la légalité de cette industrie. Tu veux le faire pour toi, mais aussi pour désinvisibiliser les expériences de toutes ces filles, ces amies. Vous toutes, rendues muettes par des gens qui monopolisent la parole et les expériences. Tu vas continuer à nouer des liens avec d’autres filles comme toi. Elles existent, tu en rencontre de plus en plus. Elle viennent te voir en privé sur les réseaux sociaux pour te remercier de ce que t’as commenté, elles t’approchent discrètement juste avant de partir d’un party pour te remercier d’avoir tenu ton bout contre la personne qui commençait toutes ses phrases en disant « moi je connais une travailleuse du sexe et elle dit que c’est une job normale ».

Et ça te fait sentir plus forte contre tous/tes ces gauchistes, ces féministes, ces conservateurs, ces étatistes, ces légalistes, ces insensibles, ces clients et ces patrons.

Et là, tu te sens moins seule.

Deux filles de l’industrie, dont l’une qui remercie sa meilleure amie pour tout et plus encore.

2 Comments :, , , , , , , , more...

Lorsque poser des questions devient un crime de la pensée

by on Jan.19, 2015, under Général

Les attentats commis en France dernièrement doivent être remis dans leur contexte plus large, soit leur contexte historique et politique. Autrement, on tombe vite dans le discours officiel simpliste qui voudrait que des «fous de Dieu» aient attaqué la République et notre liberté d’expression. Un peu comme dans Star Wars, une telle analyse place l’Occident du côté des gentils et les groupes terroristes combattant au nom de l’Islam du côté des méchants. Un peu comme le fait Marc-Andé Cyr[1] dans un article paru dans le Voir il y a quelques temps, j’aimerais ici revenir sur le rôle de l’Occident quant à la montée de ces groupes terroristes que nos dirigeants sont supposés combattre aujourd’hui. J’admets cependant aller un peu plus loin que ce dernier vers la fin de mon billet. En effet, je me réserve le droit de remettre en question la version officielle des évènements tels qu’ils nous ont été rapportés par les médias de masse, qui eux ne font que reprendre les informations fournies par les autorités en place. Alors que ce droit de soulever des questions est menacé en ce moment, il est impératif que ceux et celles qui ont des doutes par rapport à ce qui nous est dit puissent s’exprimer librement.

Tout d’abord, selon les propres dires d’Hilary Clinton, les États-Unis sont responsables de la création d’Al-Qaïda : http://youtu.be/Dqn0bm4E9yw.
Officiellement, le but était donc de repousser l’U.R.S.S. d’Afghanistan, mais un des principaux adjoints du Président Carter nous apprend au cours d’une entrevue que l’appui des États-Unis aux moudjahidines précède l’invasion de l’Afghanistan, invasion qui était donc désirée pour des motifs stratégiques [2]. Brzezinski y est très clair et considère que la chute de l’U.R.S.S. et la fin de la guerre froide étaient des objectifs plus importants aux yeux de l’Histoire que la montée en puissance de «quelques terroristes musulmans». Ces derniers devaient nous hanter le 11 septembre 2001, qui marque le début de la guerre contre le terrorisme, une guerre qui semble sans fin et qui ne semble pas déplaire à l’élite. Les États-Unis devaient par la suite envahir l’Afghanistan pour renverser les dirigeants qu’ils avaient contribué à amener au pouvoir puis deux années après venait le tour de l’Irak, bien qu’aucun lien avec le 11 septembre n’ait jamais été démontré. On n’y trouvera jamais non plus ces fameuses armes de destruction massive, principal prétexte mis de l’avant pour bombarder et envahir l’Irak en 2003.

Les choses ne s’améliorent pas lorsque l’on regarde du côté d’ISIS et de ses origines. De l’aveu même d’un ex haut gradé de l’armée américaine, l’Occident a contribué à la fondation d’ISIS en fournissant des armes à certains «rebelles» en Lybie pour renverser Kadhafi et en Syrie dans le but de combattre Assad : https://www.youtube.com/watch?v=Z_zf7GPQqxU. Encore une fois, on défend l’indéfendable sous prétexte que la fin justifie les moyens. Il n’est pas clair non plus que l’Occident ne supplémente plus ISIS en armes, si l’on se fie à certaines vidéos qui nous ont été rapportés : https://www.youtube.com/watch?v=gJlF7usHNss. La majorité n’y verra que de l’incompétence, mais plus on se demande à qui profite le terrorisme, plus il nous est permis d’en douter.

En effet, le délire sécuritaire qui suit les attentats[3] était prévisible et on peut penser qu’il était désiré depuis longtemps par l’élite. Maintenant que la France a subi des attaques sur son territoire, qui osera remettre en question le projet de loi antiterroriste adopté cet été par la France[4] ? Une chasse aux sorcières est lancée et toute personne qui ne se reconnaît pas dans ce nous que nos dirigeants veulent nous imposer est susceptible d’être traquée : https://www.youtube.com/watch?v=qc03SlaK_KA. On nous dit que la gauche doit accepter la militarisation de la police et ce n’est pas différent de ce côté ci de l’Atlantique : https://www.youtube.com/watch?v=nwbB–Uiw3Q .

Ce qui est plus difficile encore pour la population, en dehors de situer les évènements dans leur contexte plus large et avec plus de recul, c’est de remettre en question la version officielle des attentats, version fournie par les autorités en place et relayée par les médias de masse sans filtre critique. Si j’ai utilisé des sources officielles dans mon billet, ce n’est pas parce qu’on doit toujours s’y fier, mais bien parce que les gens accordent encore aujourd’hui plus de poids aux autorités «compétentes». Bien sûr, il arrive à celles-ci d’admettre certains faits où elles paraissent mal, mais c’est souvent des années après les évènements où celles-ci nous fourniront des informations qu’elles contestaient encore la veille. Sur le coup, elles nieront en bloc les informations provenant des médias alternatifs et de sources jugées moins crédibles et le public sera passé à autre chose quand il sera devenu inutile de cacher la vérité plus longtemps.

Revenons maintenant sur les évènements des dernières semaines. Ainsi donc, on nous rapporte que les terroristes auraient laissé derrière eux une carte d’identité, bien que tout le reste de l’opération ait été exécutée de manière très professionnelle :https://www.youtube.com/watch?v=dTRaRdtS0Wo. Ce n’est pas sans rappeler les passeports qui avaient été retrouvés à la suite des attentats du 11 septembre 2001, ceux-ci semblant encore plus résistants que les boîtes noires des appareils. Dans les deux cas, les «preuves» nous ont été présentées, alors que l’émotion et le choc ne s’était pas dissipée parmi la population. Celle-ci ne s’est pas arrêtée sur les détails de la trame narrative des évènements et ne semblait pas en mesure de relever les éléments plus suspects qui nous ont été présentés comme étant des faits avérés.

De plus, les médias de masse se sont peu arrêtés sur le cas d’un des suspects qui s’est remis lui-même à la police après avoir vu circuler son nom à la télé, disant avoir des alibis en béton. Celui-ci sera relâché peu de temps après, son innocence ne faisant plus aucun doute [5].Si une erreur de la sorte a pu être commise en ce qui concerne ce suspect, la République a-t-elle véritablement abattu les bons hommes? Il n’y aura pas de procès, donc ces derniers ne pourront ni se défendre, ni nous livrer leur version des faits. La population voulait des noms et des coupables. Les autorités leur en ont fourni en peu de temps, la question de leur innocence possible étant reléguée aux oubliettes.

Autre fait troublant peu mentionné par les médias, un enquêteur qui était penché sur cette affaire s’est suicidé lors de la rédaction de son rapport[6]. Celui-ci pourrait bien être tombé sur des éléments incriminant des gens qui préfèrent rester dans l’ombre. Tout ce qui ne s’emboîte pas parfaitement dans la trame narrative officielle est laissé de côté et seul-e-s des débiles oseront évoquer ce qui n’est pas largement diffusé par les médias de masse. C’est du moins la perception la plus répandue parmi le public. Le public ignore à quel point l’Occident est lui-même mêlé au financement et à l’armement de groupes terroristes et je pense que ce rôle ne s’arrête pas là. Les hommes qui sont désormais morts n’ont pas forcément agi seuls. Qui nous dit que les services secrets ne sont pas aussi dans le coup, les trois hommes abattus n’étant destinés qu’à prendre le blâme en lieu et place des autres coupables? L’hypothèse que ces derniers n’ont rien ou peu à voir avec les évènements tragiques qu’a connus la France ne peut être rejetée pour le moment. Pas si nous tenons à y voir plus clair dans ce qui s’est passé. Puis même s’il devait s’avérer exact que ceux-ci s’identifiaient à des groupes terroristes, cela ne veut pas dire qu’ils ont fait le coup de A à Z comme le laisse entendre la version rapportée par les médias de masse.

Et si la gauche se contente de retourner dans le passé des deux suspects pour pointer du doigt l’exclusion et la pauvreté pour expliquer ce qui a poussé ces trois hommes à agir, elle les condamne tout de même du même coup. Elle accepte également la version officielle des évènements, ne faisant que remplacer l’image des «fous de Dieu» par celle d’exclus de la société. Il est évident que nous devons lutter contre la pauvreté et l’exclusion, mais rien nous dit que cette histoire ne se résume qu’à cela. S’il est encore trop tôt pour blâmer les services secrets français d’être mêlés à tout ça, pourquoi ne serait-il pas aussi trop tôt pour condamner les frères Kouachi et Coulibaly?

Une chose est sûre à mon sens, ce ne sont certainement pas les musulmans et musulmanes qui bénéficieront de ces attaques, mais bien nos dirigeant-e-s, si prompt-e-s ici à se porter au secours de la liberté d’expression, eux et elles qui sont généralement silencieux et silencieuses en ce qui concerne nos droits à longueur d’année.

Je sympathise bien sûr avec les victimes de l’attentat, mais l’émotion ne devrait pas nous empêcher de réfléchir.
____________________________________________________________________________________________________________________
1 http://voir.ca/marc-andre-cyr/?p=433&preview=true&preview_id=433
2 http://www.liveleak.com/view?i=a13_1240427874
3 http://www.reuters.com/article/2015/01/12/us-france-shooting-idUSKBN0KK05S20150112
4 http://www.hrw.org/fr/news/2014/10/10/france-le-projet-de-loi-antiterroriste-constitue-une-menace-pour-les-droits-humains
5 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1304429-hamyd-mourad-associe-a-la-tuerie-de-charlie-hebdo-le-fail-d-une-presse-irresponsable.html
6 http://21stcenturywire.com/2015/01/10/new-twist-charlie-hebdo-lead-investigator-turns-up-dead-suicided/.

Commentaires fermés sur Lorsque poser des questions devient un crime de la pensée more...

L’itinérance n’est qu’un des nombreux symptômes d’une maladie pernicieuse

by on Déc.14, 2014, under Général

La lutte contre l’itinérance n’est pas la cause la plus sexy à défendre et peu de militantEs y consacrent leur temps. Il me semble que c’est un sujet peu abordé dans le milieu anarchiste, plus enclin à se pencher sur les luttes syndicales et les conflits de travail. Il existe différents comités de logement à travers la ville de Montréal, mais la question de l’itinérance n’est pas forcément abordée de front. Le Québec est désormais doté d’une politique nationale en itinérance depuis le début de l’année 2014 et on peut remercier les groupes communautaires de s’être mobilisés autour de cette question pendant des années. Cela dit, ça ne veut pas dire qu’il y aura assez de sous et de ressources pour contrer la montée de l’itinérance en milieu urbain, surtout en période d’austérité. Avec les récentes mesures annoncées par le gouvernement du Québec, on peut craindre le pire quant à cette problématique, comme pour bien d’autres. Par exemple, certaines jeunes femmes pourraient être tentées de se tourner davantage vers la prostitution, alors que d’autres individus iront vers le vol à l’étalage, si ce n’est pas le vol à main armée ou l’invasion de domiciles. Un contexte économique difficile engendre forcément un contexte social difficile.

L’itinérance n’est que le symptôme d’un système qui est profondément malade et non pas la maladie en soi. Des logements aux coûts qui grimpent sans cesse, un marché du travail de plus en plus difficile et les salaires qui ne suivent pas l’inflation, tout ça fait en sorte qu’on se retrouve avec plus d’itinérantEs. Dans un contexte d’austérité où l’on coupe un peu partout dans les services offerts à la population, je vois mal comment le gouvernement pourrait lutter efficacement pour contrer l’itinérance, politique nationale ou pas. Clairement, cet enjeu ne fait pas partie des priorités du gouvernement actuel, ni des précédents.

L’État-providence ne fut qu’un mirage qui a endormi les syndicats et le reste de la société civile. Les acquis d’hier sont réduits en miettes aujourd’hui et le capitalisme «à visage humain» cède sa place au capitalisme sauvage. On doit s’attendre à une montée du chômage, à une nouvelle récession et malheureusement, à plus d’itinérantEs dans nos rues. L’arrivée de l’hiver sera très dure pour plusieurs Québécois et Québécoises puis comme le capitalisme est un système international, le même fléau fera des ravages dans plusieurs villes du monde.

Peu importe la cause qui nous tient à cœur, on doit regarder l’ensemble du portrait pour comprendre comment trouver une solution à notre problème. L’itinérance ne fait pas exception à cette vision des choses. Il est difficile voire impossible à mon sens de combattre l’itinérance sans combattre le capitalisme. Nos politiciens et politiciennes font semblant de se préoccuper de la question de l’itinérance (Denis Coderre est allé faire son tour à la Nuit des sans-abri il y a quelques semaines), mais qu’en est-il réellement? Tout ça me semble n’être que de la poudre aux yeux et je vois très mal comment on pourrait changer les choses de l’intérieur. Voilà aussi pourquoi je suis anarchiste. Une véritable démocratie ne laisserait pas ses citoyens et citoyennes crever dans les rues. Une véritable démocratie veillerait à la redistribution de la richesse parmi la population et voilà pourquoi ceux et celles qui nous dirigent ne sont pas de réels démocrates. Leurs paroles ne sont que du vent, les gestes ne viendront jamais avec eux. Ils et elles travaillent pour leurs maîtres pendant que la population cautionne le tout dans l’isoloir. Remarquez cependant que les gens se déplacent de moins en moins le jour de la mascarade et que le vent est peut-être en train de tourner.

J’applaudis le travail acharné des groupes communautaires, mais si nous voulons régler le problème de l’itinérance, nous avons besoin de rien de moins qu’une révolution. Autrement, on n’avancera pas et on ne fera qu’apposer un diachylon sur une plaie béante, un peu comme le problème de la prostitution, qu’on ne peut régler à coups de lois au sein du système capitaliste.

Je suggère donc ici à la population de changer de remède.

Commentaires fermés sur L’itinérance n’est qu’un des nombreux symptômes d’une maladie pernicieuse more...

Lire Malatesta. Pensées sur les tactiques, la violence et la révolution – Reading Malatesta. Thoughts on tactics, violence and revolution

by on Déc.09, 2014, under anarchie

kalicha_phoca_thumb_l_zerbrochenes-gewehr

Par: Sebastian Kalicha
Traduction: pwll

-English version below-

Errico Malatesta (1853 – 1932) est un de ces anarchistes du 19e/20e siècle que nous lisons en constatant que les problèmes auxquels les anarchistes font face aujourd’hui n’ont pas vraiment changés depuis cette époque. Malatesta discutait de problèmes et d’idées qui sont vraiment pertinentes pour le mouvement anarchiste contemporain, comme les questions de tactiques et d’organisation. Ainsi, il ne devrait pas être traité comme un “vieux barbu” sans pertinence (que quelques anarchistes contemporains déclarent sans pertinence dans une tentative désastreuse de mettre de côté leur propre histoire), mais devrait être lu et discuté de manière critique.

L’anarchisme de Malatesta peut grossièrement être décrit comme situé quelque part entre le collectivisme de Bakounine et l’approche communiste de Kropotkine. Il était situé tant dans les tendances anarchistes “classiques”, qu’entre-elles. Malatesta rejetait l’anarchisme individualiste, hésitait à clairement s’aligner avec l’anarcho-syndicalisme – affirmant que les syndicats avaient toujours tendance à être réformistes, pas révolutionnaires – et a eu sa part de problèmes avec des parties du courant anarcho-communiste – notamment les plateformistes, dont il pensait que la structure organisationnelle était trop rigide. Il voulait un mouvement anarchiste qui soit un mouvement de la classe ouvrière, un mouvement de masse. Ni crypto-élitiste, de culture clandestine (comme Bakounine l’envisageait des fois ), ni une potentiellement condescendante “avant-garde”.

Malatesta, la guerre et le “Ravacholisme”

Un thème aussi historiquement important que pertinent aujourd’hui est l’idée de Malatesta par rapport aux tactiques (i.e. la question de la violence). Encore ici, nous retrouvons Malatesta entre différentes approches, sans spécifiquement en adopter une. Avant de parler de tactiques, de révolution, de violence et de non-violence, il doit être mentionné que Malatesta est un des anarchistes qui, de manière passionnée et publique, a confronté le (petit) groupe d’anarchistes qui supporta l’Entente durant la Première Guerre mondiale. Le fameux Manifeste des seize, pro-guerre et signé par des anarchistes comme Peter Kropotkine et Jean Grave, qui a mené à un désaccord dans le mouvement anarchiste avec des gens comme Emma Goldman, Rudolf Rocker, Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Lilian Wolfe et Alexander Berkman qui argumentaient contre les “anarchistes pro-guerre”.

Malatesta était aussi en complète opposition avec la dite “propagande par le fait”, i.e., contre les anarchistes qui pensaient gagner les masses à des causes révolutionnaires par des assassinats, des attentats et des bombes qui viseraient les représentants haïs du système oppressif. À ce moment, Malatesta connaissait déjà la toxicité de ces tactiques pour le mouvement anarchiste et à quel point cela était contre-productif pour tout ce pourquoi les anarchistes luttent. Il a une fois décrit comme un de ses meilleurs souvenir l’échec du phénomène anarchiste de courte durée qu’il appelait le “Ravacholisme”.

Malatesta et la violence

Malatesta avait des idées contradictoires en ce qui touchait à la violence et le rôle qu’elle devait jouer dans l’action anarchiste, ou idéalement dans la révolution. D’un côté, il était très clair dans son avertissement aux anarchistes sur les conséquences destructives que la violence peut avoir – et a toujours eu – et à quel point cela est incompatible avec l’idéal anarchiste. D’un autre côté, il ne préconisait rien de moins que la lutte armée comme moyen d’une révolution victorieuse. Il voulait armer la classe ouvrière en entier (en comparaison avec un petit groupe pratiquant la guérilla armée), afin que les travailleurs-euses puissent renverser la bourgeoisie par la force. C’est paradoxal: d’un côté Malatesta sonne comme un fidèle anarcho-pacifiste non violent, qui est capable d’expliquer de manière très convaincante pourquoi la violence est un outil oppressif et réactionnaire qui trahit et travaille contre le but anarchiste d’une société libre, progressiste et non-répressive; de l’autre côté, sa conclusion n’est pas de renoncer à la violence comme un moyen révolutionnaire, mais de préconiser l’inverse: la lutte armée. Il n’est jamais venu à la même conclusion que l’anarchiste néerlandais Bart de Ligt qui disait: plus il y a de violence, moins il y a de révolution.

Les moyens et les fins

Nous discutons ici du principe central à la théorie et la praxis anarchiste: la relation entre les fins et les moyens. Les anarchistes ont toujours su que les moyens déterminent et définissent les fins. Si les moyens sont répressifs, violents et réactionnaires, la fin ne sera rien d’autre. Les anarchistes, incluant Malatesta, prennent cette règle très au sérieux, notamment dans leur querelle avec les marxistes; ils savent bien que l’État ne va pas s’évanouir tranquillement, mais qu’il doit être renversé complètement immédiatement, sinon il ne va jamais disparaître. Il savent que si les révolutionnaires utilisaient des moyens répressifs comme l’État, la révolution ne va pas finir en une société non répressive, libre et sans État. Il est intéressant de noter que la question de la violence a toujours été la grosse “exception” dans cette relation entre moyens et fins. Malatesta a très clairement exprimé que le but pour lequel il luttait était celui d’une société en paix, non violente et libre. Il n’y a pas de place pour la violence et la coercition (qui vont inévitablement causer d’autres violences et actes coercitifs) dans l’anarchie. Tout de même, Malatesta pensait aussi que ce but de paix et de non-violence pouvait être atteint au travers les moyens les plus violents et coercitifs possibles: la lutte armée, la guerre civile, la révolution militarisée. Simone Weil a dit que “la guerre révolutionnaire est la mort des révolutions”. Pendant que les anarchistes ont toujours été très prudent-e-s dans leur poursuite de la relation entre moyens et fins dans tous les aspects de leurs politiques, encore aujourd’hui plusieurs d’entre eux/elles l’ignorent quand arrive la question de la violence.

Comme Malatesta, les anarchistes de notre temps ne semblent pas s’attarder à une analyse anarchiste et une critique de la violence. Les anarchistes ont toujours critiqué la “violence organisée de l’État”, mais au lieu de critiquer et de rejeter la violence comme étant un outil fondamentalement étatiste et oppressif, ils ont souvent fait une chose troublante: légitimer leur propre usage de la violence en référant à la violence de l’État. En d’autres mots, ils utilisent l’État comme une excuse pour leurs propres actions. Essentiellement, ils et elles laissent l’État déterminer leurs actions quand ils disent: “l’État est violent, nous devons/pouvons/devrions donc répondre de la même manière.” La violence est le seul sujet où les anarchistes utilisent de manière répétitive et ouverte les comportements de l’État comme une justification et un point de référence pour leur propre praxis. Ce n’est plus l’anarchie et les principes anarchistes qui déterminent les moyens, mais l’État! Il est presque comique de constater que ceci ne cause pas plus de débats dans un mouvement anarchiste qui souligne légitimement l’importance de politiques préfiguratives. Certain/es oublient souvent que si, comme anarchistes, nous voulons abolir l’État, c’est justement parce qu’il est coercitif, répressif et, oui, violent! La lutte contre la violence, peu importe sa forme (structurelle et directe/physique) et par qui elle est utilisé, est un des fondements de ce que les anarchistes combattent avec beaucoup de passion- la coercition, la domination, la hiérarchie, les inégalités. Donc, une précondition pour une critique fondamentale de la domination et des inégalités doit aussi être une critique radicale de la violence. Une critique anarchiste de la domination semble incomplète sans une telle critique – elles sont reliées.

L’anarchiste britannique Nicolas Walter a dit que la violence (tout comme l’État!) n’est pas une force neutre qui fait ce qui est bon parce qu’elle est entre de bonnes mains. Ceci est vrai même si nous reconnaissons qu’il y a une différence entre la violence de l’oppresseur et celle de l’oppressé/e. Comme dans le cas de Malatesta, il semble y avoir un manque de compréhension des alternatives aux moyens de lutte violents dans l’anarchisme contemporain. Malatesta a écrit que renoncer à la violence veut dire renoncer à l’activité révolutionnaire. C’était faux au 19e/20e siècle (des groupes et des individus anarchistes non violent révolutionnaires existaient en même temps que Malatesta) comme c’est faux aujourd’hui. L’action non violente n’est ni réformiste ni passive (même si elle peut l’être); ce n’est pas seulement une praxis qui arrête avant d’user de violence contre les humains. C’est un large et complet répertoire de modes d’actions (directes) subversifs, ancrés dans une riche histoire, qui peuvent être utilisés. Ainsi, dans l’histoire du mouvement anarchiste, il est possible de trouver des groupes et des individus qui ont pris la relation entre les moyens et les fins de manière sérieuse, également dans le cas de la violence. Ils/elles y ont vu la relation entre violence et domination, et donc rejeté les moyens violents hors de leurs principes anarchistes – préconisant plutôt une révolution non-violente

“Quel sera le résultat de la Révolution?”

Malatesta n’était pas un révolutionnaire non-violent, même s’il semble des fois surprenant qu’il ne soit pas arrivé à cette conclusion quand nous lisons des parties de son travail où il apparaît comme un critique anarchiste, passionné et avisé en ce qui concerne les moyens violents:

“Violence, i.e., physical force, used to another’s hurt, which is the most brutal form the struggle between men can assume, is eminently corrupting. It tends, by its very nature, to suffocate the best sentiments of man, and to develop all the anti-social qualities: ferocity, hatred, revenge, the spirit of domination and tyranny, contempt of the weak, servility towards the strong. And this harmful tendency arises also when violence is used for a good end. […] How many men who enter on a political struggle inspired with the love of humanity, of liberty, and of toleration, end by becoming cruel and inexorable proscribers. How many sects have started with the idea of doing a work of justice in punishing some oppressor whom official « justice » could not or would not strike, have ended by becoming the instruments of private vengeance and base cupidity. And the Anarchists who rebel against every sort of oppression and struggle for the integral liberty of each and who ought thus to shrink instinctively from all acts of violence which cease to be mere resistance to oppression and become oppressive in their turn also are liable to fall into the abyss of brutal force. […] Thus the danger of being corrupted by the use of violence, and of despising the people, and becoming cruel as well as fanatical persecutors, exists for all. And if in the coming revolution this moral degradation of the Anarchists were to prevail on a large scale, what would become of Anarchist ideas? And what would be the outcome of the Revolution?” (1)

Pour être clair: il ne s’agit pas ici d’avoir “tort” ou “raison”, d’avoir la “bonne” interprétation de l’anarchisme, étant donné que je ne crois pas en la “vérité anarchiste”. C’est plutôt en lien avec la réflexion sur la théorie et la praxis anarchiste, ainsi que sur le fait d’aborder les contradictions qui devraient être discutées et débattues. Pour le sujet de ce texte, Errico Malatesta semble être un très bon exemple historique, étant donné qu’il était un critique, en même temps qu’un défenseur, de ce qu’il appelait “la violence révolutionnaire”. Et ce sujet est – comme nous le savons tous/tes – encore pertinent pour nous aujourd’hui.

(1) Errico Malatesta: „Violence as a Social Factor“. In: Robert Graham (ed.): Anarchism: A Documentary History of Libertarian Ideas. Volume One. From Anarchy to Anarchism (300 CE to 1939). Black Rose Books, Montreal/New York/London 2005, p. 160

Reading Malatesta. Thoughts on tactics, violence and revolution

by Sebastian Kalicha

Errico Malatesta (1853 – 1932) is one of those 19th/20th-century anarchists, where you notice while reading that the problems that anarchists are facing today haven’t really changed that much since then. In fact, Malatesta discussed problems and ideas that seem very relevant to the contemporary anarchist movement like tactics and organising. Hence, he shouldn’t be treated as an irrelevant „old man with beard“ (who some contemporary anarchists declare irrelevant in a disastrous attempt to ditch their own history), but he should be read and critically discussed.

Malatesta’s anarchism can roughly be described as somewhere between Bakunin’s collectivist and Kropotkin’s communist approach. Malatesta rejected individualist anarchism, hesitated to fully align with anarcho-syndicalism – claiming that unions always have the tendency to be reformist, not revolutionary – and had his problems with parts of the anarcho-communist current – notably with the platformists, who he thought had an organisational structure that was too rigid. He wanted the anarchist movement to be a movement of the working class, a mass movement, neither a krypto-elitist, clandestine subculture (like Bakunin sometimes envisioned), nor a potentially patronising “vanguard”.

Malatesta, war and “Ravacholism”

A topic that is both historically important as well as relevant for us today are Malatesta’s ideas about tactics (i.e. the question of violence). Again, we find Malatesta between different approaches, not fully aligning himself with a specific one. Before talking about the question of tactics, revolution, violence and non-violence, it first should be mentioned that Malatesta was one of the anarchists who publicly and passionately confronted the (small) group of anarchists who supported the Entente during World War 1. The famous pro-war Manifesto of the Sixteen, signed by anarchists like Peter Kropotkin and Jean Grave, led to a rift in the anarchist movement, with people like Emma Goldman, Rudolf Rocker, Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Lilian Wolfe and Alexander Berkman arguing against the “pro-war-anarchists”.

Malatesta was also in complete opposition to the so-called “propaganda of the deed”, i.e., to anarchists who thought they could win the masses for the revolutionary cause through assassination attempts and bombings targeting the hated representatives of the oppressive system. Malatesta knew already back then how toxic such a tactic was to the anarchist movement and how counter-productive it is for everything anarchists push for. He once described it as one of his nicest memories that he added to the failure of the short-lived anarchist phenomenon of “Ravacholism”, as he called it.

Malatesta on violence

Concerning violence, and what role it should play in anarchist action or, ideally, revolution, Malatesta was quite contradictory. On the one hand, he was very vocal in warning anarchists of the destructive consequences violence can have – and always has had! – and how incompatible it was with the anarchist ideal. On the other hand, he was advocating nothing less than armed struggle as the means for a successful revolution. He wanted to arm the entire working class (in contrast to just a small armed guerilla army), so that the workers could overthrow the bourgeoisie by force. It is paradoxical: on the one hand, Malatesta sounds like a staunch non-violent anarcho-pacifist, who is able to explain very convincingly why violence is an oppressive and reactionary tool that betrays and works against the anarchist goal of a free, progressive and non-repressive society; on the other hand, the conclusion for him is not to renounce violence as a means for the revolution, but to advocate the direct opposite: armed struggle. He never came to the conclusion of Dutch anarchist Bart de Ligt who said: the more violence, the less revolution.

Means and ends

What we have to discuss here is one principle that is central and crucial to anarchist theory and praxis: the relation of ends and means. Anarchists always knew that the means determine and define the ends. Are the means repressive, violent and reactionary, the end will be exactly the same and nothing else. Anarchists, including Malatesta, were very committed to this rule, most notably in their quarrel with the Marxists; they argued that the state won’t “wither away” at some point, but that it has to be overthrown immediately, otherwise there’s no turning back. They knew that if revolutionaries used repressive means in the same way the state did, the revolution wouldn’t end in a non-repressive, free and stateless society. Interestingly enough, the question of violence was always the big “exception” in this relation of means and ends. Malatesta made it very clear that the goal he was fighting for was a peaceful, non-violent and free society. There is no place for violence and coercion (which inevitably cause one another) in anarchy. Still, Malatesta thought that the peaceful and non-violent goal could be reached through the most violent and coercive means possible: armed struggle, civil war, militarised revolution. Simone Weil said that “revolutionary war is the death of revolutions”. While anarchists were always very cautious in following the relation of means and ends in all aspects of their politics, to this day many of them ignore it when it comes to the question of violence.

Just like Malatesta, anarchists these days don’t seem to pay a lot of attention to a fundamental anarchist analysis and critique of violence. Anarchists have always criticised the “organised violence of the state”, but instead of criticising and rejecting violence as a fundamentally statist and oppressive tool, anarchists have often done something quite unsettling: they have legitimated their own use of violence by referring to the violence of the state; in other words, they have used the state as an excuse for their own actions. Basically, they let the state determine their actions when stating: “The state is violent, so we have to/can/should respond in the same fashion.” Violence is the only topic where anarchists repeatedly and openly use the state’s behaviour as a justification and a point of reference for their own praxis. It is no longer anarchy and anarchist principles determining the means, but the state! It is almost comical that this does not cause more debate in an anarchist movement that is rightfully pointing to the importance of prefigurative politics. Anarchists often seem to forget that we as anarchists want to abolish the state exactly because it is coercive, repressive and, yes, violent! A precondition and a fundamental root of things that anarchists fight with great passion – coercion, domination, hierarchy, inequality – is violence, regardless of how it exactly appears (structurally or directly/physically) and who is using it. Therefore, a precondition for a fundamental critique of domination and inequality has to be a radical critique of violence. An anarchist critique of domination seems incomplete without such a critique – they have to come together.

The British anarchist Nicolas Walter said that violence (just like the state!) is not a neutral force that does the right things just because it’s in the right hands. This is even true if we acknowledge that there is a difference between the violence of the oppressor and that of the oppressed. Just like in the case of Malatesta, there seems to be a lack of understanding of the alternatives to violent means of struggle in contemporary anarchism. Malatesta once wrote that renouncing violence means renouncing revolutionary activity. That was wrong in the 19th/20th century (there were explicit revolutionary non-violent anarchist groups and individuals existing at the time of Malatesta) just like it is wrong today. Non-violent action is neither reformist nor passive (even though it can be); it is not just a praxis that stops at the point of using violence against humans. There is a wide range and a whole repertoire of subversive modes of (direct) action that can be used, not to mention the rich history that it has. As mentioned, even in the historical anarchist movement one can find groups and individuals, which took the relation of means and ends also in the case of violence seriously, who saw the relation of violence and domination, and therefore rejected violent means out of their anarchist principles – advocating for non-violent revolution.

“What would be the outcome of the Revolution?”

Malatesta was not one of them, even though it seems sometimes surprising that he did not draw this conclusion if you read the parts of his work where he appears as a passionate and clear-sighted anarchist critic of violent means:

“Violence, i.e., physical force, used to another’s hurt, which is the most brutal form the struggle between men can assume, is eminently corrupting. It tends, by its very nature, to suffocate the best sentiments of man, and to develop all the anti-social qualities: ferocity, hatred, revenge, the spirit of domination and tyranny, contempt of the weak, servility towards the strong. And this harmful tendency arises also when violence is used for a good end. […] How many men who enter on a political struggle inspired with the love of humanity, of liberty, and of toleration, end by becoming cruel and inexorable proscribers. How many sects have started with the idea of doing a work of justice in punishing some oppressor whom official « justice » could not or would not strike, have ended by becoming the instruments of private vengeance and base cupidity. And the Anarchists who rebel against every sort of oppression and struggle for the integral liberty of each and who ought thus to shrink instinctively from all acts of violence which cease to be mere resistance to oppression and become oppressive in their turn also are liable to fall into the abyss of brutal force. […] Thus the danger of being corrupted by the use of violence, and of despising the people, and becoming cruel as well as fanatical persecutors, exists for all. And if in the coming revolution this moral degradation of the Anarchists were to prevail on a large scale, what would become of Anarchist ideas? And what would be the outcome of the Revolution?” (1)

Just to be clear: this is not about being “right” or “wrong”, if someone has the “right” interpretation of anarchism or not, since I don’t believe in “the anarchist truth”. This is about reflection on anarchist theory and praxis and about tackling aspects of it, where I see contradictions that need to be addressed and debated. For the questions discussed, Errico Malatesta seems to be a very good historical example, since he was both a critic and an advocate for what he called “revolutionary violence”. And this topic is – as we all know – still very relevant for us today.

(1) Errico Malatesta: „Violence as a Social Factor“. In: Robert Graham (ed.): Anarchism: A Documentary History of Libertarian Ideas. Volume One. From Anarchy to Anarchism (300 CE to 1939). Black Rose Books, Montreal/New York/London 2005, p. 160

Commentaires fermés sur Lire Malatesta. Pensées sur les tactiques, la violence et la révolution – Reading Malatesta. Thoughts on tactics, violence and revolution :, , , , , , , , , , more...

À propos de la violence II – machisme et communications

by on Nov.20, 2014, under Général

Ceci est la suite et la conclusion de « Cher Charles et « violence » politique ».

 

Des trucs pacifiques qui nuisent

En 2012, des gens de l’Université de Montréal et d’ailleurs ont tenté de défoncer la porte des bureaux du Recteur avec une banquette de bois. Après l’échec du projet et l’arrivée massive de flics, les manifestant-e-s se sont dirigé-e-s vers le plan B des trois ou quatre meneurs (tous des hommes, mais est-ce vraiment nécessaire de le mentionner): le bureau du député d’Outremont. Problème: le premier étage était occupé par une clinique de maternité et de pédiatrie. Quand j’ai dit à un des meneurs, un militant connu, qu’on devrait vérifier l’horaire de la clinique et revenir un jour de fermeture, afin de perturber seulement le bureau du député, il m’a répondu: « on fait pas d’omelettes sans casser d’oeufs » et a continué de mener une manif obéissante dans son piège. Ce blocage se voulait pacifique, (bien plus pacifique d’ailleurs que du défonçage de porte), mais il a provoqué des conséquences bien plus graves que la fois où Charles (le personnage de la BD de Nico Las) a joué au Toréador avec le manteau d’un flic. Pensez aussi aux manifestations « pacifiques » des militant-e-s antiavortement devant les cliniques aux USA, ou aux actions tout aussi pacifiques des infâmes homophobes de la Westboro Baptist Church.

Ce ne sont que quelques exemples pour illustrer mon point: toutes les actions politiques non-violentes – et c’est-à-dire, et comprenons-nous bien, répondant aux normes de contestation établies par les principales élites militantes – ne s’équivalent pas. Certaines sont extraordinairement chouettes, même quand elles ne débouchent pas sur des actes illégaux! D’autres sont idiotes et nuisibles. Il en va de même pour les actions qui sont perçues comme violentes. Tout condamner d’un bloc, c’est ridicule, dans un cas comme dans l’autre.

 

La prison et le machisme

Dans tout ce débat, il y a une composante assez souvent mise de côté: comme le disait Pwll dans un autre billet, la glorification des actions dites violentes sont souvent l’occasion pour certain-e-s acteurs/trices de tenir un discours machiste. Dans la BD Cher Charles, si plusieurs planches me mettent vraiment très mal à l’aise à cause de leur sexisme ordinaire, il n’y a cependant pas de posture ouvertement machiste à ce sujet: il se trouve simplement qu’on se concentre sur les actions de Charles, et Charles est un homme cisgenre. Cela dit, en mettant toute notre attention sur lui, sur ses gestes, on le dresse comme modèle par excellence des Black Blocs, alors qu’il ne doit rester qu’une expérience d’individu parmi tant d’autres. Le problème sur ce point précis réside surtout dans l’inexistence d’un contre-discours. Par ailleurs, à la soirée de lancement, on vendait des t-shirts sur lesquels on pouvait lire: « Tamagotchi political prisoner boyfriend. Everyone got one in Canada! » Intéressante caricature qui permet de comprendre que le combat contre l’institution carcérale concerne aussi les proches (un propos bien rendu par le film court de Youri, Des profondeurs j’ai crié), mais le pendant féminin ou neutre n’existait tout simplement pas. En bref: peu importe la bonne volonté de l’auteur et des artistes qui ont participé au lancement de la BD, Cher Charles vient renforcer l’image masculine du vandalisme politique.

Et pourtant, des femmes en prison ou en procès parce qu’elles ont cassé, volé, défendu, attaqué ou organisé, ce n’est pas ce qui manque. Je pourrais en nommer plusieurs, parmi mes amies, qui sont confrontées au Léviathan de la justice criminelle. Mais je ne vais pas le faire. Je vais nommer deux femmes que je ne connais pas personnellement: Amélie et Fallon, deux insurgées enfermées au Mexique pour avoir commis des actes « terroristes ». On pourrait aussi parler des femmes (3 accusé-e-s sur 4) qui ont porté le blâme dans l’histoire des fumigènes du métro de Montréal[1].

Et voici une anecdote assez intéressante qui n’a, à ma connaissance, jamais été relevée par le passé. Dans les jours suivant la manifestation de Victoriaville, en 2012, une ligne ouverte de Radio-Canada avait donné la parole, en direct, à une femme assez âgée et très articulée qui avait assisté à l’évènement. Voici à peu près ce qui s’est dit:

PERSONNE: La police est devenue très violente. Et là, tout le monde s’est mis à tirer des roches et il y avait beaucoup de gaz lacrymogène.
ANIMATEUR: Et vous, madame, vous avez quand même pas tiré de roches?!
PERSONNE: Non. J’ai regardé par terre et je n’en ai pas trouvé à proximité.

Devant la légion d’exemples, ce n’est pas la violence qui doit disparaître du discours, mais le portrait jeune et masculin des représentations, la tendance viriliste de la glorification du héros, le romantisme vieillot du martyr pour la cause. Là-dessus, je rejoins parfaitement Pwll (et son article très pertinent, allez le lire), avec qui j’aurais sur le sujet un débat sans doute plus sémantique qu’idéologique.

 

stratégies de communication – de l’efficacité

Un des arguments les plus couramment utilisés par la gauche modérée et opposée à toute résistance violente concerne l’opinion publique. Une opinion publique qui n’existe pas, selon plusieurs activistes de gauche (dont Bourdieu: sa position a été largement reprise pendant la grève étudiante de 2012) – quand celle-ci n’est pas de leur côté bien sûr, parce que quand elle appuie leurs idées, illes s’empressent de dire que « la population est avec nous ». Si donc on se trouve à organiser des manifestations violentes – ce n’est qu’un exemple, hein, pas une incitation – la population aura tendance à la condamner, parce qu’elle est contre la violence. Notons tout de suite que l’opinion publique ne constitue pas selon moi tant une illusion que le Peuple lui-même, une illusion sur laquelle la démocratie base sa légitimité, de la même manière qu’autrefois les monarques basaient leur légitimité en Dieu. P’tite nouvelle: ni l’un ni l’autre n’existent. Mais passons.

Il faut arrêter de toujours se demander si une action sera défendue par un grand nombre. Il faut se demander si elle est défendable. Si elle est nécessaire. Si elle répond correctement à la violence qu’on nous inflige. Le pouvoir a cet avantage sur nous: non seulement il parvient à défendre n’importe quel meurtre, n’importe quel pillage, mais en plus, il parvient à nous les faire désirer.

Pourquoi n’y arriverions-nous pas? Si la population décidait de déplorer le sabotage d’une pelle mécanique avant que celle-ci, par exemple, ne commence à préparer le terrain au creusage d’un puits de gaz de schiste, il faudrait non pas essayer de trouver un mode d’action plus fade et consensuel à opposer à la force brute du lobby énergétique, mais chercher plutôt à défendre l’acte de sabotage de manière plus efficace.

Par ailleurs, il ne faut pas s’attendre à une couverture positive de nos actions. Dans aucune situation, les médias corporatifs n’appuieront massivement une lutte qui mettrait en danger le système qui les nourrit. Allant plus loin que les reporters insipides au discours formaté, les leaders d’opinion prônant naturellement la violence envers les manifestant-e-s ne seront jamais non plus assouvis. Devant nos actions diverses, seule leur stratégie de communication se transforme: leur humeur reste sensiblement la même. Il est vrai que de l’acharnement médiatique a souvent lieu après une manifestation plus radicale. Mais juste avant la manif (très pacifique) du 31 octobre dernier, voici ce qu’une animatrice de radio a dit à Yves Francoeur pour le convaincre de réprimer la foule: « Un groupe d’étudiants qui va paralyser le centre-ville de Montréal. Des gens qui auront pas accès à des soins de santé demain, parce qu’il va y avoir 70 000 personnes dans la rue. » Notez que cette fois-ci, aucune clinique médicale n’a été directement et consciemment bloquée, à ma connaissance, par les manifestant-e-s. Et pourtant, les gens sont toujours supposément mis en danger de mort. Par une manif PACIFIQUE.

De fait, la propagande réactionnaire est tellement efficace qu’elle donne l’illusion de bénéficier de chacune de nos actions, quel que soit leur degré de radicalité. Charest s’est amplement servi de la crise de 2012 pour mousser sa campagne, à un tel point qu’on croirait que c’en est l’ingénieur suprême. Mais détrompez-vous. Il n’en était que le parasite. Les politicien-ne-s n’ont ni l’envergure ni l’intelligence d’organiser d’aussi vastes complots, et encore moins de les contrôler. Cela dit, leurs relationnistes sont juste assez intelligent-e-s pour trouver une attitude à adopter dans toutes les situations.

Nous pourrons subséquemment débattre de stratégies à adopter nous-mêmes pour mieux faire face à l’industrie des communications, puisque c’est ça le véritable nœud du problème. Il y a plusieurs pistes. Ce sera pour une autre fois.

 

S’en sortir libre et en vie, c’est plus important que tout

Je ne le spécifie pas inutilement. Aux actions de sabotage, de vandalisme, d’affichage sauvage, de piratage informatique, à la confrontation émeutière, bref tout ce qui peut être considéré comme des actions violentes, on oppose souvent des blocages et des occupations pacifiques, voire des actions symboliques. Je ne suis pas contre, mais dans certaines situations, celles-ci se révèlent être d’une grande dangerosité. Et je tiens ici à être clair. Je sais que Rémi Fraisse n’est pas mort au milieu d’une chaîne humaine en chantant coumbaya. Idem pour les milliers de manifestant-e-s égyptien-ne-s, tunisien-ne-s du Printemps arabe, les militant-e-s kurdes, etc.

Mais la plupart des matraques que j’ai vu s’abattre sur la tête de mes ami-e-s, au cours de la dernière décennie, c’était pendant des manifs pacifiques. Le seul poivre de Cayenne que j’ai reçu dans les yeux jusqu’à aujourd’hui a été le résultat de résistances passives. Ma seule arrestation et mon seul véritable passage à tabac (menotté) par les flics se sont déroulés alors que je n’avais opposé aucune résistance ni tenté de fuir. L’opinion publique ne fut pas là pour me protéger, ni moi ni aucun-e de mes potes. Au contraire, elle a fait comme elle sait si bien faire: conspuer les victimes, encenser les bourreaux, protéger le système. Plus largement, précisons que plusieurs « ringleaders » du G20 ont fait plus d’un an de prison. Parmi les accusé-es: du monde qui n’ont même pas mis un pied dans une manif à Toronto.

Alors voilà ce que je dis: ce système ne récompensera pas votre pacifisme. Les conséquences ne sont pas toujours équivalentes aux actes: tout dépend du contexte, de vos avocat-e-s, des juges, des flics, etc. Posez des gestes intelligents et ne prenez pas de décisions trop spontanées. Si vous voulez faire une action directe, préparez-vous méticuleusement, ne laissez pas de traces! Si vous pensez que votre action est vouée à l’échec, ne prenez pas ce risque! Et surtout, surtout, restez en vie, et ne vous faites pas prendre.

____________________________________

[1] Et selon les normes sociales actuelles, il s’agit bien ici d’actions violentes.

 

Commentaires fermés sur À propos de la violence II – machisme et communications more...

Désarmer avec un sourire

by on Nov.10, 2014, under Général

Il y a quelques temps que j’ai ce texte en tête et d’une certaine manière, il fait un peu écho à celui qu’a écrit pwll il y a quelques semaines. Cela dit, il est beaucoup plus introspectif et se veut une réflexion tout à fait personnelle par rapport à la violence et au politique. Plus précisément, je souhaite revenir sur une période de ma vie dont je tiens aujourd’hui à me distancer, parce que je ne m’y reconnais plus et que je sais à quel point la vision que j’avais à cette époque peut s’avérer être un désastre pour ceux et celles qui aspirent à une société plus juste. Loin d’être une apologie de la violence et du meurtre, mon texte se veut une invitation à sortir du cercle de la violence, qui dévore autant la personne qui est ciblée par l’acte que la personne qui le commet.

 

Si je suis passé du pseudonyme Bakouchaïev sur mon ancien blog au pseudonyme Bakou sur La tomate noire, c’est bien pour remettre en question ma phase nihiliste, qui heureusement n’a pas donné lieu à des dérapages majeurs. La composition de Bakouchaïev fait référence à Bakounine et à Netchaïev. Si Bakounine s’inscrit dans l’anarchisme du 19e siècle, c’est à la mouvance des nihilistes russes que l’on doit classer Netchaïev. J’ai pensé à une certaine époque que le mouvement anarchiste était trop mou et que la stratégie d’intégrer les mouvements sociaux réformistes dans le but de les radicaliser entraînait tout l’effet contraire escompté par les anarchistes. Loin de radicaliser les groupes réformistes, ce sont les groupes réformistes qui réduisent la portée du message défendue par les anarchistes. À la suite de ce constat, j’ai voulu me démarquer de mes camarades anarchistes en intégrant le nihilisme à mes principes anarchistes, que je voyais comme étant le remède idéal pour préserver mes aspirations du piège réformiste. Si je pense toujours que la stratégie d’intégrer les mouvements réformistes pour les radicaliser est vouée à l’échec, je vois bien aujourd’hui que le nihilisme n’est qu’un piège de plus pour toute personne désirant changer les fondements de notre société, la violence étant le terrain de jeu privilégié de l’État.

 

Avec le recul, disons que j’étais bien plus dépressif que nihiliste à l’époque. Cette condition première m’a mené aux idées politiques défendues par les nihilistes russes. Par la suite, c’est en constatant que la majorité des auteurs des fusillades que nous voyons dans les nouvelles correspondaient au même profil que j’avais à mon époque nihiliste, c’est-à-dire des jeunes hommes au début de la vingtaine vivant toujours chez leurs parents et/ou étant isolés du reste de la société, que je me suis remis de plus en plus en question. Leur violence m’est apparue comme étant tout à fait irrationnelle et contreproductive. Or, j’ai moi-même eu des idées morbides par le passé et je suis bien content d’avoir pu me ressaisir. L’anarchisme et la mise en place d’une société basée sur des rapports égalitaires se veut la fin de toute violence. L’atteinte de cet objectif commence par soi-même.

 

Il n’y a rien de plus frustrant que d’être incompris et isolé, mais le déferlement de la violence ne peut être une solution à nos problèmes. Je pense encore, malgré les embûches que cela comporte, que nous devons briser notre isolement et nous organiser sur une base horizontale afin d’instaurer des rapports révolutionnaires au sein d’une société qui se meurt.

 

Condamner et repousser des gens aux idées noires est peut-être compréhensible, mais c’est en agissant ainsi que notre société créée des monstres. Je condamne toute forme de massacre, mais je peux comprendre la détresse et la perte de contrôle que certains et certaines ont pu ressentir à une période de leur vie. Avant qu’un individu ne dérape, ce n’est pas tant de critique qu’il a besoin, mais de compréhension. Et pourquoi pas, peut-être un peu d’amour ?

 

Comprendre un individu ne revient pas à justifier toutes ses actions ou toutes ses pensées. C’est seulement une manière de se mettre à sa place, de comprendre sa souffrance et dans le cas de mon billet, de lui fournir une alternative au passage à l’acte de ses idées noires. L’écriture et l’art peuvent être des portes de sorties, tout comme l’engagement social dans le but de fonder une société plus juste. Mais si nous continuons collectivement à jeter la pierre à ces laisséEs pour compte sans chercher à comprendre, nous ne règlerons jamais le problème. Il s’agit selon moi d’un problème collectif et celui-ci requière une solution collective.

 

3 Comments more...

Assise entre deux chaises

by on Oct.30, 2014, under Général

familia rara

Dernièrement je suis allée voir ma famille en Amérique du Sud. Comme à chaque fois, je me retrouve dans la drôle de position de me sentir complètement chez moi, en même temps que complètement étrangère. Tout à coup les enjeux anticlassistes, antisexistes et antiracistes, je les vois à travers un prisme différent. Et je me surprends moi-même à trouver normales des choses que je trouverais inacceptables dans le Québec où j’habite maintenant. De la même manière, je me surprends à être confortable dans une identité nationale qu’on m’accole. Je me sens bien dans ce groupe identitaire quand pourtant je crache de toutes mes forces sur une identité fermée de Québécoise.

De la même façon, mes non négociables féministes s’assouplissent. Se surveiller quand on est une femme, accepter de faire plus de tâches ménagères que les hommes, voir les petites filles se faire éduquer à être toujours charmantes et toujours prêtes à donner des baisers. On dirait que je pile sur bien des choses parce que tout à coup je les contextualise d’une autre façon. Ça ne m’empêche pas de hurler « une femme qui se fait agresser ce n’est jamais de sa faute!!! », mais ça m’empêche de sortir en camisole seule ou de prendre un taxi seule. De toute façon, je me fais trop gosser. Peut-être aussi que je réagis moins vivement parce que je n’aime pas qu’on m’accole l’étiquette de gringa. Mes réactions féministes s’adaptent-elles ou suis-je juste moins confortable de les étaler?

Une partie de ma famille a migré aux États-Unis. Beaucoup sont entréEs comme sans-papiers, et je sais que je suis vraiment privilégiée de pouvoir entrer et sortir du Canada comme je veux et tout autant de pouvoir entrer et sortir du pays où je suis née. Ça me fait tellement de peine de les voir et de ne pas pouvoir répondre à leur « viens nous visiter plus souvent! » par un « vous aussi vous devriez venir! ». Ce n’est même pas une question d’argent… Juste une question de frontières.

Je haïs les frontières. Elles me font de la peine à moi et aux gens que j’aime.

Il y en a qui sont partis depuis très longtemps. Assez longtemps pour que leurs enfants, qui sont plus jeunes que moi, aient grandi la majorité de leur vie aux États-Unis. Et je trouve fascinant de constater à quel point certaines parties de leur identité sont en tension. Et dans un moment où ceux et celles qui le peuvent se retrouvent ensemble en Amérique du Sud, ces tensions deviennent visibles.

Je m’explique : les adultes ont voulu migrer pour donner une vie meilleure à leurs enfants et plus de possibilités d’avenir. Ce faisant illes essaient de se rapprocher de la vie des gringos. De la richesse de ces derniers et du mode de vie du « premier monde ». Illes sont super fierEs d’habiter dans de beaux quartiers, que leurs enfants aillent dans de bonnes écoles, puissent s’acheter des voitures qui valent cher et paraissent bien avec de beaux vêtements qui valent cher. Je passe pour une bizarre parce que je m’en contre-câlisse de leurs sacoches Louis Vuitton ou de leur pick-up de l’année. Et des fois ça les blesse. Dans ces moments ils mettent ça sur la faute du fait que « je suis une Canadienne gâtée » et là c’est moi qui suis blessée. Ma grand-mère est super fière que ses enfants et ses petits enfants aient « monté dans l’échelle sociale et aient plus d’argent et des professions ». Ce qui me fait vomir de la société de consommation, eux ils le voient comme un signe que leur vie est meilleure. Et qui suis-je moi pour leur dire le contraire? Je ferme ma gueule plus souvent que d’autre chose. Je suis privilégiée. Crissement privilégiée. Je ne me sens pas légitime de leur faire la leçon. Je ne ne sens pas légitime de leur enlever la joie d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées ou de déménager dans un quartier bourgeois.

Leurs enfants, mes cousins-cousines, sont vraiment à cheval entre plein de choses. Par exemple, c’est super important pour eux que personne ne les confonde avec des MexicainEs. D’ailleurs illes, et leurs parents, font toutes sortes de commentaires désobligeants sur les MexicainEs : « Illes sont désordonnéEs, leurs maisons sont sales, illes paraissent mal, n’apprennent pas l’anglais… », tout en ajoutant un « je ne suis pas raciste j’ai plein d’amis Mexicains ». Mais en même temps, quand leurs parents ont l’air un peu maladroitEs, qu’illes se plaignent d’inconfort ou qu’illes utilisent leur derniers gadgets technologiques, leurs enfants prennent un ton agacé pour dire « fais pas ton gringo! », quand ceux et celles qui sont restés en Amérique du sud sont pourtant très fiers de pouvoir se payer ces gadgets.

C’est complexe.

Je ne sais pas quoi penser. D’un côté je suis vraiment heureuse de voir ma famille s’ouvrir des possibilités et améliorer leurs conditions matérielles d’existence, mais de l’autre, je suis torturée de voir que ça vient avec ce mode de vie et ces valeurs occidentales contre lesquelles je lutte de toutes mes forces. D’un côté je déteste vraiment avoir à être moins vindicative dans le comment je vis mes valeurs, d’un autre côté, je me sens bien de faire partie d’une communauté où j’ai l’impression d’être encouragée à sortir d’autres aspects de mon caractère…

Pis vous savez quoi?

De l’eau potable courante pis des douches chaudes c’est le fun en criss.

Commentaires fermés sur Assise entre deux chaises :, , , more...

Cher Charles et « violence » politique – (1)

by on Oct.24, 2014, under anarchie

I – Télé intérieure et jouissance

« Il y avait un temps où les fleurs avaient le droit d’éclore
Les pétales jaunes et rouges se tendaient comme des voiles
Partout ils claquaient dans une lumière vive et
Leurs couleurs détonnaient dans la grisaille
Boum.

Toi tu as fait pousser de la dent-de-lion
Aux reflets glacés et à la corolle pointue
Devant un Starbucks où tout le monde va

Délicatement tu as planté un tuteur fait avec
Un manche de pancarte
Il tenait enfoncé profond dans celui qui avait
Voulu désherber […]»

-La série des poèmes violents

 

Introduction

Condamner ce que les médias et gouvernements décrivent comme de la violence politique se fait difficilement sans adopter une position privilégiée. Car quand on participe à un débat en dénonçant un comportement décrit par la loi comme criminel et illégal, on ne peut faire face qu’à un parti affaibli et marginalisé, de par sa condition justement potentiellement judiciarisable. Un parti qu’on peut légitimement suspecter d’avoir peur d’exprimer le fond de sa pensée, en raison de la répression brutale que cette libre-expression peut provoquer. Avons-nous réellement besoin de le spécifier? Tous les médias, tous les individus ne peuvent se permettre de publier un texte réellement subversif. Dans un débat sur des actes illégaux, il y a donc un parti qui débute avec un réel avantage, et il serait temps de le reconnaître. Les dés sont pipés en faveur des gens qui condamnent la violence.

C’est dans ce contexte qu’a été publiée la BD Cher Charles. Elle défend ouvertement l’action directe, le vandalisme, la « joie armée ». Évidemment, tout le monde n’a pas apprécié le ton presque naïf de l’oeuvre vis-à-vis de la violence, dont la définition serait d’ailleurs à revoir en profondeur. Je fais donc état ici de mes propres remarques sur le sujet débattu.

Diversité des tactiques, perturbation de la routine

Parmi les postures militantes les plus largement partagées depuis plus d’une décennie, il y a le respect de la diversité des tactiques. Cela signifie grossièrement que l’on doit accepter, autant que possible, le mode de contestation choisi par une mosaïque d’activistes. Évidemment, je suis pour. La diversité des tactiques ne peut pas tout justifier, mais il me semble qu’une solidarité minimale est requise.

Je suis également en faveur des actions qui perturbent la routine. Je ne suis pas de ceux et celles qui cherchent nécessairement des perturbations économiques de grande ampleur, tout simplement parce que je n’y crois pas beaucoup. Cela dit, si ces mêmes actions visant la perte de capital et le ralentissement de la production troublent par le fait même le train-train quotidien du bétail humain, cela me rend heureux.

On parle souvent de la prison intérieure, qui survit dans notre psyché et nous enferme dans une autodiscipline grillagée. Elle nous pousse à ne jamais dévier de notre chemin, à toujours se surveiller, à avoir la trouille de sortir. On devrait tout autant parler de télé intérieure. Celle qui nous pousse à lever le son de nos outils de divertissement mentaux, à considérer tout stimulus extérieur de la même manière qu’on perçoit l’achalant bruit du frigidaire, ou la vision d’une mouche qui se pose sans arrêt sur l’écran pendant une game de hockey. Avec une immobile et silencieuse irritation.

Perturber constamment cette contemplation béate du spectacle me semble être de première nécessité. C’est une des seules manières d’amener les autres à se déconnecter. Et plus la perturbation est audacieuse, brutale, théâtrale, bruyante, plus les excuses pour retard au travail ou à l’école seront bonnes. Et au final, du moment qu’on décroche un peu, on peut constater qu’arriver à l’heure au travail n’est en fait pas si important. Ni même arriver du tout, d’ailleurs.

Casser une vitrine d’une entreprise capitaliste dans un quartier commercial, mettre le feu aux autopatrouilles et danser autour, c’est une manière improvisée mais très efficace de perturber le quotidien. Elle ne me semble ni meilleure ni pire, a priori, que de participer à une action non-violente, en faisant une chaîne humaine devant un Wal-Mart ou en gueulant l’hymne national du Djibouti pendant une conférence de presse de Steven Blaney. Seulement, cette manière de faire frappe mieux l’imaginaire, et avec elle l’univers des possibles explose. Non seulement l’exploiteur est humilié – c’est bien ce que c’est, une humiliation – mais les normes, qui servent de barreaux à notre prison intérieure, sont (du moins temporairement) complètement balayées. C’est ce qui s’est passé au G20 de Toronto, en 2010. Plusieurs l’ont constaté: après le passage des Black Blocs, la rue Yonge s’est transformée en foire carnavalesque. Les habitant-e-s et curieux/euses ont réoccupé leurs rues zébrées par les éclats de vitrines fracassées et les voitures de flics abandonnées. C’était l’euphorie. Les témoins n’en revenaient pas.

De la même manière, la manif du 22 mai 2012 a créé un chaos monumental, résultat de vitrines de banques pétées mêlées à la marche désordonnée et festive de toute une population à l’assaut de normes tyranniques. Au minimum deux personnes ont en outre décidé de se mettre totalement à poil (pas à moitié comme dans les manufestations), défiant ainsi le Code Criminel et commettant, pourquoi pas, une sorte d’acte violent contre la décence.

La magie n’existe pas. L’illusion: oui. On ne peut pas faire sortir une révolution d’un chapeau, par l’action radicale ou modérée. Mais on peut orchestrer le lever du rideau. Si nos chaînes sont imaginaires et volontaires, il faut briser tout ce qui fait mur à notre imagination. Parfois, ça passe par le fait de darder le dragon impuissant avec un bâton pour montrer à tout le monde qu’il n’est pas aussi dangereux qu’on le croit.

L’intérêt à long terme

L’intensité de ces moments de chaos – et parfois réellement d’anarchie[1] – est difficile à déterminer, principalement en raison de l’impossibilité de mesurer l’expérience individuelle de chaque participant-e et de chaque témoin. Il est difficile également d’en évaluer les conséquences sur les moyen et long termes, mais elles ne sont peut-être pas celles que l’on croit, ni aussi importantes qu’on le dit. Il y a quelques années, j’ai demandé à I… ce qu’il avait ressenti en cassant des vitres au G20. Il m’a répondu: « je me suis senti vivre, pour la première fois. » Ces actions ou manifestations n’ont pas besoin d’avoir d’effets à long terme, elles se suffisent à elles-mêmes : elles ont eu lieu, et c’est tout. C’est d’ailleurs à peu près l’une des positions défendues dans Cher Charles. Sans être l’orgasme perpétuel, elles sont comme l’orgasme multiple dans une société où toute jouissance serait proscrite. Elles ne durent pas éternellement mais laissent un souvenir délicieux et donnent envie de recommencer.

_____________

[1] Et non, je ne pense pas que l’anarchie soit nécessairement caractérisée par « l’Ordre ». Dans ce cas-ci, la solidarité émeutière suffit tout à fait.

Commentaires fermés sur Cher Charles et « violence » politique – (1) :, , more...

SyndiquéEs SEUQAM, je vous salue!

by on Oct.12, 2014, under Général

L'UQAM qui fait du déni. Photo de Claire Bouchard

L’UQAM qui fait du déni.
(photo: Claire Bouchard, tirée du site seuqam.org  )

 

Je voudrais saluer les syndiquéEs du Syndicat des employées et employés de l’UQAM (SEUQAM) pour leur journée de grève de jeudi. Ça fait deux ans que vous n’avez plus de convention collective, que vous avez 0 % d’augmentation de salaire. La totale : les cadres se sont donnés une dernière augmentation de salaire de 6 %.

J’ai trouvé votre piquetage et l’énergie que vous y avez mis magnifique! Je suis agréablement surprise de constater à quel point vous êtes mobiliséEs. Même votre exécutif semble un peu surpris.

Pis je trouve ça génial que vous surpreniez votre exécutif.

Votre exécutif je le trouve un peu … euh… meh…

Tout d’abord de rejeter de la solidarité… Je trouve que c’est un drôle de choix de la part de votre exécutif. Les syndiquéEs SÉTUE sont prêtEs à vous aider dans les actions que vous décidez, de la manière dont vous le décidez. Des associations étudiantes ont voté, en assemblé générale, des mandats d’appui à votre lutte. Un appui ça veut dire respecter et suivre la manière dont le syndicat en lutte (c’est vous ça) décide de mener sa lutte. Quand votre exécutif rejette tout ça du revers de la main je m’interroge sur comment il voit la défense de vos intérêts en rejetant les appuis internes. Par contre, à voir la bonne humeur avec laquelle des syndiquéEs SEUQAM se sont joint à des étudiantEs qui ont voulu passer dans les cours au moment de votre piquetage, je me dis que ce n’est peut-être pas vous, en assemblée générale, qui avez décidé de tasser ces appuis (très pratiques en plus, nous on sait il y a combien de portes à bloquer 😛 ), c’est peut-être votre exécutif qui prend des aises. Je n’en sais rien.

Ensuite, que votre exécutif tente de vous faire peur avec des injonctions pour ne pas faire de piquetage dur, je trouve ça moche. La centrale syndicale à laquelle vous être affiliéEs a énormément d’argent (en plus de ce que vous lui donnez), et sert à s’occuper de ce genre de questions. Je comprends l’argument de la hausse graduelle des moyens de pression, mais ce n’est pas le même argument que « Oh non ! Si on fait un piquetage dur l’UQAM va nous faire mettre une injonction et on n’a pas les moyens de la payer ! ». Mener une lutte dans laquelle tous les membres sont inclusES serait de vous présenter les risques exacts, les solutions à ces risques et de vous demander quel genre d’action vous avez envie de faire une fois que vous avez pensé aux risques. Mener une lutte dans laquelle tous les membres sont inclusES serait de planifier votre plan d’action avec vous, ou par un comité que vous pourrez choisir, pas en cachette en vous avertissant par courriel deux jours avant. Quand votre exécutif s’improvise « professionnels des moyens de pressions » avec la bénédiction de votre centrale, vous êtes dépossédéEs de vos propres modes d’actions. Mais vous êtes peut-être à l’aise avec ça. Qu’est-ce-que j’en sais ?

Finalement, dans la même veine, que votre comité de négociation signe une entente de confidentialité avec l’employeur, ce qui vous empêche de savoir quoi que ce soit sur vos propres négos, je trouve ça très très moche…

Mais je sais bien que ce n’est pas propre au SEUQAM, ces exemples sont très ordinaires dans le monde syndical québécois. Dans une logique d’être les interlocuteurs privilégiés de l’État, la majorité des syndicats québécois se retrouve prise entre un État pro-patronat, un droit du travail abrutissant et un enlisement dans des pratiques corporatistes douteuses. C’est pourquoi je m’émeus quand je vois des syndiquéEs motivéEs et en colère. C’est pourquoi je vous ai trouvé belles et beaux. Parce que vous avez raison d’être en colère et que vous avez toute la légitimité pour l’exprimer.

… Et bon, c’est mon petit côté uqamien, mais j’ai un faible pour les blocages 🙂

Évidement, la journée de  jeudi a aussi apporté son lot de laideur :
Heille le dude avec de l’eau en push push qui en pitchait sur les gens qui passaient dans les cours : stu fais avec un push push d’eau à l’école ?! C’est pour tes cheveux ? Faire peur aux chats ?
Heille le dude en gestion – leader de demain – qui s’est servi de violence physique pour démontrer son profond attachement à son cours : c’est une voie de fait ça.
Heille la prof qui a passé la ligne de piquetage avec une excuse cheap en bouche quand elle est passée devant une gréviste qui travaille dans son propre département : c’est cheap, dégueulasse et ça manque complètement de classe. Après ça tu vas la regarder dans les yeux dans le département ? (Et lol si je te vois parader dans le futur avec un foulard orange SPUQ)
Heille le douchebag qui s’est senti investi de la mission de dire de manière très agressive vendredi, à des gens qui travaillaient, qu’il leur « venait dans la face » pour leur grève de jeudi : t’est crrrrrrrissment laitte !!!

Une chance que j’ai pu t’engueuler en pleine face.

Commentaires fermés sur SyndiquéEs SEUQAM, je vous salue! :, , , , more...

Cher Charles

by on Oct.08, 2014, under Général

Publié chez Sabotart, 2014.

 

1ère de couverture-300x388

L’oeuvre est en fait une lettre qui est écrite par Nicolas sous forme de B.D. et s’adresse à Charles, prisonnier politique. Nicolas et Charles se sont connus dans le cadre des manifestations contre le G20 tenues à Toronto en 2010. Plus précisément, leur première rencontre remonte à leur arrestation commune, alors qu’ils et elles étaient une centaine de militantEs à dormir dans le gymnase de l’université de Toronto. Si Nicolas n’écope pas de charges, Charles s’en tire moins bien avec sept mois de détention. Nicolas nous relate sa relation avec Charles avant l’entrée de ce dernier en prison, se remémorant leurs discussions à propos d’Antonin Artaud, leur visite au Salon du livre anarchiste de Montréal de 2011, les soirées à micro ouvert où Charles lisait des passages de bouquins de manière aléatoire, la récupération de nourriture qu’ils pratiquaient à deux, etc.

Nicolas écrit cette lettre devant le manque de solidarité qu’il constate d’une partie de l’entourage de Charles et du portrait réducteur que les médias ont tracé de l’activiste. La B.D. veut d’abord et avant tout nous montrer qui est véritablement ce prisonnier politique, qu’on ne peut réduire à un simple voyou, si ce n’est pas à un terroriste dans certains cas. C’est donc une réflexion sur la violence que mène Nicolas, soulignant que la violence du système est bien plus grande que les gestes de vandalisme que reconnaît avoir commis Charles à Toronto. C’est cette violence systémique que combattent Charles et l’auteur de la B.D., qui ne saisit pas que des victimes du système financier et de la police peuvent se désolidariser de Charles. Cela amène Nicolas à avoir des discussions fictives avec des personnalités et des personnages qui font leur apparition dans la B.D.

Dans le cas de Gandhi, Nicolas souligne que les imagistes utilisent le célèbre militant de la non-violence afin de jouer la carte de la victimisation pour promouvoir leur cause. L’auteur de la B.D. dénonce également au passage l’hypocrisie des paci-flics qui citent Gandhi tout en faisant la job de bras des policiers en s’en prenant physiquement aux casseurs dans les manifestations, phénomène qui s’est propagé lors de la grève étudiante de 2012. Nicolas nous rappelle également que la résistante en Inde coloniale était loin d’être uniquement pacifique, message que les apôtres de la non-violence ne semblent pas vouloir entendre.

Réfoman fait également une apparition dans la BD., un personnage qui veut «apporter de légers ajustements au système sans le détruire». Celui-ci justifie le travail des policiers qui ne font qu’obéir aux ordres, ordres qui proviennent de nos élus que l’on peut remplacer démocratiquement si l’on prend la peine de voter aux quatre ans. Ce discours rappelle à Nicolas le régime nazi où l’on suivait également les ordres d’un parti qui initialement, a pris le pouvoir par la voie démocratique. Nicolas considère que brûler une voiture de police est légitime, dans la mesure où celle-ci fait partie de l’appareil de répression étatique qui maintient les inégalités en place. Réfoman y voit plutôt une mauvaise façon de s’exprimer dans une société démocratique (il adore ce mot), d’autant plus que ce sont les citoyens et les citoyennes qui paient la facture avec leurs impôts. Contrairement à Réfoman, Nicolas n’accorde pas la même importance au vote et au poids de la majorité, ce processus ne rendant pas l’injustice plus légitime en soi. C’est en somme l’inefficacité du réformisme et du pacifisme qui mènent Nicolas et Charles sur la voie du vandalisme, jugée plus salutaire.

Nicolas nous fait voir un côté de Charles que la population en général ignore quand il est question de militantEs ayant commis du vandalisme, les médias réduisant ces derniers et ces dernières à de simples casseurs. On y découvre son côté altruiste et utopiste, distribuant des fruits et des câlins aux inconnuEs, pratiquant la récupération de nourriture et étant impliqué dans des projets de jardins collectifs. C’est un jeune homme au grand cœur que nous découvrons, amant de la musique, de la danse et de la poésie. Je ne doute pas que Charles a agi ainsi parce qu’il est une bonne personne, mais on retrouve un biais favorable à la casse dans cette B.D. ainsi que l’utilisation d’actions plus violentes et ce aux dépens de méthodes que l’auteur juge moins radicales. J’ai conscience qu’une institution financière ne peut être comparée à mon voisin et qu’il est tout à fait injuste qu’une poignée de dirigeants décident du sort de l’humanité, mais je me pose des questions par rapport à l’efficacité du vandalisme pour faire avancer la cause révolutionnaire (personnellement, je ne considère pas que le bris d’une vitrine constitue de la violence. Au mieux on peut parler de violence symbolique. Le problème est que ce geste sera associé à de la violence par plusieurs et force est d’admettre qu’il émane d’une colère et d’une frustration que je comprends tout à fait, mais qui peut mener à des gestes qui me semblent contre-productifs. Au lieu d’expliquer quel est notre projet de société aux gens, on est pris à expliquer le sens de ces actions à la population, qui autrement pourrait très bien sympathiser avec nos objectifs).

Je pense entre autres à cette image de magicien qui tente de détruire le capitalisme et l’État en récitant des formules magiques devant son chaudron. Hors du vandalisme, point de salut? En quoi le vandalisme serait-il une menace pour le capitalisme et l’État? Au contraire, celui-ci ne pourrait-il pas justifier la répression étatique et éloigner les foules des messages plus radicaux? L’auteur laisse entendre que sa B.D. n’est pas qu’une œuvre, mais bien un appel aux armes. Pourquoi pas un appel à l’action à la suite d’une prise de conscience? L’État est très bien positionné pour faire face à une lutte armée, qui ne risque pas de rallier les foules. La non coopération avec le système et une résistance plus réfléchie me semblent davantage porteuses d’espoir. L’auteur de la B.D. est ambigu en ce qui concerne la non coopération envers le système. Il reconnaît une certaine validité à la philosophie de Gandhi qui prônait aux gens d’être le changement qu’ils désirent voir dans le monde, mais il semble juger que cette méthode ne peut avoir d’emprise si elle n’est pas reprise par un nombre significatif d’individus. On sent une certaine impatience chez l’auteur qui l’amène à rejeter cette option, mais c’est pourtant la non coopération et la désobéissance civile qui auraient permis de freiner le régime nazi. C’est sur ce terrain que semble amené l’auteur au moment de sa discussion avec Réfoman, personnage prônant pour sa part le respect des lois et des institutions. Dans le contexte du régime nazi, qui nierait que la désobéissance civile aurait pu être efficace afin d’éviter l’horreur? Le vandalisme et la lutte armée n’auraient vraisemblablement rien changé, bien que certains et certaines pourraient juger que la prise des armes dans ce cas précis était louable, voir nécessaire.

Il est clair que la désobéissance civile doit rejoindre un nombre significatif d’individus, mais n’est-ce pas le cas pour n’importe quelle méthode employée par les révolutionnaires? Et si l’on désire que cette méthode devienne un jour populaire, ne devons-nous pas commencer à la prôner soi-même dans notre vie, ce qui est l’essentiel du message de Gandhi? J’ai conscience que son message a été détourné de son sens originel et qu’il est bien mal représenté par les paciflics et les imagistes de ce monde, mais nous devrions réfléchir davantage avant de rejeter toute forme de résistance non-violente, surtout si ces méthodes sont associées à des caricatures de ce qu’elles pourraient être dans les faits.

2 Comments more...

Looking for something?

Use the form below to search the site:

Still not finding what you're looking for? Drop a comment on a post or contact us so we can take care of it!

Visit our friends!

A few highly recommended friends...